Robert Perišić : Pourquoi l’ironie mélancolique captive notre époque ?

A group of pillars sitting next to each other

Envie de comprendre l’art subtil de l’ironie mélancolique chez Robert Perišić ? Je partage ses secrets et ce qui rend sa littérature si touchante.

Plongée dans l’univers singulier de Robert Perišić

Lorsque j’ai découvert "Le dernier artéfact socialiste" de Robert Perišić, je me suis tout de suite sentie emportée par cette vibration à la fois drôle et mélancolique qui traverse chaque page. Ce mélange rare m’a interpellée : pourquoi son ironie touche-t-elle autant notre époque ? Aujourd’hui, je vous invite à explorer avec moi ce secret d’écriture qui fait toute la force du romancier croate.

La mélancolie comme moteur d’ironie

Chez Perišić, l’ironie n’est jamais purement moqueuse. Elle est toujours accompagnée d’une forme de tendresse pour ses personnages écorchés. Son duo central, Oleg et Nikola, héritiers des anti-héros européens, traversent une ville fictive – simplement nommée N. – pour tenter de ressusciter un rêve industriel. Cette ville n’existe sur aucune carte mais semble familière à quiconque connaît les villes industrielles marquées par la chute du socialisme.

J’ai retrouvé dans leur errance une manière subtile de parler du déclassement ouvrier sans cynisme ni misérabilisme. En mêlant ironie et mélancolie, Perišić offre une vision nuancée : "L’ironie s’améliore si on y ajoute de la mélancolie," confie-t-il en interview. Je trouve cette formule lumineuse ! Comme à Cordoue quand les ruelles racontent mille ans d’espoirs déçus et renaissants…

L’art délicat du lieu fictif : la ville N.

Ce qui m’a fascinée en tant que voyageuse (et amoureuse des villes à histoires multiples), c’est le choix assumé d’un décor inventé. Cette ville "hors réseau" est un puzzle inspiré des Balkans mais modelé par l’imagination de l’auteur. Cela permet une liberté totale pour croiser les époques et offrir au lecteur un territoire mental où se projeter.

Cette démarche me rappelle comment certains quartiers cordouans sont façonnés par des couches d’histoire superposées, donnant naissance à un espace unique et universel à la fois. Chez Perišić, cette construction imaginaire sert aussi à transmettre l’optimisme fragile d’une classe ouvrière rêvant encore au lendemain.

Des ouvriers en héros inattendus : pari littéraire gagnant ?

Il faut avouer que peu d’auteurs contemporains osent donner la vedette aux ouvriers sans tomber dans le cliché ou le pathos. Le pari de Perišić était risqué – même ses proches s’en étonnaient ! Mais en cinq ans d’écriture patiente, il offre à ses personnages non seulement une voix mais une victoire symbolique face au destin.

Je crois profondément que c’est là que réside la force du roman : faire résonner une parole collective souvent réduite au silence et nous rappeler que sous l’humour se cache parfois une nostalgie poignante. En cela, sa fiction dépasse la chronique sociale classique pour toucher à l’universel.

Tragedie ou farce ? Les Balkans revisités

Perišić revendique une inspiration marxiste revisitée : après avoir vécu la tragédie historique (guerres balkaniques), il préfère aujourd’hui explorer le registre de la farce teintée d’émotion. C’est précisément ce mélange – rire triste – qui séduit tant ses lecteurs.

"On a eu la tragédie… maintenant place à autre chose," explique-t-il simplement. Il refuse cependant tout sentimentalisme facile : l’émotion naît du souvenir ouvrier sans jamais sombrer dans le pathos. À Cordoue aussi, les grands bouleversements historiques ont laissé place à des récits où le burlesque côtoie le sublime ; j’y vois un pont entre nos cultures méditerranéennes.

Que peut-on retenir comme lecteurs francophones ?

Lire Robert Perišić depuis Cordoue m’a donné envie de repenser nos propres marges urbaines et sociales sous un jour nouveau. Comment raconter ces vies invisibles sans trahir leur complexité ? L’auteur croate nous invite à embrasser pleinement l’ambiguïté : on peut rire tout en ayant le cœur serré.

Si ce sujet vous passionne autant que moi, je vous recommande aussi cet entretien approfondi avec Robert Perišić sur Diacritik, parfait pour prolonger cette réflexion sur les récits post-soviétiques.

Questions fréquentes

Qui est vraiment Robert Perišić ?

Écrivain croate né en 1969 à Split, il s’est imposé comme figure majeure grâce à sa plume ironique et engagée. Il est aussi journaliste et éditeur connu pour son regard critique sur les sociétés post-socialistes.

Quelle est la particularité du roman "Le dernier artéfact socialiste" ?

Il met en scène deux anti-héros essayant de ranimer une usine dans une ville imaginaire « hors réseau », explorant ainsi humour noir, utopie brisée et solidarité ouvrière avec beaucoup d’humanité.

Faut-il connaître l’histoire des Balkans pour apprécier ce livre ?

Pas nécessairement ! L’universalité des thèmes abordés – crise industrielle, quête de sens – résonne partout où passé collectif rime avec désillusion moderne.

Où trouver plus d’analyses sur la littérature post-yougoslave ?

Je vous conseille vivement le dossier spécial proposé par Le Courrier des Balkans, riche en découvertes.

Photo by Gunnar Ridderström on Unsplash

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