17 Une expo unique à Cordoue qui réinvente Lola Flores en jouant sur son absence. C'est bluffant et super stimulant pour l'esprit ! Foncez au C3A.Le C3A, ce cube moderne qui dialogue si bien avec le Guadalquivir ici à Cordoue, abrite souvent des pépites d’art contemporain. Mais cette fois, l’exposition qui y a pris ses quartiers jusqu’en janvier 2026 a quelque chose de franchement unique, quelque chose qui me touche particulièrement en tant que Française tombée amoureuse de l’âme andalouse : elle nous invite à voir une icône espagnole, Lola Flores, en… ne la montrant pas. Ana Segovia, une artiste mexicaine dont le nom commence à résonner bien au-delà de sa patrie (elle était à la Biennale de Venise en 2024, tout de même !), a créé pour Cordoue une série d’œuvres qui s’inspirent du cinéma de l’Âge d’Or espagnol et, surtout, de la figure mythique de La Faraona. Mais ne vous attendez pas à des portraits flamboyants. L’artiste choisit l’angle de l’absence, un choix audacieux qui force le spectateur à un jeu de regard fascinant. Pourquoi cette ‘absence’ captive-t-elle ? Le concept est simple en apparence : des personnages, souvent de dos, fixent un point vide dans le tableau, un espace où Lola Flores devrait être. Mais cette simplicité cache une profondeur incroyable. L’absence n’est pas un manque, mais un catalyseur. En ne montrant pas l’icône, Segovia nous oblige à faire appel à notre propre mémoire, à notre propre image de Lola Flores, nourrie par des films comme Pena, penita, pena (l’une des inspirations directes) ou les innombrables récits et légendes qui entourent La Faraona. C’est un art qui se passe autant sur la toile que dans l’esprit du spectateur. Nous devenons, comme le dit si bien la commissaire Jimena Blázquez Abascal, des "témoins externes, des intrus qui observent ceux qui observent". C’est une réflexion sur le désir, sur la construction du mythe, sur la façon dont l’absence peut paradoxalement rendre une présence encore plus puissante dans notre imagination. Dans une ville comme Cordoue, où chaque pierre respire l’histoire et les figures emblématiques (je pense aux patios fleuris, par exemple, dont chaque recoin raconte une histoire sans avoir besoin de mots), explorer l’idée que l’indicible, l’absent, peut être le plus éloquent est particulièrement résonnant. C’est une leçon que j’ai apprise en vivant ici : souvent, la magie est dans ce qui n’est pas immédiatement visible, dans les échos du passé. Le C3A : écrin parfait pour cette audace Installer une telle exposition au C3A n’est pas anodin. Ce centre de création contemporaine, avec ses lignes épurées et son ambiance résolument moderne, offre un contraste saisissant avec les monuments historiques de Cordoue. C’est un lieu tourné vers l’avenir, l’expérimentation, et il se prête merveilleusement bien à une œuvre qui déconstruit une figure du passé pour l’interroger à travers un prisme contemporain. Vous pourriez être interessé par Le flamenco fait son retour au cinéma Fuenseca dès septembre 20 août 2024 Pourquoi la musique de Piazzolla fait vibrer Cordoue 10 février 2025 Le C3A n’est pas juste un espace d’exposition ; c’est un lieu de dialogue entre les disciplines, comme en témoigne le cycle de cinéma qui accompagne l’exposition, projetant des classiques comme Carmen, la de Triana ou Bodas de sangre pour mettre l’œuvre de Segovia en perspective. Cette synergie entre la peinture, le cinéma et l’espace architectural crée une expérience immersive. C’est l’un des charmes de Cordoue : cette capacité à marier l’ancien et le nouveau, la tradition et l’avant-garde, souvent de manière inattendue. L’exposition de Segovia en est un parfait exemple. Si vous êtes curieux de découvrir d’autres facettes de la scène artistique locale, le C3A est un excellent point de départ. Vous pourriez même trouver intéressante cette discussion sur L’art contemporain à Cordoue : bien plus que l’histoire . Au-delà du tableau : l’expérience scénographique Ce qui rend cette exposition particulièrement marquante, ce n’est pas seulement ce qu’il y a sur les toiles, mais aussi la manière dont l’espace d’exposition lui-même est mis en scène. Inspirée par les plans et les décors du cinéma de l’Âge d’Or, Ana Segovia utilise des éléments scénographiques – rideaux, jeux de lumière, organisation de l’espace – pour fragmenter le regard et guider le spectateur à travers un parcours visuel. On a l’impression de se déplacer à travers des scènes de film inachevées, où l’élément central a été retiré, nous laissant, nous, spectateurs, le soin de combler le vide. Les couleurs utilisées par Segovia – des ocres chaleureux, des roses acides surprenants, des jaunes intenses – contribuent à cette atmosphère à la fois baroque et éthérée. Elles évoquent une certaine nostalgie cinématographique tout en étant résolument modernes. C’est une véritable expérience sensorielle et intellectuelle. On ne se contente pas de regarder des peintures ; on habite un espace qui nous invite à réfléchir sur l’acte de voir, sur ce que signifie la présence, et sur la force persistante des mythes, même en leur absence physique. L’écho du cinéma et le mythe de Lola L’inspiration cinématographique est palpable. Les formats des toiles varient, comme des plans serrés ou larges. Les compositions rappellent des cadres de film. C’est un hommage intelligent à une époque où