C3A de Cordoue : quand les bandas et le flamenco réinventent la scène andalouse

Música ensayando con su clarinete en una sala contemporánea del C3A de Córdoba.

TL;DR

  • 🎺 Des bandas de musique amateurs élevées au rang de patrimoine vivant
  • 🎶 Une salle noire ultra-moderne où se croisent fanfares, flamenco et création
  • 🧭 Un nouveau lieu à intégrer à son week-end culturel à Cordoue

Et si Cordoue ne se découvrait pas seulement dans la Mezquita, mais aussi dans une salle noire où résonnent clarinettes et quejíos flamencos ? Au C3A, bandes amateurs et mémoire gitane redessinent le visage culturel de la ville.

Sous la peau de Cordoue : une ville qui pense sa musique

Sous le soleil andalou, on vient à Cordoue pour la Mezquita, les patios fleuris et les ruelles blanches de la Judería. Mais depuis quelques années, une autre Cordoue se dessine de l’autre côté du Guadalquivir, au C3A – Centro de Creación Contemporánea de Andalucía : une Cordoue qui interroge sa propre musique, ses mémoires et son avenir.

En décembre 2025, ce bâtiment aux lignes géométriques posé à Miraflores accueillera le Ier Congrès International « Les Bandes de Musique Amateurs comme Patrimoine Immatériel de l’Humanité ». Autrement dit : Cordoue va devenir, pendant deux jours, la capitale mondiale des fanfares et orchestres d’harmonie. Un choix qui peut surprendre le visiteur français, habitué à associer la ville au flamenco et aux processions de la Semaine Sainte.

Pourtant, quand je traverse le pont de Miraflores au coucher du soleil, il m’arrive souvent d’entendre, au loin, quelques notes de cuivres répétées dans un centre civique ou une peña. C’est là que l’on comprend que la musique à Cordoue ne se cantonne pas aux cartes postales : elle se fabrique au quotidien, dans les quartiers, par des musiciens souvent amateurs mais profondément enracinés.

« À Cordoue, la musique est un langage de voisinage avant d’être un spectacle. »

Et c’est précisément ce que ce congrès au C3A veut raconter.

C3A et Caja Negra : un laboratoire pour un patrimoine vivant

Le C3A n’est pas un musée comme les autres. Inauguré comme antenne contemporaine du Centre Andalou d’Art Contemporain de Séville, il se définit plutôt comme un espace de création, d’expérimentation et de dialogue entre disciplines. Sa grande salle modulable, la Caja Negra, en est le cœur battant.

Cette « boîte noire » ultra-équipée – acoustique soignée, gradins rétractables, configurations multiples, technologie audiovisuelle avancée – a déjà accueilli festivals de musique électronique, danse contemporaine, performances et spectacles visuels aux frontières de l’art. Tout récemment encore, le II Foro de Danza du chorégraphe cordouan Antonio Ruz y a transformé l’espace en terrain de jeu pour corps et projections.

Que vient faire un congrès sur les bandas de música amateurs dans un lieu aussi contemporain ? La réponse tient autant à la technique qu’au symbole. Selon la Confédération Espagnole de Sociétés Musicales (CESM), qui organise l’événement, la Caja Negra offre le format idéal pour enchaîner concerts, conférences, ateliers et projections dans un même écrin. Mais surtout, le C3A incarne cette idée que le patrimoine immatériel n’est pas figé : il se réinvente, se questionne, s’expose comme une œuvre en mouvement.

Pour le visiteur, c’est une occasion rare de voir comment l’Andalousie parle d’elle-même aujourd’hui, loin des images figées pour touristes.

Les bandas de musique : des fanfares à l’UNESCO ?

En France, on pense souvent aux fanfares du 14 juillet ou aux harmonies municipales. En Espagne, le mouvement bandistique est d’une autre ampleur. La CESM rappelle quelques chiffres vertigineux : plus de 1 800 sociétés musicales, environ 160 000 musiciens, 200 000 élèves, et une présence dans plus de 1 700 communes. Rien qu’en un an, ces ensembles ont donné plus de 20 000 concerts, pour un impact économique estimé à 500 millions d’euros.

Derrière ces chiffres, il y a des réalités très concrètes : des villages entiers qui se reconnaissent dans leur banda, des enfants qui apprennent la musique sociale avant la musique savante, des processions religieuses où le son des cuivres est aussi important que les images des pasos. À Cordoue, on le ressent particulièrement pendant la Semana Santa, quand les bandas accompagnent les confréries dans le dédale du centre historique.

Le congrès du C3A veut porter cette réalité sur la scène internationale, avec des représentants d’Espagne, Portugal, Italie, Colombie, Argentine, Mexique et d’autres pays encore, ainsi que des délégations de la Confédération Internationale des Sociétés Musicales (CISM) et d’universités. L’enjeu est clair : faire reconnaître ces bandes comme patrimoine immatériel de l’humanité, au même titre que certaines danses ou traditions orales.

Pour un voyageur de passage, assister à un concert de banda dans la Caja Negra, dans ce cadre contemporain, c’est un peu comme voir la culture populaire andalouse se regarder dans un miroir moderne.

