17 Quand le Prado ouvre ses portes aux écrivains, c'est magique ! J'ai exploré cette résidence unique, loin des foules. Une expérience fascinante...Ah, le Prado… Quand on vit en Espagne, même loin de Madrid comme moi ici à Cordoue, le Museo del Prado reste un phare, une institution presque sacrée. Mais au-delà des foules qui se pressent devant Las Meninas ou Le Jardin des délices, il existe un Prado plus intime, un Prado qui parle bas, presque en confidence. C’est le Prado littéraire, celui qui accueille des écrivains en résidence pour les laisser s’imprégner de ses murs, de ses toiles, de son âme. Je me suis toujours demandé ce que cela faisait d’avoir un tel lieu pour soi. Ici à Cordoue, nos trésors sont peut-être à une échelle plus humaine, plus directement palpables dans l’architecture ou l’ambiance des ruelles. Mais le Prado, c’est un univers en soi. Le programme « Écrire le Prado », lancé en 2023, offre précisément ce privilège rare à des plumes d’exception. Imaginez : être seul, ou presque, face à un Goya avant même que les portes ne s’ouvrent au public. C’est une expérience qui frôle le mystique, un luxe inouï pour l’esprit créatif. On est loin de la course effrénée pour cocher les œuvres célèbres ; on est dans l’immersion profonde, la conversation silencieuse avec les maîtres. L’aube au musée : un privilège "liturgique" On dit que l’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt, et dans le cas des écrivains en résidence au Prado, cela prend tout son sens. Arriver avant l’ouverture officielle, quand les couloirs sont encore vides, quand la lumière du matin filtre doucement, c’est vivre une expérience quasi liturgique. C’est ce que m’évoque ce programme. Ce n’est plus une simple visite, c’est une forme de recueillement devant la grandeur de l’art. Pendant que le personnel s’active discrètement, les résidents ont le loisir de flâner, de s’arrêter devant une œuvre qui les appelle, sans la pression du temps ou des regards. C’est un contraste saisissant avec l’effervescence qui prendra possession des lieux quelques instants plus tard. Dans le silence du petit matin, les détails des tableaux se révèlent différemment. La texture d’une étoffe peinte, l’expression fugace sur un visage, la profondeur d’un paysage… tout semble chuchoter des histoires qui attendent d’être racontées. C’est dans cette atmosphère unique que naissent souvent les premières étincelles créatives. C’est une solitude choisie, fertile, au cœur même de la beauté. Vous pourriez être interessé par Zee Zee, pianiste chino, joue Schubert et Liszt au festival Orozco 5 novembre 2024 Vicco, Ptazeta et Depol : Découvrez les artistes phares de Los40 Córdoba Pop 20 juillet 2024 Au-delà des galeries : les coulisses de l’inspiration L’accès privilégié ne s’arrête pas aux salles d’exposition désertes. Ce qui rend cette résidence exceptionnelle, c’est la plongée dans les entrailles du musée. Les écrivains sont invités à explorer les ateliers de restauration et les immenses réserves. C’est un monde caché, fascinant, où l’art n’est pas seulement exposé, mais aussi préservé, étudié, soigné. Rencontrer les conservateurs, les restaurateurs, les employés qui font vivre cette immense machine est une source d’inspiration en soi. Loin de l’image austère que l’on pourrait avoir d’une grande institution, le Prado se révèle ici comme une communauté humaine, une famille passionnée. Les anecdotes partagées, les secrets d’atelier, le dialogue avec des experts qui connaissent chaque centimètre carré des toiles… cela nourrit l’imagination d’une manière incomparable. On comprend mieux le véritable travail de l’ombre qui permet à ces chefs-d’œuvre de traverser les siècles. Cette immersion totale offre une perspective unique, bien loin de la simple contemplation superficielle. Quand la peinture devient récit : les œuvres choisies Chaque écrivain arrive avec sa propre sensibilité, ses propres obsessions. Et au Prado, ce sont souvent des œuvres moins courues qui captent leur attention. Bien sûr, les icônes comme Las Meninas sont incontournables, mais c’est aussi le cas de tableaux comme Paysage avec Saint Jérôme de Patinir, ou des troublantes Peintures noires de Goya, notamment le fameux Chien semi-enfoncé. Olga Tokarczuk, prix Nobel polonaise, s’est ainsi passionnée pour L’Histoire de Nastagio degli Onesti de Botticelli. Ces choix révèlent que l’inspiration peut surgir des recoins les plus inattendus. L’objectif du programme n’est pas de produire des essais d’histoire de l’art, mais bien des œuvres