18 Découvrez Antón de Montoro, le Ropero de Córdoba. Ce poète converso riait de tout pour résister. Une figure fascinante de l'histoire locale !Ah, Cordoue ! Ma Cordoue aux mille visages. En flânant dans la Judería, entre les murs blanchis à la chaux et les grilles fleuries, on est souvent happé par la beauté, par le silence aussi, parfois. Mais cette ville porte en elle tant d’histoires, certaines moins douces que le parfum des orangers. L’une d’elles, qui me touche particulièrement, est celle d’Antón de Montoro, surnommé le Ropero de Córdoba. Un nom qui ne figure pas toujours en tête des manuels, et pourtant ! Ce poète du XVe siècle, cordouan jusqu’au bout des ongles, a su, par ses vers, se moquer du monde qui l’excluait et affronter l’indicible avec un rire amer. Il incarne une forme de résistance absolument fascinante, née ici même, dans les ruelles que j’arpente. Un Destin Tissé aux Marges Qui était ce Ropero ? Littéralement, le « marchand de vieux vêtements », un métier humble, très loin des salons où l’on écrivait à l’époque. Antón de Montoro était sastre (tailleur), bufón (bouffon), et surtout, converso. Né juif, converti au christianisme dans un contexte social et religieux d’une complexité folle. Au XVe siècle, la société espagnole, et cordouane en particulier, était obsédée par la « limpieza de sangre », la pureté du sang. Être converso, même sincèrement, c’était porter une tache, une suspicion constante. Imaginez la pression ! Beaucoup cherchaient à effacer toute trace de leur origine. Mais pas Montoro. Lui, il a fait le contraire. Il a brandi son identité de converso et son humble métier comme un étendard. C’est là que réside, pour moi, une partie de son génie et de son immense courage. Vivre et écrire depuis les marges, c’est voir le centre avec une clarté désarmante. Le Rire, une Arme Affûtée Le Ropero a choisi le rire et l’ironie comme armes principales. Ses poèmes sont des joutes verbales féroces, des satires mordantes où il se moque d’abord de lui-même, de son métier, de son statut de converso. Cette auto-dérision, typique du bouffon, lui donnait une liberté de parole incroyable. Protégé par son masque de comique, il pouvait dire des vérités que les puissants n’auraient jamais tolérées venant d’un autre. Il s’est même livré à des « combats de coqs » poétiques avec d’autres auteurs, y compris d’autres conversos qui le critiquaient pour ne pas cacher ses origines. Il les appelait des « remendones » (rapiéceurs) poétiques ! Sa réponse ? Rabaisser leur prétention nobiliaire ou littéraire. C’est cette audace, ce refus de se conformer même au sein de sa propre communauté stigmatisée, qui rend Montoro si unique. On sent dans ses vers l’écho des rires et des piques qui devaient fuser dans les rues animées de la Cordoue d’alors. Face à l’Horreur, les Mots Mais l’œuvre de Montoro n’est pas que rire et moquerie légère. Dans des poèmes plus tardifs, le ton se fait grave, sombre, presque prophétique. Il dénonce avec une lucidité effrayante les massacres de conversos qui ont eu lieu à Cordoue et Carmona, notamment entre 1473 et 1474. Il ne s’y trompe pas : au-delà du fanatisme religieux, il y a la jalousie économique, la volonté des élites établies d’éliminer une concurrence. Dans son poème « De palabra verdadera » adressé à Alfonso de Aguilar, il dit clairement que la codicia, l’avidité, était le vrai moteur. Il exprime une amère ironie : peut-être que les conversos s’en seraient mieux sortis s’ils ne s’étaient jamais convertis. C’est un cri de douleur, mais aussi une analyse politique d’une grande acuité. Il ne réclame pas vengeance, mais justice. Dans un autre texte adressé à Isabelle la Catholique, il clame sa foi chrétienne sincère, rappelle ses actes de piété, et pourtant, confesse qu’il n’a jamais pu effacer cette « trace de confeso ». L’identité, même niée, reste un stigmate dans le regard des autres. Et c’est là, le cœur de sa tragédie personnelle et collective. L’Écho du Ropero Aujourd’hui La phrase qui, je crois, résume le mieux Antón de Montoro, c’est son dernier souhait ironique à la reine : si on doit le brûler, que ce soit à Noël, car « c’est quand le feu a bon goût ». Horrible et sarcastique à la fois. C’est la quintessence de sa poésie : mêler le tragique absolu à une ironie qui sidère. Le Ropero de Córdoba ne s’est pas présenté en victime passive. Il a utilisé la parole pour résister, pour dénoncer, pour exister. Il a fait de son « stigmate » une force, une source d’inspiration poétique unique. Lire Montoro aujourd’hui, c’est comprendre les strates de cette ville. C’est saisir que derrière la carte postale, il y a une histoire complexe de coexistence, de conflit, et de résilience incroyable. Sa voix, bien que datant de plus de cinq siècles, résonne encore. Elle nous rappelle que l’identité est un combat, que le rire peut être subversif, et que la vérité, même amère, doit être dite. Vous pourriez être interessé par Séries biographiques et musique : l’histoire de Madonna bientôt sur Netflix 12 mai 2025 Instantané 2023 : Polarización, le mot clé de la FundéuRAE 27 décembre 2023 Questions Fréquentes sur le Ropero Qui était exactement Antón de Montoro ? C’était un poète espagnol du XVe siècle, né juif et converti au christianisme (converso), qui a vécu à Cordoue. Il était aussi tailleur et bouffon, connu pour sa poésie satirique et ironique qui abordait souvent son statut de converso et les injustices de son temps. Pourquoi est-il surnommé le « Ropero » de Córdoba ? « Ropero » signifie marchand de vieux vêtements ou fripier. C’était une référence à son métier de tailleur ou peut-être une manière ironique de se désigner lui-même, jouant sur son humble origine sociale comparée aux poètes plus établis de l’époque. Quelle est l’importance de son œuvre ? Son œuvre est importante car elle offre un témoignage unique et audacieux sur la vie et les défis des conversos au XVe siècle. Il est considéré comme l’un des premiers poètes judeo-conversos à utiliser son identité comme sujet et comme outil de résistance poétique, en dénonçant les préjugés et la violence de manière satirique et personnelle. Comment sa poésie a-t-elle pu critiquer le pouvoir à son époque ? Grâce à son statut de bouffon. Le rôle du bouffon, à la cour ou dans la société, permettait une certaine licence pour dire des vérités désagréables sous couvert d’humour ou de folie. Montoro a utilisé cette « immunité » de bouffon pour critiquer les puissants, les injustices sociales et la haine envers les conversos, même si cela ne le protégeait pas totalement. Peut-on encore lire ses poèmes aujourd’hui ? Oui, ses poèmes sont disponibles dans des anthologies de poésie espagnole du XVe siècle et des études spécialisées. Bien que son langage soit celui de son époque, sa voix reste incroyablement vivante et pertinente pour comprendre l’histoire sociale et culturelle de l’Espagne, et de Cordoue en particulier. Le Ropero de Córdoba, un nom à retenir, un poète à découvrir. Il fait partie de l’âme complexe et résiliente de cette ville que j’appelle chez moi. Sa capacité à trouver la force, et même une forme d’humour noir, face à l’adversité la plus brutale, est une leçon qui, cinq siècles plus tard, ne laisse personne indifférent ici, entre les murs de la vieille ville. Media: Cordópolis – Un cuadro del pueblo cordobés de Montoro. Testamento de Antón de Montoro. Sfarad.es Source: Cordópolis – El converso cordobés que se burló del poder y pidió ser quemado en Navidad: « Es cuando sabe bien el fuego” infirmier poète 0 FacebookTwitterPinterestThreadsBlueskyEmail María Fernanda González María est notre journaliste voyage basée à Cordoue. En tant que Cordouane et exploratrice du monde, elle possède un talent particulier pour connecter les voyageurs francophones à l'essence de sa ville. Sur Escapade à Cordoue, María partage ses découvertes, ses conseils d'experte locale et ses récits qui donnent vie au patrimoine et à la culture vibrante de Cordoue et de l'Andalousie. Elle explore aussi bien les ruelles historiques de la Judería que les métropoles lointaines, toujours en quête d'histoires qui relient les gens et les lieux. Ses contributions sont une invitation à voir Cordoue à travers les yeux d'une passionnée, offrant des clés pour un voyage enrichissant en Andalousie. entrée prédédente Expo travail à Cordoue : ce que j’ai découvert au Patio entrée suivante Cordoue : ce weekend avant mai, mes pépites locales ! 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