Le détail oublié: l’aristocrate libertin qui scandalisa Madrid secoue encore Córdoba avec El pecado y la noche

Un dandy en manteau vintage lit un livre ancien à la lumière d’une lampe dans une bibliothèque feutrée.

TL;DR

  • 🤯 Un marquis libertin, sourd et anarchiste, ressuscite en librairie
  • 📚 El pecado y la noche dévoile un décadentisme espagnol trop peu lu
  • ⚡️ De Madrid aux patios de Córdoba, sa voix choque et éclaire

Antonio de Hoyos y Vinent te dit quelque chose ? Ce dandy sourd, anarchiste et provocateur fascine à nouveau avec El pecado y la noche. Je t’explique pourquoi, depuis Córdoba, cette voix décadente sonne incroyablement moderne — et où mettre la main sur le livre.

Est-ce que tu savais qu’un marquis pouvait finir anarchiste ?

Peu de vies résument autant un siècle que celle d’Antonio de Hoyos y Vinent. Aristocrate madrilène, sourd, provocateur assumé, il choisit la marge plutôt que les salons — et finit, en pleine tourmente espagnole, du côté des ouvriers et de la FAI. Voilà l’homme qui revient aujourd’hui frapper à nos portes avec El pecado y la noche, un volume de récits où la nuit n’est pas qu’un décor, mais un principe vital. Depuis Córdoba, où j’arpente les patios de San Basilio en laissant l’encre sécher sur mes carnets, cette réédition tombe comme une évidence: l’Espagne la plus moderne est parfois celle qu’on avait rangée dans un coin d’ombre.

Dans ces pages, on croise des androgynes lumineux, des mystiques sensuels, des aristos lassés de tout, des saints à contre‑jour. On pense à Sade, bien sûr, mais la musique est autre: plus symboliste, plus ibérique, saturée d’encens et de désir. Et quand je relis certains passages au café, sous les orangers du centre, je me dis que nos contradictions d’aujourd’hui — classe, genre, morale — y vibraient déjà, à nu.

Antonio de Hoyos y Vinent, dandy queer et rebelle politique

Né dans les privilèges, formé entre Oxford et Vienne, Hoyos préfère rapidement les bas‑fonds de Madrid à la raideur des palaces. Il s’habille en soie, parade, adore choquer — mais sa coquetterie n’est qu’un masque pour une curiosité abyssale. Sa surdité ne l’isole pas: elle aiguise au contraire son regard. Déclaré homosexuel, il traîne ses gants de dandy entre cafés chantants, cines de barrio et tertulias, en compagnie d’artistes aussi flamboyants que Tórtola Valencia. Quand la guerre éclate, il choisit le camp républicain, payant très cher son engagement: prison, dénuement, une fin tragique en 1940.

On le surnomme parfois le “Sade espagnol”. C’est paresseux, et un peu injuste. Son désir n’est pas seulement transgressif: il est métaphysique. Hoyos traite la volupté comme un instrument d’ascèse à rebours, un scalpel pour sonder la beauté et l’abîme. C’est ce mélange — décadence assumée et quête de sens — qui le rend si actuel. À l’heure où l’on reparle de canons, de censure et de frontières morales, sa voix, libre et raffinée, recadre le débat.

Décadentisme espagnol: moins scandale, plus vrai modernisme

On connaît par cœur le décadentisme français ou belge; on lit moins son versant espagnol, pourtant crucible d’un modernisme singulier. Hoyos y mêle le velours symboliste à une rue madrilène pleine de poussière et d’argot. Ses récits installent une tension que j’adore: des palais spirituels traversés par le courant d’air d’un marché populaire. On entend des cloches, on sent le cuir, la cire, le jasmin nocturne — puis un geste, un regard, et tout bascule.

Comparé aux maîtres français, Hoyos travaille la nuance plus que la démesure. Il use d’une prose précieuse mais nerveuse, et soutire à la nuit des éclats de beauté presque mystiques. Ce n’est pas la pornographie qui l’intéresse, c’est l’excès de sens. Là est la surprise pour le lecteur d’aujourd’hui: on croit venir pour la transgression, on reste pour la qualité littéraire. Et c’est pour cela que la réédition actuelle ne relève pas du simple “coup”. Elle répare un angle mort de notre mémoire esthétique, en lui rendant ses couleurs ibériques.

