Pena, penita, pena : Quand le cinéma, la copla et le flamenco se répondent au C3A

A vibrant contemporary art gallery space with a large projection screen showing a classic black and white scene from 'Pena, penita, pena', surrounded by bold colorful paintings reminiscent of Ana Segovia's style; in the foreground, visitors engage in a collective poetry reading. Modern yet nostalgic atmosphere, expressive faces and dramatic lighting evoking the emotional tension of copla and flamenco.

Découvre comment le film 'Pena, penita, pena' dialogue avec l’exposition d’Ana Segovia au C3A : un voyage fascinant entre flamenco, absence et mémoire.

Un dialogue inédit entre cinéma et exposition contemporaine

Mardi soir dernier, j’ai eu la chance de vivre une expérience peu banale au Centre de Création Contemporaine d’Andalousie (C3A) à Cordoue. Ce n’est pas tous les jours qu’un centre d’art contemporain invite à revisiter un monument du cinéma espagnol comme ‘Pena, penita, pena’ (1953), en l’inscrivant dans une conversation profonde avec l’exposition radicalement actuelle d’Ana Segovia. Cette rencontre – bien plus qu’une juxtaposition – fait surgir des résonances inattendues entre les arts visuels contemporains et l’âge d’or du ciné musical hispano-mexicain.

L’exposition ‘Me duelen los ojos de mirar sin verte’ interroge la façon dont le cinéma classique forge nos imaginaires collectifs autour du folklore, des figures mythiques comme Lola Flores ou encore du jeu subtil entre présence et absence. Ce qui m’a marqué lors de la visite guidée préalable à la projection (hautement recommandée !), c’est la manière dont l’œuvre de Segovia détourne et réinvente les codes visuels du passé pour interroger notre rapport actuel à l’identité culturelle.

« La copla espagnole et le flamenco ne sont pas simplement des genres musicaux ; ce sont des véhicules de mémoire collective et d’expression intime », souligne Pablo García Casado (directeur de la Filmoteca de Andalucía).

Le film ‘Pena, penita, pena’ : miroir des douleurs collectives

La projection du film culte signé Miguel Morayta fut introduite par un rappel passionné du contexte historique : sorti en 1953 au cœur d’une Espagne encore meurtrie par la guerre civile et soumise à la dictature franquiste, ce drame musical réunit Lola Flores – icône absolue – autour d’un récit où le chant devient cri social.

Ce qui distingue véritablement ‘Pena, penita, pena’, c’est sa capacité à tisser la douleur individuelle (celle d’une femme gitane déchirée) avec celle de tout un peuple. À travers les chansons de Rafael de León et Antonio Quintero mises en musique par Manuel Quiroga – notamment l’inoubliable ‘¡Ay pena, penita!’ –, le film érige la copla au rang de catharsis collective. On y ressent physiquement cette tension entre désir ardent de vivre et fatalité tragique. La salle vibrait lors des scènes musicales portées par la voix rauque et habitée de Lola Flores.

L’absence comme forme puissante de présence dans l’art contemporain

Ce qui m’a particulièrement frappé dans l’exposition d’Ana Segovia est son traitement subtil du thème de l’absence. Alors que Lola Flores s’impose sur grand écran comme figure centrale du récit cinématographique, elle est paradoxalement absente — ou plutôt omniprésente par son absence — dans les œuvres exposées.

Segovia explore ici une piste fascinante : comment nos souvenirs collectifs persistent-ils lorsque les idoles disparaissent ? Les tableaux aux couleurs saturées rappellent les affiches rétro mais leurs figures semblent floues ou incomplètes ; tout se joue dans le manque assumé. Cette absence questionne non seulement notre manière de regarder l’histoire culturelle espagnole mais aussi notre capacité à faire dialoguer hier et aujourd’hui.

En me promenant dans la salle T4 du C3A après la projection, j’ai senti combien cette stratégie artistique encourageait chaque visiteur·euse à projeter ses propres souvenirs ou émotions sur ces silhouettes absentes.

Lectures partagées : poésie vivante au cœur du musée

Autre moment fort : la lecture collective des poèmes et coplas signés Rafael de León. J’avoue avoir été touché par cette médiation participative rare en France – entendre plusieurs voix porter ensemble ces textes anciens crée une atmosphère presque rituelle où chacun devient dépositaire d’une mémoire commune.

Cette mise en voix permettait également un échange direct entre public et œuvre : on découvrait ainsi la force performative du verbe andalou quand il est incarné collectivement. Pour moi qui ai longtemps cru que poésie rimait avec intimité solitaire, cette expérience fut une révélation sur le potentiel fédérateur des arts populaires.

Pourquoi ce dialogue entre arts visuels et cinéma nous parle tant aujourd’hui ?

À l’heure où tant d’expositions se contentent parfois d’accumuler objets ou images sans cohérence narrative, il est salutaire que le C3A propose une vraie médiation croisée entre deux univers artistiques apparemment éloignés mais fondamentalement liés par leur pouvoir évocateur.

  • Le cinéma espagnol des années 1950 a nourri toute une génération sur sa relation complexe au passé national — censure comprise !
  • Les arts visuels actuels puisent souvent leur force dans ces images collectives pour mieux les déconstruire ou leur donner sens aujourd’hui.

Cette programmation questionne frontalement ce qu’il reste vivant dans notre patrimoine immatériel : copla populaire ? Figure fantomatique ? Souvenir transmis oralement ? J’y vois une invitation à réinventer nos propres récits communs face aux défis culturels contemporains (plus sur l’importance actuelle des dialogues interdisciplinaires).

Conseils pratiques pour vivre pleinement cette expérience au C3A

  • Privilégiez la visite guidée avant toute projection pour saisir toutes les subtilités historiques/culturelles (aucune inscription requise !)
  • N’hésitez pas à prendre part aux lectures collectives même si vous n’êtes pas expert·e en poésie – il suffit parfois d’écouter…
  • Après votre passage au C3A, poussez jusqu’au Musée Julio Romero de Torres pour prolonger votre immersion dans l’art andalou !
  • Gardez en tête que ces activités sont gratuites : profitez-en pour y retourner avec amis ou famille.

Le coin des questions

Comment se déroule concrètement cet événement spécial au C3A ?

Après une visite commentée immersive dans l’exposition d’Ana Segovia (1h avant), place à une lecture partagée puis à la projection du film classique en version originale. Ambiance conviviale garantie !

Faut-il réserver sa place ou acheter un billet ?

Non ! Toutes les activités sont libres d’accès sans inscription ni frais – arrivez un peu en avance pour profiter sereinement de chaque étape.

Quel lien unit vraiment ‘Pena, penita, pena’ aux œuvres exposées ?

Le film inspire toute une réflexion sur représentation féminine/folklore andalou ; Ana Segovia s’en empare pour revisiter symboles et stéréotypes sous un prisme contemporain engagé.

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