dimanche 8 septembre 2024
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La Malédiction des Femmes dans La Casa de Bernarda Alba

par María Fernanda González

La Casa de Bernarda Alba, une photographie des temps sombres

Le célèbre poète espagnol Federico García Lorca avertissait à propos de sa dernière œuvre, La Casa de Bernarda Alba. Écrite en juin 1936 et jouée pour la première fois en 1945 en Argentine par Margarita Xirgu, cette pièce en trois actes se voulait être un documentaire photographique. Peut-être que le poète rêvait que ce drame sur la répression, la violence et l’injustice pourrait un jour témoigner de l’état de la société dans d’autres temps à venir.

Le Centre Dramatique National (CDN) s’inspire de cette idée dans sa nouvelle adaptation du "drame des femmes dans les villages espagnols", dans une version d’Alfredo Sanzol actuellement en scène au Gran Teatro de Córdoba. Cette adaptation met en lumière la vitalité de l’héritage de Lorca, prouvant à quel point le poète était en avance sur son temps et combien il avait prédit avec précision la société à venir.

Sanzol relie le passé au présent à travers la musique, la danse et la scénographie. Restant fidèle au texte original, cette version réussit à suspendre le temps entre le passé et le présent avec des explosions de musique électronique qui mettent en pause le texte et se transforment en danse contemporaine pour exprimer les émotions et la violence exercée sur les corps des filles de Bernarda. Tel des flashes, la danse est désireuse, angoissée et anxieuse pour Adela et ses sœurs, pour se calmer et s’épuiser dans le dernier acte pour le personnage d’Angustias.

La scénographie de Blanca Añón est visuellement très puissante et respecte la vision de Lorca, "blanche et simple". Avec un magnifique rideau en dentelle montant à chaque acte, un espace géométrique à deux pans avec uniquement des chaises sur scène et les ombres des femmes projetées sur les murs, l’oppression de la tradition catholique et du machisme exercé par Bernarda sur les malheureuses habitantes de cette maison "peut être comparé à une tempête dans chaque pièce".

Bernarda déclare : "Je ne me mêle pas des cœurs, je veux seulement une bonne apparence et une harmonie familiale". Federico s’était inspiré de sa voisine de Valderrubio (un village de la Vega écrite Asquerosa avant, où le poète a passé une partie de son enfance et adolescence), une femme nommée Frasquita Alba. Cette maison partageait son puits avec la maison de sa tante paternelle, Matilde García Rodríguez. Grâce à ce puits, ils pouvaient voir et entendre ce qu’il se passait chez les Alba. À travers cette tante, Federico et sa famille ont pu découvrir ce qui se passait et ce dont ils parlaient dans la maison des Alba.

Cependant, tout ce qui apparaît dans le drame de Lorca ne provient pas de cette maison, aujourd’hui devenue un musée. Le deuil rigoureux a été inspiré par une parente nommée Paca Mazuecos, dont la maison, après la mort de sa fille, était entièrement en deuil avec des vêtements noirs, un foulard sur la tête, pas de fleurs dans la cour, des rideaux noirs aux fenêtres et du noir partout sur la table.

"Naitre femme est le plus grand des châtiments (…) Ce deuil survient à la meilleure période de ma vie", se plaint Adela. Ou comme le crie Magdalena : "les femmes sont maudites". Une phrase qui pourrait aujourd’hui être mise à jour avec "maudites soient celles qui renient le féminisme". Cette version contemporaine finit par prendre en pitié Bernarda. Incarnée par Ana Wagener, une actrice au charisme indéniable et suffisamment subtile pour faire face à n’importe quelle dualité, le personnage dilue son despotisme au cours du drame, subitement prise de peur à l’idée de connaître la liberté qui la rend vulnérable.

Les conversations les plus marquantes de Bernarda se déroulent avec sa servante Poncia, également jouée par une figure importante en la personne d’Ane Gabarain, qui campe ce personnage sagesse avec brio. Toutes deux ont la tâche de rappeler à l’esprit des spectatrices les légendaires performances de Nuria Espert et Rosa María Sardá dans la mise en scène de Lluis Pascual, le metteur en scène le plus "lorquien" de notre époque. Mais Wagener et Gabarain réussissent à supporter utilement et fièrement cette comparaison inévitable.

Quant aux autres filles, elles sont correctement interprétées, mais avec trop de politesse pour correspondre au contexte rural qui imprègne le texte. On note quelques hurlements exagérés et le personnage de Patricia López Arnáiz en tant qu’Angustias, la triste aînée, n’est pas assez mis en valeur.

Parmi les points saillants de cette adaptation, on ne peut ignorer la critique de la dépendance des personnages envers l’homme omniprésent qui ne figure pas sur scène mais qui est présent dans le texte : toutes les femmes sont soumises à ces décisions de Pepe el Romano sans se poser de questions. Comme Poncia le dit : "c’est la force qu’un homme a sur des femmes seules". Il n’y a aucun signe de réflexion critique ni de rébellion contre les désirs, les conventions sociales, ni même le pouvoir de l’argent.

Dans cette dichotomie entre victimes et bourreaux, aucune femme n’est vertueuse. De cette oppression naissent l’envie et la peur, plongeant la maison dans des comportements oscillant entre le bien et le mal.

Lluis Pascual donne son point de vue sur le dernier drame de Lorca, montrant "notre façon d’être de droite" en tant qu’Espagne. Cette défense acharnée de l’apparence qui renvoie aux ancêtres. Un "écho génétique" qui continue d’avoir une triste résonance aujourd’hui. Le drame sans espoir de Lorca rappelle également que le poète a conclu sa dernière pièce avec "M’avez-vous entendu ? Silence, silence, ai-je dit ! Silence !" en juin de l’année 1936, soit un mois avant le déclenchement de la Guerre Civile et deux avant son assassinat. Cela ajoute à sa notoriété légendaire en tant qu’homme visionnaire, une autre de ses qualités sensibles qui continue d’inspirer.

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source : Cordópolis – La Casa de Bernarda Alba: “¡Malditas sean las mujeres!”

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