Vu de l’intérieur: quand l’exil devient boussole — Daoud et Wolpé électrisent Cosmopoética à Córdoba

Deux écrivains sur scène, éclairage chaud, micros en main, public attentif dans une salle voûtée.

TL;DR

  • 📚 L’exil devient boussole: écrire pour survivre et voir clair
  • 🌍 La langue comme résistance: vérité, nuance et désobéissance
  • 🎙️ Córdoba réunit les voix périphériques qui bousculent le centre

Cosmopoética t’intrigue ? J’y étais hier, sous les voûtes d’Orive. Deux voix venues de la « périphérie » — Kamel Daoud et Sholeh Wolpé — ont transformé l’exil en boussole et la langue en résistance. Un récit de l’intérieur, sans folklore, avec des pistes concrètes pour mieux écouter.

Cosmopoética, voix périphériques au cœur andalou aujourd’hui

Est-ce que tu savais que certaines nuits à Córdoba, la poésie fait plus de bruit que les terrasses de la Corredera ? Hier, dans la Sala Orive, j’ai vu Kamel Daoud et Sholeh Wolpé ouvrir « Las afueras », le nouveau format de Cosmopoética consacré aux voix dites périphériques. Je vis ici depuis dix ans, j’y ai usé mon carnet et mon accent franco‑maghrébin, et je te jure: l’air vibrait d’une tension rare — pas de posture, du vécu brut.

La salle, sobre, la pierre fraîche, et ces deux écrivains qui refusent les cases: lui, algérien exilé en France, elle, iranienne-américaine, tous deux avec cette énergie des gens qui ont dû gagner chaque mot à la sueur de leur mémoire. À Córdoba, ville‑carrefour où l’on aime parler de « convivence » autant que de salmorejo, la rencontre sonnait juste: la périphérie n’était pas un décor, mais le centre même du propos. C’est pour cela que je te propose ce récit de l’intérieur, avec des repères concrets, pour comprendre pourquoi cette soirée a dépassé la simple lecture publique — et, dans la section suivante, ce que leurs visions opposées de la vérité font à la littérature.

Littérature et vérité: deux visions, un même courage

Écoute le frottement: Daoud affirme que, sous autoritarisme, la littérature a la responsabilité de dire la vérité quand tout le reste ment — statistiques trafiquées, journaux muselés, archives verrouillées. En face, Wolpé nuance: la vérité n’est pas une, l’écriture n’est pas un tribunal, mais un espace pour parler, désobéir, respirer. Ces deux lignes se contredisent en surface; en profondeur, elles se complètent. L’une braque un projecteur sur le réel confisqué; l’autre ouvre des fenêtres pour faire circuler l’air.

J’ai noté cette phrase qui m’a giflé l’esprit: « C’est le dictateur qui connaît la puissance de la littérature, c’est pour cela qu’il emprisonne les auteurs. » Oui. Les chiffres du HCR (2024) rappellent qu’avec plus de 120 millions de personnes déplacées, l’enjeu n’est pas théorique. La page n’abolit pas la matraque, mais elle fabrique des preuves sensibles, des angles, des contre‑récits. Et à Córdoba, cela résonne: ville de gestes discrets — archéologies entremêlées, langues superposées — où chaque poème sonne comme un test de stress pour la démocratie. Dans la section suivante, on plonge dans ce mot qui brûle: l’exil.

Exil comme condition: douleur, distance, boussole intime

Daoud l’a dit sans détour: l’exil, c’est un châtiment. Se réveiller chaque jour hors de son « là-bas » et devoir quand même avancer. Mais — paradoxe fécond — cette distance devient une optique. Écrire loin permet de regarder sans s’effondrer, de nommer ce que le proche étouffe. Wolpé, elle, a filé une image magnifique: la poésie comme pluie qu’aucun parapluie-censure n’arrête vraiment. On peut retarder, jamais tarir.

