Le détail oublié qui change tout: Don Juan rejoué dans les patios de Viana, un opéra en mouvement à Córdoba

Chanteurs en costume jouant Don Juan au crépuscule dans un patio aux orangers, public intimiste.

TL;DR

  • 🎭 Don Juan se faufile de patio en patio, version opéra en mouvement
  • 🍊 Acoustique magique: pierre, eau et voix qui vibrent à la tombée du jour
  • 🕯️ Rituel de Toussaint à vivre une fois dans sa vie, promis

Tu crois connaître Don Juan ? Attends d’entendre sa voix rebondir sur la pierre des patios de Viana. Je te raconte de l’intérieur comment prose, chant et pas feutrés transforment ce palais en théâtre vivant — et pourquoi c’est un rituel de Toussaint à ne pas rater.

Est-ce que tu savais que Don Juan reprend chair, chaque Toussaint, au milieu des orangers de Córdoba ? Au Palais de Viana, on ne s’assoit pas face à une scène: on suit la légende, pas à pas, de patio en patio. J’y étais — carnet en main, comme guide et journaliste — et j’ai senti ce frisson très cordouan: la voix qui monte avec l’odeur d’orange amère, la pierre qui renvoie l’écho, la nuit qui tombe comme un rideau.

Cette année encore, Juan Carlos Villanueva a écrit, mis en scène et incarné El burlador en palacio, un spectacle qui marie prose, vers, récit et chant lyrique. On y croise Don Giovanni, Molière et le Tenorio de Zorrilla, sans patchwork gratuit: juste la sève du mythe, tressée avec finesse. Le Coro de Ópera Cajasur enveloppe les scènes, Trápala Teatro donne du corps aux passages parlés: l’ensemble avance comme une procession laïque, avec Belén Benítez en Doña Inés, le ténor Rafael Díaz en Don Giovanni, et Isabel López ou Inmaculada Almeda glissant d’un rôle à l’autre (Doña Ana, Zerlina, Doña Elvira). Si tu aimes l’art qui marche au même rythme que ton souffle, ici, tu vas te régaler.

Pourquoi Don Juan renaît dans les patios de Viana ?

C’est une question de lieu, d’époque et d’écoute. À Córdoba, la Toussaint n’est pas que chrysanthèmes et cierges: c’est un temps de mémoire, un miroir tendu aux fantômes familiers. Le mythe de Don Juan, né de l’Espagne baroque et nourri par l’Europe entière, revient « à la maison » lorsqu’il traverse les patios: cet espace intime où l’eau raconte, où la pierre garde les voix. Le Palais de Viana, avec ses douze patios, n’est pas un simple décor. C’est un personnage.

Le dispositif ambulant impose un rythme: on ne consomme pas la culture, on l’habite. Les spectateurs deviennent une petite confrérie nomade. Ici, pas d’illusion grandiloquente: le timbre nu d’un chanteur, un souffle de vent, le froissement d’une robe. Loin de la salle noire, la proximité fait surgir la nuance — l’ironie du « burlador », la ferveur de Doña Inés — et les éclats lyriques déposent des braises sur la mémoire. C’est pour cela que l’expérience dépasse la « soirée spectacle »: elle te suit, quand tu traverses plus tard un patio désert et que tu crois entendre un vers revenir.

Le son et la pierre: quand l’acoustique raconte

Viana n’est pas une boîte à échos, c’est un instrument. Les voix parlées accrochent les colonnes; les airs s’enroulent aux treilles; la rumeur de fontaine sert de pédale, comme un continuo naturel. À l’heure bleue, j’ai guidé des groupes qui avaient encore en tête la dernière scène: à peine entrés, ils chuchotaient. Les patios invitent à baisser le volume, et le spectacle en joue.

Cette scénographie sensible a une vertu: elle rend lisible la géographie du palais. Tu passes du patio des colonnes à celui plus secret, tu changes d’ombre et donc de tempo. La mise en scène cueille cette transition: un duo au plus large, un monologue dans l’étroit. Et puis il y a les parfums — jasmin, azahar selon la saison — qui colorent la mémoire comme une teinte sépia. Dans un théâtre traditionnel, le monde s’efface autour. Ici, il insiste. C’est peut‑être ça, la magie cordouane: l’art n’annule pas la ville, il la révèle. Dans la section suivante, je te donne les scènes qui m’ont clouée sur place.

