13 Découvre comment les livres et jardins tissent nos souvenirs : mon regard de Cordouane sur le dernier Menchu Gutiérrez, entre poésie, absence et renaissance.Un jardin de papier au cœur de la mémoire cordouane En tant que journaliste voyageuse originaire de Cordoue, j’ai toujours cru que nos plus beaux voyages commencent souvent dans les plis d’un livre ou l’ombre parfumée d’un patio fleuri. La lecture du bouleversant "Vida y muerte de un jardín de papel" de Menchu Gutiérrez m’a rappelé combien la littérature peut réinventer notre rapport à la perte, à l’art et à la ville. Car oui, à Cordoue comme dans les pages de ce livre, chaque recoin — qu’il soit réel ou rêvé — abrite des fragments d’un passé qui palpite encore. Ce roman n’est pas un récit classique du deuil. C’est une errance méditative entre souvenirs d’enfance, nature apprivoisée et l’absence vibrante d’une mère aimée. Mais surtout, c’est un hommage au lien mystérieux entre les jardins intimes (ceux en papier découpé par l’enfant) et ceux plus vastes – nos propres labyrinthes affectifs. « Le livre est un huerto fait de mots… » À Cordoue aussi, nos patios blancs couverts de fleurs ne sont jamais seulement des lieux : ils deviennent autant des refuges pour la mémoire que pour le corps. Entre patios cordouans et soliloques littéraires : pourquoi ce livre résonne ici Ce qui distingue l’approche de Menchu Gutiérrez — et qui fait écho à ma propre expérience dans la vieille ville — c’est sa manière organique d’embrasser simultanément le dedans et le dehors. L’auteur évite les sentiers battus du sentimentalisme facile : elle juxtapose la rugosité des souvenirs aux délicatesses florales sans jamais tomber dans l’artifice. À Cordoue en 2025, alors que le tourisme semble tout avaler sur son passage, cette retenue me touche particulièrement. On retrouve chez Gutiérrez ce goût andalou pour les silences entre deux pierres chauffées au soleil ; ces pauses où le monde respire avant que tout ne recommence ailleurs sous une autre forme. Ce processus — elle l’appelle « l’infinie chaîne des métamorphoses » — me rappelle les cycles éternels du Guadalquivir lui-même : ce fleuve qui relie hier à aujourd’hui en traversant patiemment la Judería ou Campo Santo. 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Loin d’être insignifiants, ces gestes minuscules deviennent des rituels qui traversent le temps. Au fond, chaque lecteur pourra reconnaître ici ses propres racines. À Cordoue comme ailleurs, on sait bien que « tout commence et finit », mais il existe mille façons d’apprivoiser la finitude par la beauté fragile — qu’elle soit florale ou littéraire. Écriture associative et humus culturel : s’ancrer par la variation Impossible de lire ce texte sans remarquer son rythme singulier : courts chapitres en spirale plutôt que progression linéaire. Cela m’évoque les promenades impromptues dans San Basilio lorsque je cherche l’inspiration au détour d’une porte entrouverte. Chez Gutiérrez comme dans ma ville natale, chaque détour ouvre une perspective inattendue sur soi-même ou sur autrui. Sa prose lyrique mais rigoureuse convoque artistes et écrivains disparus non par simple ornement culturel (« loin du culturalisme décoratif » !) mais pour enrichir une conversation intime avec le passé. Cela rejoint mon approche quand j’invite voyageurs francophones à explorer Cordoue autrement qu’à travers un guide impersonnel : il s’agit moins d’accumuler des sites que d’écouter les voix silencieuses sous les pavés. Pour aller plus loin sur cette dimension mémorielle et créative dans le voyage urbain contemporain, je recommande vivement cet entretien passionnant avec Menchu Gutiérrez. Le livre comme refuge vivant : miroir sensible pour lecteurs voyageurs Il y a dans "Vida y muerte de un jardín de papel" quelque chose qui dépasse le simple témoignage autobiographique : une volonté farouche d’offrir au lecteur un espace où apprivoiser ses propres absences. Gutiérrez écrit : « Depuis sa mort toujours c’est hier ». Cette formule m’accompagne désormais lors de mes déambulations matinales près du Palais de Viana ou en relisant mes carnets devant une coupe débordante de roses odorantes. Chaque fleur devient alors double : souvenir d’une main disparue ET promesse discrète pour demain. Dans cette optique, lire ce livre ici – entouré.e.s par l’héritage millénaire andalou – invite à faire pousser nos propres jardins intérieurs sur les ruines fécondes du passé. Pour approfondir la place essentielle des fleurs dans notre culture locale (et leur symbolique parfois oubliée), je conseille le site officiel du Festival des Patios. Conseils pratiques pour cultiver son propre « jardin mémoriel » Emportez toujours un carnet lors de vos balades ; notez impressions fugaces ou senteurs particulières rencontrées en chemin (jasmin nocturne rue Cairuán…) Visitez hors saison touristique pour mieux ressentir silence et lenteur — deux conditions idéales pour faire éclore vos souvenirs personnels. Osez vous laisser surprendre par un détail minuscule : fissure ancienne sur une mosaïque ou parfum inattendu au détour d’une ruelle oubliée… Partagez vos anecdotes autour d’une table familiale ou avec des amis voyageurs : chaque histoire ravive le terreau commun qui nous unit tous ici. Enfin… offrez-vous parfois la liberté totale du détour improvisé — c’est souvent là que renaissent nos plus beaux jardins secrets ! Questions fréquentes Peut-on apprécier ce livre sans être passionné(e) par les jardins ? Bien sûr ! Même si les motifs floraux abondent, c’est avant tout une réflexion universelle sur la mémoire et l’absence qui touchera tous les lecteurs sensibles aux récits intimes. En quoi ce roman peut-il inspirer notre façon d’explorer Cordoue ? Il nous invite à ralentir, observer finement chaque détail (fleur fanée ou ombre murale), comprendre qu’un lieu se découvre aussi par ses silences – pas seulement ses monuments célèbres ! Y a-t-il des liens directs avec le patrimoine andalou ? Absolument : patios fleuris, traditions familiales autour du végétal, importance symbolique accordée aux cycles naturels… Autant d’éléments profondément ancrés dans notre identité locale. Photo by Christian GAFENESCH on Unsplash LittératurePoésie 0 FacebookTwitterPinterestThreadsBlueskyEmail María Fernanda González María est notre journaliste voyage basée à Cordoue. En tant que Cordouane et exploratrice du monde, elle possède un talent particulier pour connecter les voyageurs francophones à l'essence de sa ville. Sur Escapade à Cordoue, María partage ses découvertes, ses conseils d'experte locale et ses récits qui donnent vie au patrimoine et à la culture vibrante de Cordoue et de l'Andalousie. Elle explore aussi bien les ruelles historiques de la Judería que les métropoles lointaines, toujours en quête d'histoires qui relient les gens et les lieux. Ses contributions sont une invitation à voir Cordoue à travers les yeux d'une passionnée, offrant des clés pour un voyage enrichissant en Andalousie. entrée prédédente Quand Camela électrise Córdoba : musique, mémoire et technorumba sous le soleil andalou entrée suivante Musique contemporaine à Séville : et si on laissait respirer l’œuvre ? 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