Le secret oublié qui a façonné nos menus et nos looks: Ziryab, l’influenceur avant l’heure à Cordoue

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Tu savais que Ziryab à Cordoue a inventé nos repas en trois temps… et nos dress codes de saison ? J’y étais au congrès “La huella de Ziryab” et ce que j’y ai appris va te surprendre.

Est-ce que tu savais que… Ziryab façonne encore ta table ?

On parle de Ziryab comme d’un musicien. C’est vrai, mais c’est réducteur. À Cordoue, j’ai passé trois jours au congrès “La huella de Ziryab” (18–20 septembre 2025) et j’en suis ressorti avec une certitude: ce polymathe venu de Bagdad a été le plus grand influenceur de son époque. Invité par l’émir Abderramán II, il arrive au IXe siècle avec l’art du nadīm: ce compagnon de cour encyclopédique qui maîtrise musique, poésie, étiquette, géographie… et qui sait transformer une cité par le goût. Salaire princier, statut proche des visirs, alliés clés (du poète Ibn al-Šamir à l’inventeur Ibn Firnās): Ziryab n’a pas juste brillé, il a durablement repositionné Cordoue sur la carte des capitales culturelles.

Pourquoi ça te concerne aujourd’hui ? Parce que nos manières de manger, de nous parfumer, de nous habiller, doivent beaucoup à ce “merle noir” au timbre prodigieux. Et parce que, comme l’a rappelé la chercheuse Mari Carmen Vera, la sagesse andalouse liait tout: musique et médecine, astronomie et philosophie. C’est pour cela que sa trace dépasse les siècles; dans la section suivante, tu vas la voir… dans ton assiette.

À table avec Ziryab: l’entrée‑plat‑dessert, mais pas que

Voilà le tournant culturel que personne n’attendait: Ziryab structure le repas en plusieurs temps — amuse‑bouche, soupe, puis les plats — et associe chaque service à une vaisselle adaptée et à un ordre logique, presque diététique. Au congrès, une chef locale a revisité ses principes: asperges en ouverture (diurétiques, disait-il, et… aphrodisiaques), bouillon clair pour “préparer” le corps, puis pièces principales équilibrées par les herbes du Guadalquivir. J’ai goûté un menu inspiré: amandes, fenouil, dattes et agneau doucement confit — une cohérence que l’on oublie souvent.

Il introduit ou popularise aussi des ingrédients et techniques orientales, le verre fin sur la table, le linge propre, l’idée d’un ordre du goût. Rien à voir avec le folklore: c’est de la science du plaisir, expliquée et partagée. Et si tu penses que c’est un détail, demande-toi pourquoi l’Europe mange encore en séquences. Dans la prochaine section, on sort de la cuisine pour ouvrir l’armoire… et le cabinet de toilette.

Garde-robe, parfums et hammam: l’esthétique du quotidien

Ziryab arrive avec une révolution douce: vêtements selon les saisons, matières et couleurs adaptées à la lumière, à l’humeur et aux usages. À Cordoue, il popularise l’hygiène raffinée: dentifrices parfumés, coiffures soignées, et surtout le hammam comme espace social — on s’y épile, on s’y tatoue, on y coiffe les mariés, on y négocie des alliances. J’ai testé un hammam actuel inspiré des bains andalous: la conversation y coule comme l’eau tiède, et l’on ressort avec ce sentiment d’avoir réinitialisé la journée.

On croit souvent que le “lifestyle” est un concept moderne; Ziryab l’avait compris il y a plus d’un millénaire. En ancrant la beauté dans l’ordre du monde, il façonne des rituels quotidiens. C’est pour cela qu’il est considéré comme un curateur du goût avant l’heure. Et puisqu’on parle de style, passons à sa vraie scène: la musique — là où il a posé une brique fondatrice de l’identité ibérique.

Musique: de Bagdad au Guadalquivir, la cinquième corde

Formé dans la cour abbasside, Ziryab apporte à Cordoue une pédagogie et des innovations qui font date. Il fonde ce que beaucoup appellent le premier conservatoire d’Europe, et surtout, il ajoute une cinquième corde au luth (ancêtre de la guitare) en modifiant le manche pour un son plus clair, plus chantant. Quand j’ai entendu un oudiste local rejouer ce timbre au Conservatorio Músico Ziryab, on retrouvait ce fil sonore qui mène, bien plus tard, à la guitare andalouse.

On lui prête un voyage aux confins de l’Orient, l’assimilation du style sindhi: certains y voient une graine lointaine des mélismes qui nourriront le flamenco. Pas un “inventeur” du flamenco — anachronisme — mais un passeur de modes musicaux. Le musicologue Ted Gioia l’a écrit: Cordoue devient alors un pôle d’influence musicale. Paco de Lucía ne s’y est pas trompé en lui dédiant “Ziryab” (avec Chick Corea): c’est un clin d’œil à ce continuum. Et, fidèle à la vision andalouse, la musique est aussi thérapeutique et spirituelle, reliée à l’astronomie et à la philosophie — l’esprit de la Casa de la Sagesse locale où l’on traduit le monde entier.

Pourquoi ça change ta visite de Cordoue aujourd’hui

Tout cela n’est pas de la poussière d’archives. C’est une boîte à outils pour découvrir la ville autrement. En balade dans la Judería, pense “séquences” en choisissant tes tapas; dans une parfumerie artisanale, demande un accord de saison; au hammam, écoute la ville respirer. Bref, vois Cordoue avec les lunettes de Ziryab: un art de vivre cohérent, sensé, généreux.

Quelques pistes concrètes (testées et approuvées):

• Menu en trois temps dans une taberna qui travaille le produit de saison (asperges, coings, amandes). Observe l’ordre des saveurs.
• Concert de oud ou de guitare dans une salle intime; cherche un programme pédagogique inspiré du “conservatoire”.
• Hammam andalou moderne: privilégie les heures calmes, goûte eau tiède/chaude et salle tiède pour converser.
• Atelier parfum ou herboristerie: explore la triade propre/boisé/floral, avec notes d’orange amère et romarin.

C’est pour cela que Ziryab parle aux voyageurs d’aujourd’hui: il relie le beau à l’utile, le rituel au plaisir. Et dans la section suivante, je réponds aux questions que l’on me pose le plus souvent.

Questions Fréquentes

Qui était Ziryab en deux mots ?

Un polymathe afro‑arabe formé à Bagdad, installé à Cordoue au IXe siècle. Musicien, poète et maître d’étiquette, il a influencé la cuisine, la mode, l’hygiène et la pédagogie musicale de l’Occident musulman.

Qu’a-t-il changé dans la cuisine occidentale ?

Il a popularisé le repas en plusieurs temps (amuse‑bouche, soupe, plats), l’usage approprié de la vaisselle, et une pensée diététique du repas. Il a aussi introduit des produits et des techniques venues d’Orient, avec un sens du goût très structuré.

Ziryab a-t-il inventé le flamenco ?

Non. Le flamenco naît bien plus tard. Mais Ziryab a importé des modes musicaux orientaux et une pédagogie qui ont irrigué la péninsule. On peut voir chez lui une source lointaine dans l’écosystème musical andalou.

Où vivre l’héritage de Ziryab à Cordoue aujourd’hui ?

Assiste à un concert de oud/guitare dans une petite salle, choisis un menu de saison en trois temps, profite d’un hammam inspiré des bains andalous, et explore parfumeries et herboristeries locales pour des accords “de saison”.