Pourquoi le film « Romería » de Carla Simón nous parle tant de l’Espagne des années 80 (et de nous-mêmes) ?

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Découvrez *Romería*, le nouveau film poignant de Carla Simón qui explore le tabou de l'héroïne et du sida dans l'Espagne des années 80 à travers une quête familiale. Un voyage cinématographique qui résonne !

Ah, chers amis voyageurs ! Laissez-moi vous emmener dans un voyage un peu différent aujourd’hui, un voyage au cœur des émotions et des histoires qui façonnent l’Espagne, et par extension, un peu de nous-mêmes. Depuis ma chère Cordoue, je suis toujours curieuse de comprendre ce qui se cache derrière les façades colorées et les ruelles historiques. Le cinéma, quand il est fait avec âme, a ce pouvoir incroyable de nous connecter à des réalités parfois douloureuses, mais essentielles. Et c’est exactement ce que fait Carla Simón avec son nouveau film, Romería, présenté à Cannes. Ce n’est pas juste un film, c’est une plongée dans une histoire intime qui résonne avec une génération entière en Espagne, celle marquée par l’héroïne et le sida dans les années 80. En tant que journaliste voyageuse, je cherche toujours les récits qui donnent vie aux lieux. Ici, le lieu, c’est l’Espagne des années 80, vue à travers le prisme d’une tragédie qui a touché tant de familles. C’est une facette de l’histoire espagnole qu’on aborde moins souvent, mais qui est fondamentale pour comprendre le chemin parcouru. Romería nous rappelle que derrière la Movida et la fête, il y a eu des ombres, des vies brisées. Et c’est en regardant ces ombres en face qu’on apprécie encore plus la lumière d’aujourd’hui.

Romería : Un Titre, Plusieurs Sens, une Histoire Profonde

Le choix du titre Romería par Carla Simón est en soi une invitation au voyage. Ce mot évoque immédiatement la fête populaire, le pèlerinage joyeux et parfois un peu fou qui fait partie intégrante de la culture espagnole, surtout ici en Andalousie. On pense aux couleurs, à la musique, à la convivialité. Mais Carla Simón nous invite à regarder au-delà de cette image festive. Pour elle, Romería a aussi une dimension mystique, un voyage intérieur, une quête de sens. C’est le voyage que fait Marina, le personnage principal de son film, une jeune fille de 17 ans qui part à Vigo pour explorer les racines de son père et comprendre l’histoire d’amour de ses parents, emportés par le sida. C’est un pèlerinage vers le passé, un besoin de se connecter à ceux qui ne sont plus là. Ce double sens du titre est fascinant. Il capture parfaitement l’essence de cette époque : une période de liberté débridée après des années de dictature, mais aussi une période de grande vulnérabilité face à l’arrivée massive de l’héroïne. C’est cette dualité que Carla Simón explore avec sensibilité et profondeur. Elle ne juge pas, elle cherche à comprendre et à honorer une génération souvent oubliée.

La Génération Perdue des Années 80 : Un Tabou à Lever

Carla Simón a une histoire personnelle forte avec ce sujet. Ses parents sont décédés du sida lié à leur consommation de drogues, et elle a été adoptée par ses tantes. Elle avait déjà abordé son enfance dans Verano 1993, un film magnifique et plein de tendresse. Avec Romería, elle remonte le fil du temps pour raconter l’histoire de ses parents, de leur amour, mais aussi du contexte social qui a rendu leur destin si tragique. Ce qu’elle met en lumière, c’est un tabou. Pendant longtemps, en Espagne, on a peu parlé de cette génération décimée par l’héroïne et le sida. Le deuil, la honte, la douleur ont enfermé ces histoires derrière des portes closes. Carla Simón témoigne de cette réalité : beaucoup de gens se sont confiés à elle après la sortie de Verano 1993, reconnaissant leur propre histoire dans la sienne, mais souvent, leur entourage, la génération de leurs parents, était mal à l’aise avec cette ouverture. C’est pour briser ce silence que Romería est essentiel. Il s’agit de reconnaître et de rendre hommage à cette génération qui, malgré les épreuves, a participé à transformer l’Espagne, à la rendre plus ouverte et plus libre. C’est un acte de mémoire nécessaire pour comprendre notre présent.

