dimanche 15 septembre 2024
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Louange au « bon-vivant » de Julio Romero de Torres

par María Fernanda González

La conversion de l’art pictural à la musique : La mirada de Romero de Torres de José Antonio Rodríguez

En 2018, le célèbre guitariste et compositeur José Antonio Rodríguez avait surpris son public en traduisant les codes picturaux en une partition musicale, avec l’album "El Guitarrista azul" inspiré de l’oeuvre de Pablo Picasso. Ce disque intimiste était le fruit d’un contraste évident, celui d’un peintre débordant d’idées et de styles et d’un musicien mettant en évidence l’étape plus bilactée et chaleureuse de l’artiste espagnol. Un véritable succès pour José Antonio Rodríguez. Fort de cette expérience en collaboration avec le directeur d’orchestre Michael Thomas, il était logique qu’il réitère cette approche dans son nouveau projet en cours depuis plus de deux ans, qui se présente également comme un hommage pictural et musical.

La mirada de Romero de Torres, c’est la face B d’El guitarrista azul. Pour traduire en musique ses idées sur un peintre aussi intimiste que Julio Romero de Torres, José Antonio Rodríguez a cette fois-ci opté pour un registre plus vibrant, ampoulé et ambitieux. Là où beaucoup s’attendaient à une suite minimaliste, le musicien a offert sa version la plus exubérante. Une démarche qui peut être interprétée comme un clin d’œil à l’artiste lui-même, qui a toujours choisi de se démarquer du monde de la peinture de son époque, souvent emporté par les courants avant-gardistes, tandis que de son côté, il se tournait vers le passé pour créer son propre espace.

José Antonio Rodríguez a ainsi décidé d’éviter les clichés et de bousculer les attentes. Un défi de taille étant donné le nombre d’œuvres musicales déjà inspirées par Romero de Torres, bien que peu d’entre elles sortent des sentiers battus. En décidant de surprendre son public, Rodríguez a réussi son pari en proposant un spectacle chargé d’arrangements orchestraux et cinématographiques.

Ce concert était d’autant plus spécial qu’il était né de l’initiative du guitariste lui-même en collaboration avec Juan Carlos Limia, l’ancien directeur de l’Institut Municipal de Artes Escénicas (IMAE) avant son décès alors que le projet n’en était qu’à ses balbutiements. Le but était clair : cette œuvre devait être présentée en 2024 pour célébrer le 150e anniversaire de la naissance de l’artiste andalou, cette même figure qui est également à l’affiche du Festival de la Guitarra de cette année – un événement qui pourrait d’ailleurs encourager davantage ce genre de projets à l’avenir.

Pour ce faire, José Antonio Rodríguez est à la fois le compositeur original, Enric Palomar ayant quant à lui pris en charge l’orchestration, tandis que Michael Thomas a été en charge de la direction d’orchestre, comme à son habitude. Cependant, le scénario a parfois manqué d’équilibre et il a été difficile de trouver une cohérence entre les parties orchestrales et les numéros de guitare. Il semblait parfois y avoir plus de monologues que de dialogues autour de Romero de Torres. En ce qui concerne la guitare, il était plus facile d’y associer le peintre, alors que pour les parties orchestrales, les références cinématographiques de John Williams, Bernard Herrmann ou encore Lalo Schiffrin, tous étrangers, évoquaient davantage la vie du peintre, fasciné par les plaisirs de la vie, plutôt que son œuvre empreinte d’une certaine obscurité et d’un goût pour la terre andalouse qui aurait peut-être demandé un son plus proche de celui de Morricone.

De plus, le son a malheureusement fait défaut à deux reprises, avec des micros qui ont occasionnellement couvert les interventions de Javier Ruibal – à peine audible – ainsi que la farruca de José Antonio Rodríguez, dans la dernière partie du spectacle. En revanche, José Valencia a eu plus de chance lorsqu’il a chanté "La Toná del cante jondo" depuis l’un des balcons de la salle, avec une clarté sonore qui a manqué à Randy López dans son interprétation, son chant andalous aux sonorités rock se perdant parfois dans les arrangements de la big band. L’artiste invitée, Lucía Ruibal, a quant à elle offert un grand moment avec sa danse, culminant avec une imitation de la protagoniste du tableau "Alegrías", sous les applaudissements de Michael Thomas.

Cependant, l’émotion était réellement au rendez-vous lorsqu’orchestre et guitariste étaient en parfaite harmonie. "La ribera" et "La mirada de Julio Romero de Torres" font partie des pièces les plus lumineuses de la longue carrière de José Antonio Rodríguez. Des morceaux où l’on peut retracer l’influence de son maître Manolo Sanlúcar, mais aussi son propre parcours, marqué par son expérience aux États-Unis où il a régulièrement côtoyé des musiciens de jazz et puisé une nouvelle énergie pour aborder ce projet ambitieux qu’est La mirada de Romero de Torres, une création absolue qui a finalement fait lever le public du Gran Teatro dans l’une des plus longues ovations qu’ait pu connaître ce journaliste en tant que chroniqueur du Festival de la Guitarra.

Cependant, la différence entre un peintre et un musicien est que le premier n’a pas besoin de repeindre son œuvre en live une fois qu’elle est terminée. José Antonio Rodríguez, quant à lui, a encore la plus belle chose à faire : jouer à nouveau cette composition, la parfaire en gommant les défauts, en ajoutant de nouvelles qualités, la reconstruire chaque soir qu’il monte sur scène. Avec un peu de chance, cette œuvre sera gravée sur un disque, tout comme El guitarrista azul. Et c’est à ce moment-là que l’on pourra apprécier pleinement l’ambition derrière cette "mirada" portée sur une autre "mirada" : La mirada de Romero de Torres.

source : Cordópolis – Elogio ‘bon vivant’ de Julio Romero de Torres

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