Les 5 instants que tu ne dois pas manquer

  1. L’entrée au grand patio aux colonnes: la première note qui voyage et t’attrape par la main.
  2. Le duo séducteur inspiré de Don Giovanni: sourire en coin, promesse en demi‑teinte, frisson garanti.
  3. La lettre de Doña Inés (héritée de Zorrilla): l’innocence qui devient destin, portée par un silence de velours.
  4. La confrontation avec le Commandeur: la pierre semble se dresser, l’air se densifie — moment d’air raréfié.
  5. Le final nocturne, quasi processionnel: voix, pas et ombres se superposent, et tu sens la légende entrer dans ta nuit.

Conseils pratiques pour une immersion slow et réussie

  • Arrive 20 à 30 minutes avant: tu profiteras du palais qui se teinte d’or au crépuscule.
  • Chaussures confortables: on marche, on s’arrête, on repart — le bonheur est mobile.
  • Prends une couche légère: la pierre garde la fraîcheur quand la nuit tombe.
  • Garde le téléphone en poche: la pénombre, c’est la scénographie; l’œil nu capte mieux.
  • Après le spectacle, prolonge à la cordouane: verre de Montilla‑Moriles, salmorejo ou berenjenas con miel dans une taverne calme des alentours.

Les dates se concentrent traditionnellement autour de la Toussaint (cette édition a eu lieu du 23 au 26 octobre). Les places partent vite: jauge intimiste oblige. Mon conseil de guide: vise les sessions en semaine pour une respiration plus douce, et jette un œil aux canaux du palais et des compagnies impliquées pour les calendriers à jour.

Ce que cette mise en scène dit de Córdoba aujourd’hui

Córdoba a l’élégance de ne pas forcer la grandiloquence. Ici, on préfère l’orfèvrerie: la reprise d’un mythe européen dans l’écrin très local des patios. En mêlant opéra, théâtre et promenade, El burlador en palacio réactive un patrimoine vivant: il ne s’agit pas de figer Viana en musée, mais de le faire parler. J’entends souvent des aînés me raconter, lors de mes visites, comment ils ont découvert le Tenorio à l’école ou à la télé d’autrefois. Cette mise en scène crée un pont: elle parle aux mémoires et tend la main aux nouveaux publics.

C’est un signe fort: la culture ici se croise — Fondation Cajasur, Coro de Ópera Cajasur, Trápala Teatro — et propose une expérience haut de gamme sans perdre l’âme. Pour suivre l’actualité et revivre l’ambiance de cette édition, jette un œil au reportage local qui l’a couverte, très complet et sourcé, publié par Cordópolis: selon ce média, Don Juan et Doña Inés « reviennent » chaque année dans les patios du palais, avec un dispositif choral et itinérant (voir l’article « Don Juan y Doña Inés vuelven a los patios de Viana » sur Cordópolis).

Questions Fréquentes

Quand a lieu le spectacle « El burlador en palacio » au Palais de Viana ?

Il se tient traditionnellement autour de la Toussaint, sur quelques soirées rapprochées. Les dates exactes varient selon les années: consulte les canaux officiels du palais et des compagnies participantes.

Combien de temps dure la représentation et est‑ce adapté aux enfants ?

Compte environ 75 à 90 minutes, avec déplacements entre patios. Les enfants calmes et curieux apprécient souvent l’aspect itinérant, mais la pénombre et certains passages dramatiques peuvent impressionner les plus jeunes.

Où acheter les billets et quoi porter ?

Les billets s’ouvrent en ligne et parfois au guichet du palais, jusqu’à épuisement. Porte des chaussures confortables et une couche légère: la pierre garde la fraîcheur après le coucher du soleil.

Faut‑il connaître Don Juan avant d’y aller ?

Pas du tout. La mise en scène tisse des fragments de Molière, Mozart et Zorrilla tout en gardant un fil clair. Si tu connais déjà l’un d’eux, tu savoureras les clins d’œil; sinon, laisse‑toi porter par les voix et l’espace.

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