de fiction qui dialoguent avec la peinture. Il s’agit de confronter l’espace d’un tableau, figé dans le temps, à la séquentialité narrative du récit. Comment un personnage peint prend-il vie sous la plume ? Quelle histoire se cache derrière un paysage, un portrait ? C’est un défi fascinant, qui pousse les écrivains à regarder l’art non pas comme une fin en soi, mais comme un point de départ pour l’imagination. C’est une passerelle magnifique entre deux formes d’expression, montrant que l’art est une source inépuisable d’histoires. Plus qu’une résidence, une conversation avec l’histoire Le programme « Écrire le Prado » va bien au-delà d’une simple mise à disposition d’espaces. C’est une véritable conversation qui s’instaure entre les écrivains, les œuvres et l’institution. Les interactions avec le personnel, les visites privées, le temps infini passé devant les toiles créent un lien profond, une intimité rare. On raconte que les écrivains finissent par tisser des liens si forts qu’ils continuent d’échanger avec certains employés même après leur départ. Cette approche unique permet de dépoussiérer l’image du musée, de montrer qu’il est un lieu vivant, dynamique, capable d’inspirer la création contemporaine. Les textes qui naissent de ces résidences – deux ont déjà été publiés, ceux de Coetzee et Aridjis, et deux autres sont attendus en septembre 2024 – sont autant de nouvelles clés pour appréhender les collections. Ils offrent des perspectives inédites, des interprétations personnelles qui enrichissent notre propre regard sur les chefs-d’œuvre. En 2025, le programme continue d’accueillir de grands noms comme Helen Oyeyemi et Mathias Enard, prouvant sa vitalité et son importance dans le paysage culturel. C’est une initiative audacieuse qui rappelle que les musées ne sont pas de simples dépôts du passé, mais des foyers d’inspiration pour l’avenir. Cette dynamique d’échange et d’inspiration se retrouve d’ailleurs, à une autre échelle, dans les célèbres patios fleuris de Cordoue, où l’art de vivre et la beauté végétale composent aussi un tableau vivant, source inépuisable de contemplation et, pourquoi pas, d’écriture. FAQ : Vos questions sur le Prado littéraire Qui peut participer au programme « Écrire le Prado » ? Il s’agit d’un programme international de résidences sur invitation. Le musée et ses partenaires sélectionnent des écrivains de renom pour leur offrir cette opportunité unique. Combien de temps dure la résidence ? La durée varie selon les auteurs, mais elle peut aller de quelques semaines à près de deux mois, comme ce fut le cas pour Chloe Aridjis. L’important est d’avoir le temps nécessaire pour s’immerger pleinement. Les textes produits sont-ils publiés ? Oui, l’un des engagements des écrivains est de produire un récit qui sera publié. Deux livres sont déjà disponibles, et d’autres suivront, permettant au public de découvrir les fruits de ces résidences. Ce programme est-il unique en son genre ? Bien qu’il existe d’autres résidences d’artistes ou d’écrivains, l’accès privilégié et l’immersion profonde offerts par le Prado, au cœur d’une collection d’une telle richesse, le rendent particulièrement notable et suscite l’intérêt d’autres grandes institutions culturelles à travers le monde. Pour en savoir plus sur le programme et le musée lui-même, vous pouvez consulter le site officiel du Museo del Prado. Et pour découvrir l’éditeur qui co-organise ce projet et publie les récits, jetez un œil au site de Granta. Media: Diario Córdoba – Ilustración del Museo del Prado. / Laura Monsoriu écrivainprésidence 0 FacebookTwitterPinterestThreadsBlueskyEmail María Fernanda González María est notre journaliste voyage basée à Cordoue. En tant que Cordouane et exploratrice du monde, elle possède un talent particulier pour connecter les voyageurs francophones à l'essence de sa ville. Sur Escapade à Cordoue, María partage ses découvertes, ses conseils d'experte locale et ses récits qui donnent vie au patrimoine et à la culture vibrante de Cordoue et de l'Andalousie. Elle explore aussi bien les ruelles historiques de la Judería que les métropoles lointaines, toujours en quête d'histoires qui relient les gens et les lieux. Ses contributions sont une invitation à voir Cordoue à travers les yeux d'une passionnée, offrant des clés pour un voyage enrichissant en Andalousie. entrée prédédente Reggaeton 2000s : Cette nuit à Cordoue… entrée suivante Gerardo Olivares : L’âme de Cordoue, script le plus dur? 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