Vigo et la Movida : Au Cœur de l’Histoire

Le film se déroule en partie à Vigo, une ville de Galice qui, comme d’autres villes espagnoles dans les années 80, a été un centre vibrant de la Movida. On parle souvent de la Movida madrilène, mais il y a eu d’autres foyers de créativité et de liberté partout en Espagne. Vigo était l’un d’eux. C’était une époque de bouillonnement culturel, de musique, de fête, de transgression. Mais c’était aussi, paradoxalement, une période où l’héroïne est entrée massivement dans le pays, avec des conséquences dévastatrices. Carla Simón souligne ce point crucial : on a beaucoup célébré la liberté et la fête des années 80, mais on a moins parlé de la facilité avec laquelle les drogues circulaient et des ravages qu’elles ont causés. L’ignorance face aux risques du sida, qui commençait à se propager, a amplifié la tragédie. En situant l’histoire de ses parents dans ce contexte spécifique de Vigo et de la Movida galicienne, Carla Simón ancre son récit dans une réalité historique et sociale précise. Elle utilise même la musique de l’époque, notamment le groupe Siniestro Total avec leur titre Bailaré sobre tu tumba, pour recréer l’atmosphère et l’énergie de ces années. La musique n’est pas qu’une bande-son, elle est un personnage à part entière, témoin et actrice de cette époque complexe.

Une Trilogía Intime : De l’Enfance à l’Histoire Familiale

Romería marque la fin d’une trilogie très personnelle pour Carla Simón. Après Verano 1993, où elle racontait son enfance après le décès de ses parents et son arrivée dans sa famille adoptive, et Alcarràs, qui explorait la vie de sa famille maternelle d’agriculteurs en Catalogne (et qui lui a valu l’Ours d’Or à la Berlinale, un immense succès !), elle revient à l’histoire de ses parents biologiques avec Romería. Ce n’est pas un documentaire, mais une fiction inspirée par l’essence des émotions et de la quête de compréhension de la réalisatrice. Elle confie que si le voyage de Marina à Vigo n’a pas eu lieu dans la réalité telle qu’elle est montrée dans le film, le désir de comprendre, la frustration face aux zones d’ombre de l’histoire de ses parents sont bien réels. C’est cette authenticité émotionnelle qui rend son cinéma si touchant et universel. Elle utilise son histoire personnelle comme un point de départ pour explorer des thèmes plus larges : le deuil, l’identité, la transmission, la mémoire collective. Sa capacité à transformer son vécu en œuvres d’art qui résonnent avec tant de gens est remarquable. Elle nous montre que les histoires intimes sont aussi des histoires universelles.

Pourquoi Romería est Plus Qu’un Film sur le Passé

En regardant Romería, on ne regarde pas seulement une histoire qui s’est déroulée il y a quarante ans. On regarde une histoire qui a des échos dans notre présent. Carla Simón le dit elle-même : elle a l’impression qu’on commence à peine à redonner sa place à cette génération des années 80, à reconnaître son importance et à comprendre les défis auxquels elle a été confrontée. C’est une génération qui a osé briser les codes, qui a revendiqué la liberté, qui a mis la société sens dessus dessous après des décennies de conservatisme. Mais c’est aussi une génération qui a payé un lourd tribut. En parlant ouvertement de l’impact de l’héroïne et du sida, Carla Simón contribue à cette réappropriation de la mémoire. Elle invite au dialogue, à la compréhension, à l’empathie. Son film est un pont entre les générations, une manière pour les plus jeunes de comprendre d’où ils viennent, et pour les moins jeunes de revisiter une période complexe de leur vie avec un regard nouveau, peut-être moins teinté par la douleur ou la honte. C’est un film qui, je crois, peut aider à guérir certaines blessures et à renforcer les liens familiaux et sociaux. C’est le pouvoir du bon cinéma, celui qui nous touche au plus profond et nous fait réfléchir.

Questions fréquentes

Le film est-il basé sur une histoire vraie ?

Oui, le film est fortement inspiré par l’histoire personnelle de la réalisatrice Carla Simón, dont les parents sont décédés du sida dans les années 80. Cependant, il s’agit d’une fiction qui prend des libertés narratives pour explorer les émotions et les thèmes profonds.

Faut-il avoir vu les autres films de Carla Simón pour comprendre Romería ?

Non, chaque film de Carla Simón peut être apprécié indépendamment. Bien que Romería complète une trilogie sur son histoire familiale, il raconte une histoire autonome qui ne nécessite pas la connaissance de Verano 1993 ou Alcarràs.

Où le film a-t-il été tourné ?

Le film a été tourné en partie à Vigo, en Galice, une ville qui a joué un rôle important dans la Movida des années 80 et qui est centrale dans l’histoire que raconte le film.

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