13 Envie de percer les secrets du temps dans la littérature espagnole contemporaine ? Découvrez comment « Casa de indianos » bouscule les genres avec brio.Quand le roman espagnol ose brouiller les pistes : mes impressions sur « Casa de indianos » Cordoue regorge d’histoires où réalité et légende se confondent – alors forcément, lorsque j’ai eu entre les mains « Casa de indianos » de Juan Bolea, je n’ai pas pu m’empêcher d’y chercher ce parfum familier d’irréalité. Mais attention : Bolea ne nous livre pas un simple thriller ni même une énième déclinaison du roman noir espagnol. Il joue sur plusieurs tableaux à la fois… et c’est bien ce qui m’a fascinée. Le sujet ? Un directeur de théâtre en proie à un rêve prémonitoire sanglant, une vieille demeure évocatrice (qui rappelle nos cortijos andalous pleins de mystères), et un jeu subtil entre plusieurs couches temporelles. Derrière cette intrigue apparemment classique se cache en fait une réflexion profonde sur le pouvoir du rêve et l’étrangeté du temps – exactement le genre de défi que seule une plume aguerrie ose relever. Les trois temps : réalité, onirisme et mort Ce qui distingue vraiment ce roman – et croyez-moi, c’est rare même pour qui a arpenté les bibliothèques de Cordoue autant que ses ruelles – c’est sa structure narrative éclatée. Bolea articule son récit autour de trois niveaux temporels : le temps réel (ancré dans des faits racontables par un journaliste), le temps onirique (où s’immiscent cauchemars et pressentiments) et le temps de la mort. « Quel temps a la mort ? » s’interroge l’auteur. Voilà qui résonne puissamment quand on sait combien notre culture andalouse accorde d’importance aux cycles, au souvenir, à la frontière ténue entre ici-bas et au-delà. Le grand mérite du livre est d’arriver à rendre ces transitions fluides sans jamais perdre le lecteur. J’y ai retrouvé cette magie particulière qui plane parfois lors des processions nocturnes ou des nuits blanches passées à refaire le monde sous les étoiles cordouanes : tout semble réel… jusqu’à ce qu’un détail vous rappelle que vous êtes peut-être en train de rêver. Le « genre total » selon Bolea : entre Poe et Zola Juan Bolea assume pleinement cette hybridation. Pour lui, l’art romanesque ne saurait se limiter à un seul moule – il revendique d’ailleurs l’influence du fantastique à la Edgar Allan Poe mais aussi celle d’un réalisme plus âpre façon Zola ou Galdós. Pourtant, il déplore souvent chez ces derniers un certain manque de « main du peintre », d’enchantement. Vous pourriez être interessé par Cultura accepte les travaux de réparation dans la cour principale du Musée des Beaux-Arts 30 mars 2024 Adieu Mariano Aguayo, l’artiste du ‘vivre bien et lentement’ 11 novembre 2024 Là-dessus je ne peux qu’être d’accord avec lui : la littérature espagnole moderne souffre trop souvent d’un excès de réalisme sec ou d’un usage paresseux des codes policiers. Ici, chaque page vibre d’une envie manifeste de transformer la réalité plutôt que de la décrire froidement. C’est exactement ce qui rend Cordoue si attachante aussi : nos histoires sont toujours légèrement irréelles – comme filtrées par la lumière dorée du Guadalquivir au crépuscule. Théâtre et mise en abyme : quand fiction rime avec vie intérieure En tant que lectrice passionnée par les arts vivants (et spectatrice assidue des scènes cordouanes), j’ai été particulièrement touchée par l’arrière-plan théâtral du roman. Le protagoniste est metteur en scène – un choix loin d’être anodin car il permet à Bolea de multiplier les références croisées entre représentation scénique et construction romanesque. D’ailleurs, saviez-vous que Juan Bolea a lui-même signé plusieurs pièces à succès ? Cette connaissance intime des coulisses rejaillit ici dans chaque dialogue tendu ou silence évocateur. On sent qu’il y a vécu mille vies – tout comme Cordoue