Pourquoi cette réédition résonne fort à Córdoba en 2025

El Desvelo publie aujourd’hui El pecado y la noche, avec un appareil critique soigné qui replace Hoyos dans son époque. Ici, à Córdoba, l’écho est particulier: notre scène éditoriale locale n’a jamais été aussi vive, et la maison cordouane Almuzara multiplie, ces dernières années, les redécouvertes d’auteurs fin‑de‑siècle et d’essais qui réouvrent les fenêtres. L’ensemble forme une vague: revisiter la modernité espagnole à la source, sans filtre.

Lors d’un club de lecture dans un patio de San Andrés, j’ai vu des lecteurs passer du sourire complice à un silence habité. C’est le signe des livres qui déplacent des lignes. Dans nos rues ocre, entre la Mezquita et les ateliers d’artisans, Hoyos semble presque un cousin: aristocrate déclassé, amoureux des marges, métissé de haut et de bas. Ses récits parlent de beauté comme d’un risque. À Córdoba, où la beauté est une évidence, ce rappel est précieux: la beauté n’est jamais gratuite, elle demande qu’on la regarde en face, nuit comprise.

Clés de lecture pour savourer El pecado y la noche

Pour entrer sans crainte dans ces récits, je te propose quelques repères utiles:

  • Écoute la musique: syntaxe sinueuse, images sensorielles. Lis à voix haute; ça change tout.
  • Cherche l’ombre: la nuit est un personnage. Elle purifie autant qu’elle corrompt.
  • Repère le geste: un détail vestimentaire, une main — la scène s’ouvre comme un théâtre.
  • Pense spiritualité: la faute est souvent une voie oblique vers le sacré.

Tu verras aussi des personnages androgynes, des ascètes troublés, des aristos en décrochage. Pas de voyeurisme; plutôt une scénographie de l’ambigu, servie par une prose qui coupe comme un verre brisé. Si tu aimes Valle‑Inclán pour ses esperpentos ou Gómez de la Serna pour ses grègues, tu reconnaîtras la famille littéraire… mais Hoyos garde son timbre: suave, lucide, implacable.

Où le trouver à Córdoba, et quoi lire ensuite

Concrètement, tu peux commander El pecado y la noche dans les principales librairies du centre (demande au comptoir, les rééditions vont vite). Les libraires cordouans suivent de près ces parutions: n’hésite pas à les solliciter pour une réservation. Plusieurs clubs de lecture locaux programment déjà une discussion autour du livre; surveille les agendas des bibliothèques municipales et des espaces culturels de la Judería.

Pour prolonger, je te conseille un enchaînement “haute‑tension”:

  • Un recueil moderniste espagnol (poésie) pour le contrepoint lumineux.
  • Un essai court sur le décadentisme ibérique (beaucoup sont accessibles en poche).
  • Un détour par Valle‑Inclán, puis une promenade nocturne sur les rives du Guadalquivir: lire Hoyos dehors est une expérience en soi.

La littérature n’est pas un musée: elle respire. Et parfois, comme ici, elle te fait lever les yeux de la page pour regarder ta propre ville autrement.

Questions Fréquentes

Qui était Antonio de Hoyos y Vinent en quelques mots ?

Aristocrate madrilène de la fin du XIXe, dandy, sourd, ouvertement homosexuel et engagé aux côtés des républicains, Hoyos a incarné un décadentisme espagnol singulier. Il meurt en 1940, ruiné et quasiment oublié — avant sa redécouverte actuelle.

Que contient El pecado y la noche exactement ?

Une sélection de récits courts où désir, faute et quête de beauté s’entrelacent. L’éditeur accompagne le texte d’un contexte critique utile, qui éclaire la place de Hoyos dans le modernisme espagnol et ses liens avec la bohème madrilène.

Où acheter le livre à Córdoba et à quel prix ?

Dans les grandes librairies du centre et en commande chez les indépendants; demande la dernière réédition disponible. Les prix varient selon l’édition, mais restent généralement en format poche ou semi‑poche accessible.

Est‑ce vraiment comparable au Marquis de Sade ?

Seulement en surface. Hoyos explore la transgression, mais sa prose est plus symboliste, plus spirituelle. Il s’intéresse moins au choc qu’à la résonance intérieure: une esthétique de la nuit, pas un catalogue d’excès.

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