Flamenco, mémoire gitane et échos de « Persecución »

Avant même ce congrès, le C3A vibrera au son d’un autre héritage musical : le flamenco gitan. Le 4 décembre, à l’occasion du Día del Pueblo Gitano Andaluz, le centre accueillera un hommage à Juan Peña « El Lebrijano », figure majeure du cante, pour les 50 ans de son œuvre mythique Persecución, créée avec le poète Félix Grande.

La soirée commencera par une table institutionnelle et des interventions d’experts comme Gonzalo Montaño ou Fabián Sánchez, autour de l’histoire législative et de la réalité sociale du peuple gitan. Puis la scène de la Caja Negra se transformera pour le spectacle « 50 años de Persecución », dirigé par Pedro María Peña et Gonzalo Montaño Peña, avec José Valencia, Anabel Valencia, Juan Requena, Nazaret Reyes et un chœur de palmas.

Ce qui m’impressionne toujours, dans des soirées comme celle-ci, c’est le contraste : un cante né dans les patios, les cuisines, les fêtes familiales, qui s’empare d’un espace ultra-contemporain, avec lumières travaillées et scénographie millimétrée. Et pourtant, la chair de poule reste la même que dans une peña de quartier.

Pour qui visite Cordoue en décembre, ce type de programmation montre une facette essentielle de la ville : une capacité à articuler mémoire douloureuse, création artistique et réflexion politique. Le flamenco n’est pas seulement un spectacle pour touristes ; il est aussi un discours, un témoignage, un acte de résistance culturelle.

Comment intégrer le C3A à votre séjour à Cordoue

Si vous venez à Cordoue pour un week-end, vous ne penserez peut-être pas spontanément au C3A. Et pourtant, je conseille souvent aux voyageurs curieux de prévoir au moins une traversée du Guadalquivir jusqu’à Miraflores.

Concrètement :

  1. Rejoindre le C3A
    Depuis la Mezquita, comptez une quinzaine de minutes à pied. Traversez le pont romain, longez la rive jusqu’au Pont de Miraflores, puis remontez vers ce bâtiment aux volumes clairs et aux patios intérieurs.

  2. Consulter la programmation
    Le C3A n’a pas seulement ces grands événements ponctuels : il accueille régulièrement expositions, projections, concerts expérimentaux et ateliers. Avant votre voyage, jetez un œil à la programmation sur le site officiel du centre ou via l’Office de Tourisme de Cordoue, qui met souvent en avant ces rendez-vous.

  3. Vivre une soirée différente
    Après une journée dans les ruelles anciennes, venir s’asseoir dans la Caja Negra pour un concert – banda, flamenco ou musique électronique – offre un contraste délicieux. Vous verrez une autre Cordoue : plus jeune, plus expérimentale, mais toujours profondément andalouse.

Ce que j’aime, c’est enchaîner : un apéritif dans les bars de la Plaza de la Corredera, le coucher de soleil sur le fleuve, puis une marche vers Miraflores pour une soirée au C3A. On rentre ensuite vers la vieille ville avec l’impression d’avoir traversé plusieurs couches de la ville en quelques heures.

Au fond, Cordoue ne se visite pas seulement en levant les yeux vers ses monuments. Elle se comprend aussi en écoutant comment elle se raconte elle-même aujourd’hui, dans des lieux comme le C3A, où se croisent bandas amateurs, mémoire gitane et création contemporaine.

Et vous, la prochaine fois que vous viendrez à Cordoue, oserez-vous traverser le fleuve pour découvrir cette autre scène andalouse ? Partagez vos envies et vos découvertes culturelles avec nous, et n’hésitez pas à taguer vos photos avec #EscapadeaCordoue.

Questions fréquentes

Où se trouve exactement le C3A à Cordoue ?

Le C3A est situé dans le quartier de Miraflores, sur la rive gauche du Guadalquivir, en face du centre historique. Depuis la Mezquita, on y accède facilement à pied en une quinzaine de minutes, en traversant les ponts qui relient les deux rives.

Faut-il réserver pour assister aux événements du C3A ?

Cela dépend de la programmation. Certains événements, comme l’hommage à Persecución, sont gratuits jusqu’à complète occupation des places, d’autres nécessitent une réservation ou un billet. Le mieux est de vérifier les conditions sur le site du C3A ou via l’Office de Tourisme de Cordoue avant votre visite.

Le C3A intéresse-t-il aussi les voyageurs qui ne sont pas « branchés art contemporain » ?

Oui, car le C3A ne se limite pas aux arts plastiques expérimentaux. Avec des concerts de bandas, des spectacles de flamenco, de la danse ou de la vidéo, il offre des portes d’entrée variées, même pour un public peu habitué aux centres d’art. C’est un bon moyen de découvrir comment Cordoue vit sa culture aujourd’hui.

Quand aura lieu le congrès international sur les bandas de musique ?

Le Ier Congrès International « Les Bandes de Musique Amateurs comme Patrimoine Immatériel de l’Humanité » se tiendra au C3A de Cordoue les 13 et 14 décembre 2025. Même si vous n’êtes pas spécialiste, il est probable qu’une partie des concerts et activités soit ouverte au grand public, une belle occasion de découvrir ces orchestres de près.

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