elle-même porte encore l’empreinte des comédiens ambulants qui animaient jadis ses places publiques. Pour explorer davantage cette dimension théâtrale en Espagne aujourd’hui, je vous conseille vivement ce dossier très complet sur El Teatro Español contemporain. Rêve prémonitoire ou réalité manipulée ? L’art du trouble chez Bolea Ce qui frappe enfin dans « Casa de indianos », c’est cette manière habile dont l’auteur brouille constamment nos repères. L’idée même qu’un simple cauchemar puisse bouleverser la logique implacable d’une enquête criminelle ouvre sur une lecture presque philosophique : notre perception du monde est-elle fiable ? Ou bien sommes-nous tous prisonniers d’un scénario écrit ailleurs – dans nos songes ou par la main invisible du destin ? À Cordoue comme ailleurs en Andalousie, cette question n’a rien d’abstrait : les légendes populaires (comme celles entourant l’Alcázar ou certains patios hantés…) témoignent depuis des siècles que rêve et réalité sont deux faces complémentaires du réel. J’y vois aussi une formidable invitation à cultiver notre curiosité pour l’invisible et à accepter qu’aucun récit n’épuise totalement la richesse des existences humaines. Comme le dit joliment Bolea, il faut parfois réinventer sa propre voix pour renouveler son regard sur le monde… Pourquoi « Casa de indianos » marque-t-il un tournant littéraire ? Au-delà même de son intrigue prenante ou de ses audaces stylistiques, ce roman m’a frappée par son ambition globale : celle justement d’être une œuvre totale (« novela total ») capable d’embrasser tous les formats – roman, théâtre, chronique journalistique… Je trouve cela particulièrement inspirant dans un paysage éditorial où chacun semble cantonné à son domaine réservé. En Andalousie aussi nous avons besoin d’auteurs capables d’expérimenter librement ! D’ailleurs Bolea prépare pour 2025 un essai-cronique sur l’Espagne post-franquiste dont j’attends beaucoup (là encore un exemple brillant de transversalité culturelle). Pour ceux que cela intrigue autant que moi : vous pouvez découvrir ici quelques clés supplémentaires sur Juan Bolea et ses influences. Questions fréquentes Pourquoi parle-t-on tant des différents temps dans « Casa de indianos » ? La structure temporelle est au cœur du livre ; elle permet à Juan Bolea d’explorer non seulement l’intrigue policière mais aussi notre rapport au rêve et à la mort. Ce roman s’adresse-t-il uniquement aux amateurs de thriller ? Non ! Si vous aimez le fantastique subtil ou les romans où psychologie et ambiance comptent autant que l’action pure, vous serez comblé.e.s. Faut-il connaître l’œuvre théâtrale espagnole pour apprécier le livre ? Pas besoin ! Mais si vous êtes sensible aux jeux entre fiction scénique et récit littéraire, vous découvrirez mille clins d’œil délicieux. Photo by Gabriella Clare Marino on Unsplash LittératureRoman 0 FacebookTwitterPinterestThreadsBlueskyEmail María Fernanda González María est notre journaliste voyage basée à Cordoue. En tant que Cordouane et exploratrice du monde, elle possède un talent particulier pour connecter les voyageurs francophones à l'essence de sa ville. Sur Escapade à Cordoue, María partage ses découvertes, ses conseils d'experte locale et ses récits qui donnent vie au patrimoine et à la culture vibrante de Cordoue et de l'Andalousie. Elle explore aussi bien les ruelles historiques de la Judería que les métropoles lointaines, toujours en quête d'histoires qui relient les gens et les lieux. Ses contributions sont une invitation à voir Cordoue à travers les yeux d'une passionnée, offrant des clés pour un voyage enrichissant en Andalousie. entrée prédédente Córdoba en 2.100 photos : Plongée intime dans les archives méconnues entrée suivante Streaming Schneewittchen : Ce remake Disney+ vaut-il le détour à Cordoue ? 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