Tu ne l’avais jamais remarqué : l’humour de Mendoza éclaire le tourisme de masse, miroir inattendu pour Cordoue

Un écrivain pensif dans un patio andalou, carnet en main, arches mauresques et orangers baignés de lumière dorée.

TL;DR

  • 🧭 Barcelone sert de miroir: Cordoue peut anticiper mieux
  • 😂 L’humour de Mendoza, un vrai outil civique
  • 🐍 La corruption, ce “ver” discret qui abîme nos villes

Cordoue et Eduardo Mendoza dans la même phrase, ça t’étonne ? Justement : ses piques sur l’humour, la lecture “facile” et la corruption disent beaucoup de nos villes patrimoniales. Je te montre comment Barcelone nous renvoie un reflet utile—et actionable—pour Cordoue.

Est-ce que tu savais que le vrai test d’une ville patrimoniale n’est pas la beauté de ses monuments, mais sa capacité à rire d’elle-même… et à se regarder en face ? J’y pense depuis que j’ai écouté Eduardo Mendoza parler d’humour, de lecteurs pressés et de ce “ver” de la corruption qui nous ronge depuis toujours. Je vis à Cordoue depuis des années, j’arpente la Judería avant l’aube quand les pavés sont encore frais, et j’ai vu nos patios passer du secret jalousement gardé aux files de selfies. Ce que dit Mendoza de Barcelone nous concerne, et de très près.

Eduardo Mendoza, humour lucide et villes sous pression

Mendoza vient d’enchaîner distinctions et hommages : une trajectoire qui force le respect, mais lui préfère dégonfler l’aura avec son humour pince-sans-rire. Ce n’est pas gratuit. Chez lui, l’humour sert de scalpel. Quand il ironise sur les livres « qui accrochent » à tout prix, il met le doigt sur notre impatience culturelle. Lire demande un léger effort, sinon la nuance disparaît. Remplace “livre facile” par “tourisme facile” et tu vois le parallèle : si l’expérience n’exige plus une once de curiosité, on effleure les villes au lieu de les rencontrer.

Autre point qu’il souligne en creux : le low-cost a reconfiguré nos regards. Barcelone l’a vécu en première ligne. Cordoue, à une échelle plus douce, sent déjà la pression. L’écrivain n’édulcore pas non plus le mot qui grince : la corruption, ce « ver » ancien, rampe surtout là où il fait sombre. C’est pour cela que son humour a une fonction civique : il éclaire là où la langue de bois s’épaissit. Dans la section suivante, on voit ce que Barcelone nous apprend très concrètement.

Cordoue face au miroir barcelonais du surtourisme actuel

Barcelone a expérimenté avant nous la marchandisation de l’ordinaire. Nous avons la chance d’observer et d’anticiper. Cordoue n’est pas un parc à thèmes : c’est un tissu vivant où cohabitent le parfum des orangers, la mosquée-cathédrale et la vie de quartier autour du marché. Voilà trois leviers simples, testés ici au fil des saisons, qui changent la donne :

  • Ralentir l’expérience : créneaux matinaux guidés par des médiateurs locaux, itinéraires “silence et détails” qui valorisent le pas lent, pas la course.
  • Ajouter du sens : micro-lectures de poèmes de Góngora ou de fragments d’Antonio Gala sur place, pour contextualiser le beau par le verbe.
  • Décentraliser : pousser au-delà des circuits cartes postales (rive gauche du Guadalquivir, ateliers artisans) pour répartir les flux.

Au printemps dernier, j’ai mené un mini-parcours “Patios intimes” avec un groupe venu sans valises à roulettes, juste des carnets. Résultat ? Moins de bruit, plus de conversations, et des hôtes qui reprennent plaisir à ouvrir leur maison. C’est possible, et c’est ici.

Et si l’humour devenait notre politique culturelle?

On sous-estime le pouvoir du rire pour apprivoiser le sérieux. Mendoza l’a compris : l’humour n’est pas un gadget, c’est un langage critique. À Cordoue, on a l’esprit vif dans l’ADN, de Góngora à la verve des peñas. Pourquoi ne pas l’assumer davantage ? Imagine :

  • Visites “contrepoint” où un guide et un comédien croisent l’histoire officielle et l’ironie bienveillante.
  • Clubs de lecture bilingues (espagnol/français) autour de la comédie ibérique, avec focus sur ce qui “ne se traduit pas”. On y apprend non seulement une langue, mais un rythme culturel.
  • Scènes ouvertes mensuelles dans des patios de quartier : cinq minutes par personne, un texte court et une anecdote locale. Le rire rassemble, apaise les tensions entre voisins et voyageurs.

Je l’ai vu : quand un groupe rit ensemble d’un cliché (le touriste pressé, le local grincheux), la glace fond. Et une ville vivable, c’est ce pacte tacite de courtoisie joyeuse. Dans la prochaine section, on aborde le sujet qui fâche, sans pathos mais sans détour.

Le ver de la corruption: gestes citoyens utiles et vigilants

“Le ver qui nous corrode”, dit Mendoza. Notre réponse ne doit pas être le soupçon généralisé, mais la vigilance constructive. Dans une ville patrimoniale, la corruption n’est pas que des valises de billets ; elle se niche dans les micro-faveurs, les appels d’offres opaques, les licences de locations touristiques accordées trop vite. Trois réflexes à cultiver :

  • Demander la traçabilité publique des projets urbains (budgets, calendriers, entreprises) et suivre leur exécution. L’open data n’est pas du luxe.
  • Valoriser les médiations indépendantes: associations de quartier, collectifs de guides certifiés, réseaux d’artisans; ils servent de garde-fous.
  • Soutenir la presse culturelle locale qui enquête, explique et nuance. Un article bien documenté vaut dix rumeurs.

Je ne dis pas que Cordoue est gangrenée ; je dis qu’une ville qui se sait regardée se tient mieux. L’humour pour désamorcer, la lecture pour comprendre, la transparence pour durer : cet équilibre-là, Barcelone nous l’enseigne par contraste, et Mendoza nous donne les mots pour en parler sans se fâcher.

Questions Fréquentes

Pourquoi Eduardo Mendoza parle-t-il autant d’humour “sérieux” ?

Parce que chez lui, l’humour est un outil critique. Il révèle nos paresses (lectures trop “faciles”, tourisme sans curiosité) et nous invite à rallumer l’intelligence collective. C’est une manière d’ouvrir les yeux sans se crisper.

Que peut apprendre Cordoue de Barcelone sur le tourisme de masse ?

D’anticiper. Miser sur le temps long, la médiation culturelle et la dispersion des flux. Plus de sens, moins de vitesse. Barcelone montre les dérives ; Cordoue peut choisir une autre trajectoire, plus douce et plus durable.

Quels livres pour goûter l’humour espagnol quand on est francophone ?

Commence par des comédies contemporaines accessibles, puis remonte vers les classiques satiriques. Alterne version originale et traduction pour sentir les nuances. Les clubs de lecture bilingues aident beaucoup à franchir le cap.

Où écouter le podcast évoqué dans l’article ?

Cherche le pódcast culturel « Libros y Cosas » du supplément ABRIL. Tu y trouveras l’épisode avec Eduardo Mendoza. L’écoute est gratuite en ligne sur les principales plateformes.

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