121 Le théâtre : un miroir de nous-mêmes Le théâtre est un art qui utilise principalement trois éléments : la parole, le corps et la voix. Ces trois éléments suffisent pour que, depuis la scène, une histoire nous parle de notre réalité. Lorsque ces trois éléments sont en harmonie, il n’y a pas besoin d’artifices supplémentaires pour transmettre la vérité au spectateur. C’est alors que cette dernière peut être ressentie intensément, comme un rituel laïque, nous permettant de respirer et de nous libérer de nos émotions. Vendredi dernier, au Gran Teatro, nous avons eu le privilège d’assister à une pièce de théâtre intitulée "Pacífico". Une adaptation fidèle et émouvante Cette pièce est une adaptation du livre de Miguel Delibes intitulé "La guerra de nuestros antepasados" (La guerre de nos ancêtres), qui a été réalisée par Eduardo Galán. Une adaptation réussie qui ne pèse pas le poids du texte original, mais qui épouse plutôt la scène avec fluidité et authenticité. Sous la direction de Claudio Tolcachir, les acteurs ont su recréer l’essence même de l’histoire dans un décor minimaliste mais significatif. Les jeux d’ombres et de lumières ajoutent une touche de mystère et de profondeur à cette pièce de théâtre qui a su nous transporter dans un voyage à travers l’histoire de l’Espagne et de ses habitants. L’héritage de la virilité : une prison pour les hommes L’histoire de Pacífico, un homme atypique, nous permet de comprendre la longue généalogie de la virilité qui a toujours fait des hommes des machines de guerre. Les histoires de son bisexuel, de son grand-père et de son père, qui sont en réalité les récits de leurs guerres respectives, nous confrontent à l’image du vieux et rigide patriarcat qui a emprisonné les hommes dans une quête perpétuelle de victoire. Les femmes, quant à elles, ont souvent été cantonnées à un rôle de soutien, que ce soit en réconfortant les hommes après les nuits de cauchemar ou en se rebellant contre un monde qui ne correspondait pas à leurs aspirations. Le personnage de La Candi incarne cette lutte pour l’émancipation et le désir d’un monde plus juste et égalitaire. Pacífico : le reflet d’une humanité perdue Pacífico, qui est un homme sensible, rêveur et en décalage avec les stéréotypes de la virilité, est finalement diagnostiqué comme souffrant d’hypersensibilité. Il est en quelque sorte l’homme le plus humain de son village, celui qui entretient une relation intime avec la nature et les êtres vivants qui l’entourent. Un personnage qui rappelle l’oncle Paco, un écoféministe avant l’heure, et qui représente une rupture avec le système de compétition et de suprématie masculine. La folie de la normalité La pièce nous confronte à ce qui semble être le leitmotiv de la vie de Pacífico : la folie de la normalité. Cette "normalité" qui a poussé les hommes à se conformer à un modèle créé de toutes pièces, et à juger de la "santé mentale" de ceux qui ne rentraient pas dans le moule. Mais finalement, n’est-ce pas la normalité elle-même qui est folle ? La parole de Delibes : une ode à la terre et à la mémoire La pièce est également un hommage à la langue de l’auteur, qui a su magnifiquement capter l’essence de la Castille rurale. Les mots, les phrases, les expressions utilisées dans cette adaptation sont une véritable musique pour nos oreilles. Ils nous rappellent que la complexité de cette histoire est à la fois profonde et légère, et que la vérité peut s’exprimer avec simplicité à travers le langage. Vous pourriez être interessé par Almonacid: Quand la tour emblématique s’effondre silencieusement 3 avril 2025 DIRECTO | Gala des XVIème Prix Gaudí 4 février 2024 Une interprétation mémorable de Carmelo Gómez La pièce doit également sa réussite à la prodigieuse interprétation de Carmelo Gómez, qui a su incarner Pacífico avec une intensité et une émotion palpables. Son jeu est à la fois puissant et subtil, capable de nous faire voyager dans le temps et dans l’espace, de nous faire ressentir toutes les émotions traversées par son personnage. Son corps devient un véritable tableau où chaque mouvement est une expression de la vie. Conclusion En somme, "Pacífico" nous offre une expérience théâtrale inoubliable, qui nous transporte dans un voyage à travers l’histoire et les émotions. Une pièce qui nous rappelle que le théâtre est un miroir de la société, qui peut nous faire voir notre humanité sous un autre jour. Une pièce qui nous fait réfléchir sur les notions de normalité, de virilité, mais aussi sur l’importance de l’écoute et de la compréhension de l’autre. Un spectacle à ne pas manquer, qui vous touchera au plus profond de votre être et vous fera, à coup sûr, réfléchir sur votre place dans ce monde. 0 FacebookTwitterPinterestThreadsBlueskyEmail María Fernanda González María est notre journaliste voyage basée à Cordoue. En tant que Cordouane et exploratrice du monde, elle possède un talent particulier pour connecter les voyageurs francophones à l'essence de sa ville. Sur Escapade à Cordoue, María partage ses découvertes, ses conseils d'experte locale et ses récits qui donnent vie au patrimoine et à la culture vibrante de Cordoue et de l'Andalousie. Elle explore aussi bien les ruelles historiques de la Judería que les métropoles lointaines, toujours en quête d'histoires qui relient les gens et les lieux. Ses contributions sont une invitation à voir Cordoue à travers les yeux d'une passionnée, offrant des clés pour un voyage enrichissant en Andalousie. entrée prédédente Cérémonie des Goya 2024 : dernières actualités de la soirée, tapis rouge, cérémonie et lauréats entrée suivante Usher : L’artiste ressuscité par la Super Bowl A lire aussi Orchestre de Cordoue : tu le savais ?... 5 septembre 2025 Cordoue, où l’amitié ressemble à un crush: voilà... 5 septembre 2025 Filmoteca de Andalucía à Cordoue : tu le... 4 septembre 2025 À Cordoue, Romero de Torres vs Warhol: tu... 4 septembre 2025 Sorolla revient avec une plage oubliée: ce que... 3 septembre 2025 Córdoba, résidence bretonne: mon carnet d’initié pour une... 3 septembre 2025 Arcana à Córdoba: la Mezquita chuchote une élégance... 2 septembre 2025 Córdoba et le violon flamenco: le retour fiévreux... 1 septembre 2025 Pozoblanco, deux générations en une nuit: Alvama Ice... 1 septembre 2025 À Córdoba, mon détour par le hangar “Eiffel”... 1 septembre 2025