Ne Zha 2 : quand l’animation chinoise conquiert la planète, secrets et enjeux d’un phénomène mondial

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Et si le succès planétaire de Ne Zha 2 cachait plus qu’un simple exploit de box-office ? Plongez au cœur d’une révolution culturelle venue de Chine.

Un raz-de-marée inattendu : l’irrésistible ascension de Ne Zha 2

En tant que passionnée d’histoires qui relient les cultures, j’ai suivi avec un mélange d’étonnement et de fascination l’explosion du phénomène Ne Zha 2 sur la scène internationale. Imaginez : pour la première fois, une production chinoise s’impose dans le top 5 des films les plus rentables de tous les temps, aux côtés des mastodontes américains comme Avatar ou Titanic. Mais au-delà des chiffres vertigineux (plus de deux milliards de dollars en six mois), c’est la résonance mondiale d’un conte inspiré par la mythologie chinoise qui intrigue… et soulève bien des questions.

Car ce n’est pas tous les jours qu’un film d’animation « venu d’ailleurs » parvient à séduire aussi bien en Chine qu’en Occident. Que cache ce succès hors norme ? Simple prouesse technique ou vraie révolution culturelle ?

Le contexte historique : renaissance d’une mythologie longtemps censurée

Ce que beaucoup ignorent ici à Cordoue – où l’on cultive pourtant notre propre amour des légendes et du patrimoine –, c’est que Ne Zha n’est pas qu’un héros fantasque destiné aux enfants. Il s’agit d’un dieu protecteur issu du taoïsme, ressurgi après des décennies d’effacement culturel pendant la Révolution culturelle chinoise. La première version animée date seulement de 1979, trois ans après la fin de cette période troublée.

Cette récupération contemporaine des grandes figures mythologiques répond chez la jeunesse chinoise à un double besoin : renouer avec ses racines tout en s’appropriant une modernité éclatante. Comme je l’ai constaté lors de discussions avec mes amis sinophiles – certains ayant même grandi dans cette époque charnière –, il y a une véritable soif de retrouver ces récits fondateurs à travers le prisme spectaculaire du cinéma moderne.

Yu Yang : le talent derrière le triomphe (et ses paradoxes)

L’histoire personnelle du réalisateur Yu Yang est elle-même un symbole. Entré tardivement dans le monde du long-métrage à 39 ans après un parcours semé d’embûches, il fait figure d’outsider tenace. Son premier Ne Zha, en 2019, avait déjà pulvérisé les records chinois ; mais c’est ce second opus qui explose vraiment les frontières.

À Cordoue comme ailleurs, on ne mesure pas toujours l’exploit humain que représente une telle production : six années de travail acharné mobilisant près de 4 000 personnes sur plusieurs continents. Ce marathon collaboratif témoigne autant de l’ambition artistique que du raffinement industriel du cinéma chinois actuel — un savoir-faire souvent sous-estimé en Europe.

Yu Yang n’est pas pour autant un simple faiseur de blockbusters : il insuffle à son œuvre une dimension émotionnelle palpable et refuse le manichéisme facile. Ses personnages, issus du roman classique "La Investiture des dieux", traversent épreuves et dilemmes moraux loin des schémas simplistes auxquels nous sommes habitués dans l’animation occidentale.

Entre tradition visuelle et prouesse technologique : une esthétique déroutante pour l’Occident ?

Regarder Ne Zha 2, c’est être propulsé dans un univers visuel foisonnant où cohabitent créatures mignonnes façon anime et monstres terrifiants dignes des fresques classiques chinoises. J’avoue avoir été désarçonnée lors de mon premier visionnage : comment concilier cet humour parfois enfantin — voire potache — avec la majesté tragique des paysages fantastiques ?

Cette dualité est précisément ce qui fait toute la richesse du film aux yeux des jeunes spectateurs chinois. Pour beaucoup d’occidentaux habitués à la "patte Pixar" ou aux scénarios calibrés Marvel, ces ruptures tonales peuvent surprendre — mais elles témoignent surtout d’une fidélité envers les codes culturels locaux et leur mélange audacieux avec les technologies dernier cri (effets spéciaux bluffants jusque dans le final apocalyptique).

L’impact mondial : vers une nouvelle géopolitique du cinéma ?

En franchissant le cap symbolique du milliard puis deux milliards en recettes mondiales en moins d’un an (source : Variety), Ne Zha 2 marque sans doute un tournant majeur pour le soft power chinois. Pour la première fois depuis Hollywood, une industrie cinématographique non occidentale impose sa propre mythologie sur tous les écrans du globe.

Ce mouvement ne doit rien au hasard : il s’inscrit dans une stratégie assumée par Pékin depuis plusieurs années pour exporter sa culture et diversifier son image internationale — stratégie qui commence à porter ses fruits auprès des nouvelles générations mondiales en quête de diversité narrative (Le Monde diplomatique).

Pour nous Européens friands de découvertes exotiques — moi la première ! — ce succès pose aussi question sur notre capacité à accueillir pleinement ces nouveaux récits sans céder au filtre ethnocentriste ou à l’incompréhension face aux spécificités culturelles orientales.

Ce que dit Ne Zha 2 sur notre époque (et pourquoi il faut absolument le voir)

Ce que j’ai retenu avant tout, c’est cette volonté farouche de conjuguer héritage ancestral et innovation technologique sans sacrifier ni l’émotion ni le sens profond des mythes. À Cordoue comme partout ailleurs, Ne Zha 2 invite chacun·e à se questionner : comment préserver nos traditions tout en embrassant un monde globalisé ? Peut-on encore rêver devant une histoire universelle… même lorsqu’elle vient « d’ailleurs » ?

Le film n’a rien d’une œuvre parfaite – son humour ne fera pas rire tout le monde et sa longueur pourra dérouter –, mais il offre un spectacle total dont chaque minute est habitée par une sincère passion créatrice. En sortant du cinéma, j’avais cette impression rare d’avoir voyagé loin… tout en ayant rencontré autre chose que « juste » un blockbuster parmi tant d’autres.

Quelques conseils pour mieux apprécier Ne Zha 2 :

  • Avant votre séance, renseignez-vous sur quelques figures-clés de la mythologie chinoise pour savourer toutes les références cachées.
  • Ne vous laissez pas déstabiliser par les changements de ton : laissez-vous porter par le rythme propre au conte asiatique !
  • Soyez attentif·ve aux détails graphiques – certains décors rappellent directement les estampes classiques ou même certains motifs mudéjars observés ici… preuve que toutes les cultures se répondent parfois subtilement !
  • Pour approfondir votre expérience cinématographique entre Orient et Occident, consultez également cet excellent dossier bilingue Sur l’animation chinoise contemporaine.

Questions fréquentes

Pourquoi Ne Zha est-il si populaire auprès des jeunes Chinois ?

Parce qu’il incarne autant le héros rebelle cherchant son identité que le gardien fidèle aux traditions familiales – deux préoccupations majeures chez la jeunesse actuelle.

Le film nécessite-t-il une connaissance préalable de la mythologie chinoise ?

Non ! Même si cela enrichit évidemment l’expérience, tout est fait pour rendre accessible cet univers complexe grâce à une narration claire et spectaculaire.

Y a-t-il eu polémique autour du film ?

Quelques critiques concernent son humour scatologique ou certaines libertés prises avec les textes anciens ; mais globalement il est salué comme une réussite artistique majeure.

Photo by Yolanda Suen on Unsplash

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