Monastère de Sijena : la vie cachée derrière ses portes, vue par « l’homme qui fait tout »

A middle-aged West African man, smiling warmly, stands at the arched entrance of the historic Monastery of Sijena in rural Spain, late afternoon light casting soft shadows; he wears work clothes and holds gardening gloves, exuding a welcoming presence. Photorealistic editorial style, authentic stone architecture and subtle greenery visible.

Envie de découvrir le Monastère de Sijena autrement ? Je vous dévoile les secrets, vécus et rencontres qui font battre ce lieu unique.

Un quotidien hors du commun au Monastère de Sijena

Quand on me demande ce que je fais au Monastère de Sijena, je souris toujours : il n’existe pas vraiment de titre pour résumer tout ce que j’y vis. Gardien, portier, jardinier, réparateur… Ici, chaque journée est une aventure nouvelle, façonnée par les saisons des Monegros et les visiteurs venus d’Espagne ou d’ailleurs.

Je suis arrivé en 2020 pour remplacer les religieuses parties depuis peu – un changement qui aurait pu signifier le silence et l’oubli pour ce joyau patrimonial. Mais le monastère ne dort jamais vraiment ! Depuis cinq ans maintenant, j’habite sous les voûtes séculaires du portail d’entrée ; je veille sur chaque clé, chaque olivier du jardin et chaque sourire échangé sur le seuil. Ce lieu respire une histoire qui dépasse mes propres racines.

« À Sijena, personne n’est étranger très longtemps : ici, tout le monde finit par se croiser. »

Ce que je ressens chaque matin devant ces pierres dorées ? Un mélange d’humilité — face à tant de siècles — et une fierté sincère d’apporter ma goutte d’huile à cette grande mécanique vivante.

De la Côte d’Ivoire aux Monegros : traverser des mondes

Je n’ai pas choisi l’exil ; il s’est imposé à moi comme à tant d’autres jeunes Ivoiriens. Traverser le Sahara puis la Méditerranée sur une embarcation fragile — voilà des images qu’on n’oublie jamais. Ce voyage m’a appris à reconnaître la vraie valeur des gestes quotidiens : partager un bout de pain dans le désert ou être accueilli par une ONG espagnole qui croit en votre avenir.

Après mon arrivée en Espagne en 2007, la solidarité m’a porté jusqu’à Lérida : nuits dans des banques désaffectées puis travail saisonnier dans les champs. J’y ai découvert l’immense chaîne humaine du secteur agricole espagnol — celle où l’on passe du ramassage des oranges à Valence aux vendanges à Logroño avant de rentrer "chez soi" (où qu’il soit alors !).

C’est en aidant lors d’un nettoyage bénévole dans une cathédrale que j’ai entendu parler pour la première fois du petit village de Sena près du monastère. Au fil des années et des rencontres — agriculteurs catalans devenus amis, voisins curieux ou visiteurs de passage — j’ai forgé ma place ici… sans jamais oublier la Côte d’Ivoire où je retourne chaque été.

Vivre seul entre histoire et renouveau : l’envers du décor muséal

Beaucoup imaginent que vivre dans un monument historique rime avec solitude ou routine monotone. Pourtant, c’est tout l’inverse ! Chaque jour réserve son lot de surprises : accueillir un groupe scolaire venu s’initier à l’art roman aragonais ; expliquer avec passion aux familles comment la salle capitulaire a survécu aux siècles ; débattre avec un ingénieur du patrimoine venu restaurer tel vitrail abîmé…

La réouverture récente de l’espace muséal (janvier 2024) a donné un souffle nouveau au site. Plus de visiteurs signifie plus d’énergie mais aussi plus de responsabilités : assurer la sécurité des œuvres exposées tout en entretenant le jardin où poussent rosiers anciens et herbes aromatiques.

S’occuper ici exige patience et curiosité — qualités héritées sans doute autant de ma foi renouvelée que de mes longues marches africaines.

"On ne s’ennuie jamais quand on est responsable non seulement des murs… mais aussi des liens humains qui se tissent autour !"

Pour ceux que ça intrigue, sachez qu’il existe mille petits détails invisibles aux touristes : réparer une canalisation au cœur même du cloître sans perturber le calme sacré ; négocier avec les autorités locales quand survient un souci technique ; improviser guide-conférencier si besoin…

La mémoire vivante du lieu : rencontres inattendues et transmission

Ma plus grande richesse reste toutes ces personnes croisées ici — membres du gouvernement aragonais venus inspecter les travaux ; artistes inspirés par le silence des chapelles ; descendants d’anciennes familles nobles venues retrouver leur mémoire familiale parmi les archives.

Chacun apporte sa pierre émotionnelle au grand édifice collectif qu’est Sijena aujourd’hui. J’aime particulièrement discuter migration avec les jeunes Espagnols curieux (et parfois perplexes !) face à mon parcours atypique ou raconter aux visiteurs comment le monastère s’ancre dans son territoire malgré la désertification rurale.

La transmission prend mille formes : raconter aux enfants pourquoi certaines mosaïques portent encore la marque des inondations passées ; partager avec les retraités locaux une tasse de café sous le cyprès vénérable ; rassurer ceux qui craignent que l’histoire ne s’efface faute de relève…

Pour aller plus loin sur l’importance sociale actuelle des petits villages aragonais face à la dépopulation rurale, je vous recommande cet article éclairant : Le retour silencieux vers les campagnes espagnoles.

Réflexion sur l’exil et racines retrouvées – au-delà des frontières visibles

"Pourquoi partir ?" me demandent souvent ceux qui n’ont jamais vécu l’exil forcé. Personne ne quitte sa terre par plaisir ; si on part c’est parce qu’on espère autre chose – pas forcément mieux matériellement mais plus digne humainement.
Ma mission ici va bien au-delà du simple entretien matériel : elle consiste à créer chaque jour un espace où chacun – visiteur local ou touriste étranger – puisse ressentir ce mélange subtil entre mémoire collective et hospitalité contemporaine.
Je rêve qu’à l’avenir davantage d’hommes comme moi trouvent leur place sans devoir braver mers ni déserts inutiles. Mais tant que cette utopie restera éloignée… je continuerai humblement à tisser mes racines ici entre Espagne et Afrique !
Pour celles et ceux curieux sur le patrimoine vivant : Découvrir les trésors cachés du patrimoine espagnol

Questions fréquentes

Est-ce possible de visiter toutes les parties du Monastère ?

Non, certaines zones demeurent privées ou réservées pour raisons historiques ou liturgiques. Mais la partie muséale offre déjà beaucoup à explorer !

Comment accéder facilement au Monastère depuis Huesca ou Zaragoza ?

Le mieux est d’utiliser une voiture personnelle ou un service partagé car peu de transports publics desservent directement Sijena. Pensez aussi au vélo si vous aimez pédaler dans les paysages arides !

Peut-on séjourner sur place ?

Il n’y a pas actuellement d’hébergement touristique au sein même du monastère mais plusieurs gîtes ruraux existent dans les environs immédiats (Sena notamment).

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