Je me reconnais dans ce tiraillement. En arrivant à Córdoba, j’ai transporté mes ruelles d’Alger dans mon sac: une langue pour sentir, une autre pour expliquer. Dans la cour d’Orive, l’odeur des orangers me rappelle que l’exil n’est pas qu’un déracinement, c’est une greffe. Oui, la greffe peut rejeter. Oui, elle gratte et fait fièvre. Mais elle crée aussi des circulations inattendues. Pour qui lit leurs œuvres, quelques repères utiles:

  • Prendre la distance au sérieux: écrire n’efface pas la blessure; elle la rend lisible.
  • Accepter la polysémie: il n’y a pas « un » retour possible, seulement des passages.
  • Honorer la fatigue: survivre est déjà une œuvre. Dans la section suivante, on parle des voix qui, trop longtemps, ont payé la note — celles des femmes.

Femmes invisibles: traduire, transmettre, fissurer le silence

Wolpé le martèle: dire simplement « les femmes doivent être libres » reste dangereux dans trop de pays. Sa riposte est double: écrire et traduire. Traduire des textes interdits, déplacer des cadences vers l’anglais pour contourner les digues, c’est fabriquer des radeaux. Daoud, lui, assume un chantier délicat: raconter des vécus de femmes dans des contextes où la page leur est parfois refusée. Cela exige tact, écoute, et une conscience aiguë des angles morts.

À Orive, j’ai vu des têtes hocher quand Wolpé a expliqué que l’on ne coupe pas son ombre. L’exil colle comme une ombre, et l’ombre des femmes est encore plus longue. D’expérience, trois gestes aident:

  • Lire local, écouter loin: alterne autrices de ton quartier et voix d’ailleurs.
  • Soutenir les traductrices: elles prennent des risques, elles ouvrent des portes.
  • Refuser l’exotisme: la périphérie n’est pas un zoo. C’est une adresse postale. C’est pour cela que la dernière section propose des façons concrètes d’agir depuis Córdoba — ou depuis ton canapé.

Córdoba, carrefour vivant: comment écouter et agir maintenant

Córdoba n’est pas qu’un décor instagrammable; c’est un laboratoire discret. Entre patios et pierres califales, on peut entraîner son oreille à mieux entendre les marges. Mon kit de terrain, testé et approuvé:

  • Avant la rencontre: lis un entretien récent des auteurs pour repérer leurs tensions, pas seulement leurs titres.
  • Pendant: prends des notes sur les mots récurrents; ils révèlent le nerf. À Orive, j’ai coché « vérité », « ombre », « voix ».
  • Après: cherche la traduction la plus fine disponible; les nuances s’y jouent. Quand il n’y en a pas, lis des extraits bilingues.

Enfin, mesure tes gestes: une salle comble ne change pas un régime, mais elle change un climat. Et ça compte. Cosmopoética réussit quand il réunit voisins, étudiants ERASMUS, profs de lettres, migrants récents et habitués des bibliothèques. La ville devient alors ce qu’elle prétend être: un pont, pas un diorama. Si tu viens l’an prochain, on se retrouve sous les voûtes blanches: j’apporte les stylos, tu apportes les questions.

Questions Fréquentes

Cosmopoética, c’est quoi exactement et quand ça se tient ?

Festival international de poésie et arts de la parole, il a lieu chaque automne à Córdoba. Lectures, rencontres, ateliers, performances: l’idée est de décloisonner la poésie et d’en faire une expérience urbaine partagée.

Faut-il réserver pour assister aux rencontres à la Sala Orive ?

Souvent oui, la jauge est limitée. La majorité des événements sont gratuits ou à prix symbolique, mais une réservation en ligne est généralement recommandée. Arrive un peu en avance: l’acoustique vaut le placement.

Que lire avant d’assister à une rencontre avec des auteurs en exil ?

Commence par un texte court et représentatif, puis un entretien récent. Ajoute une traduction d’une autrice de la même région: la mise en regard déjoue les clichés et éclaire les enjeux de langue.

Les événements sont-ils accessibles aux francophones non hispanophones ?

De plus en plus. Certains formats prévoient traduction ou bilinguisme. À défaut, les supports écrits et la scansion poétique permettent de suivre; renseigne-toi sur le programme détaillé avant de venir.

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