des figures comme Lola Flores incarnaient l’âme de l’Espagne à l’écran. Lola Flores, bien plus qu’une simple artiste, était un phénomène culturel, une force de la nature qui a défié les conventions. Son mythe est si puissant qu’il peut subsister, voire grandir, même lorsqu’elle n’est pas physiquement représentée. C’est la force des véritables icônes. Le cycle de cinéma parallèle est une excellente initiative pour enrichir la compréhension. Voir ou revoir Pena, penita, pena après avoir visité l’exposition offre une perspective fascinante sur la façon dont Segovia a distillé l’essence du film et de son étoile pour en extraire cette réflexion sur l’absence et le désir. C’est une invitation à plonger dans le contexte culturel qui a nourri l’artiste. Pour ceux qui souhaitent en savoir plus sur la vie incroyable de Lola Flores, une simple recherche sur des sites fiables comme Wikipedia en français offre une bonne base pour appréhender l’ampleur de son impact. Ana Segovia : un regard neuf depuis le Mexique Le fait qu’une artiste mexicaine s’approprie une figure aussi emblématique de la culture espagnole que Lola Flores est en soi très intéressant. Le Mexique et l’Espagne partagent une histoire et une culture complexes, faites de liens et de distances. Le regard extérieur, et pourtant cousin, de Segovia apporte une fraîcheur et une capacité à identifier des aspects qui pourraient échapper à un artiste espagnol. Elle ne se contente pas de reproduire ; elle interroge, elle analyse, elle propose une nouvelle lecture d’un mythe bien établi. Son parcours international, de Chicago à Venise, montre sa capacité à dialoguer avec les scènes artistiques mondiales, tout en puisant dans des références culturelles fortes. Sa présence à Cordoue, au C3A, confirme la volonté du centre de s’ouvrir à des perspectives internationales tout en restant ancré dans le contexte local. C’est cette dualité qui rend la scène artistique cordouane si dynamique, un mélange de tradition profonde et d’ouverture sur le monde. FAQ : Vos questions sur l’expo (et mes réponses) Est-ce qu’il faut être un expert de Lola Flores pour apprécier l’exposition ? Absolument pas ! Même si connaître un peu son univers enrichit l’expérience, l’exposition parle avant tout d’art, de perception, d’absence et de désir, des thèmes universels. Le jeu de regard et la scénographie sont fascinants en eux-mêmes. Le C3A est-il loin du centre historique ? Il est juste en face, de l’autre côté du fleuve. Une agréable promenade de 10-15 minutes depuis le Puente Romano ou la Mosquée-Cathédrale. C’est l’occasion de voir Cordoue sous un autre angle ! Est-ce une exposition pour toute la famille ? L’exposition est plus conceptuelle, elle s’adresse peut-être davantage aux adolescents et adultes intéressés par l’art contemporain et le cinéma. Les très jeunes enfants pourraient s’ennuyer, même si les couleurs et les grands formats sont visuellement frappants. Combien de temps faut-il prévoir pour la visite ? Prévoir 45 minutes à une heure pour vraiment prendre le temps d’observer les œuvres et de s’imprégner de l’atmosphère. Si vous participez au cycle de cinéma, prévoyez évidemment plus long ! Cette exposition Ana Segovia au C3A est bien plus qu’une simple série de tableaux. C’est une invitation à regarder autrement, à réfléchir à la force de l’absence et à la manière dont les mythes continuent de vivre, transformés, dans notre imaginaire collectif. C’est une expérience subtile et puissante, typique de ces découvertes inattendues que l’on fait à Cordoue quand on sort des sentiers battus. Ne la manquez pas, elle est visible jusqu’au 6 janvier 2026. Un vrai coup de cœur, je vous dis ! Media: Cordópolis – Exposición: ‘Me duelen los ojos de mirar sin verte’ Rafael Carmona Exposition 0 FacebookTwitterPinterestThreadsBlueskyEmail María Fernanda González María est notre journaliste voyage basée à Cordoue. En tant que Cordouane et exploratrice du monde, elle possède un talent particulier pour connecter les voyageurs francophones à l'essence de sa ville. Sur Escapade à Cordoue, María partage ses découvertes, ses conseils d'experte locale et ses récits qui donnent vie au patrimoine et à la culture vibrante de Cordoue et de l'Andalousie. Elle explore aussi bien les ruelles historiques de la Judería que les métropoles lointaines, toujours en quête d'histoires qui relient les gens et les lieux. Ses contributions sont une invitation à voir Cordoue à travers les yeux d'une passionnée, offrant des clés pour un voyage enrichissant en Andalousie. entrée prédédente Mon avis : Caprile & Silbon habillent l’Invitée à Cordoue entrée suivante Ma pépite : la Feria du Livre de Baena A lire aussi Orchestre de Cordoue : tu le savais ?... 5 septembre 2025 Cordoue, où l’amitié ressemble à un crush: voilà... 5 septembre 2025 Filmoteca de Andalucía à Cordoue : tu le... 4 septembre 2025 À Cordoue, Romero de Torres vs Warhol: tu... 4 septembre 2025 Sorolla revient avec une plage oubliée: ce que... 3 septembre 2025 Córdoba, résidence bretonne: mon carnet d’initié pour une... 3 septembre 2025 Arcana à Córdoba: la Mezquita chuchote une élégance... 2 septembre 2025 Córdoba et le violon flamenco: le retour fiévreux... 1 septembre 2025 Pozoblanco, deux générations en une nuit: Alvama Ice... 1 septembre 2025 À Córdoba, mon détour par le hangar “Eiffel”... 1 septembre 2025