dimanche 8 septembre 2024
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La vie est pleine de mystères, mais nous exigeons du art une explication rationnelle, selon Eloy Tizón

par María Fernanda González

Me da pena que mucha gente no lea ficción porque no entiende qué le aporta. No se la puede tasar con las herramientas mecánicas del lenguaje cotidiano.

Un guijarro solitaire dans un étang littéraire

En lisant le nouveau livre d’Eloy Tizón (Madrid, 1964), on découvre que pour lui, la littérature est "un guijarro solitaire arrojado a un estanque" (un caillou solitaire lancé dans un étang), un lancement qui crée "une série de convulsions perturbatrices", "des ondes concentriques de plus en plus vastes, plus lentes, plus sereines et murmurantes". Le lecteur entre dans l’œuvre de l’auteur de Velocidad de los jardines ou Técnicas de iluminación avec la certitude qu’il l’attend un impact, une secousse, une crampe. Déjà depuis sa singulière prémisse – les contes ont un fil conducteur, un personnage appelé Erizo, ou peut-être plusieurs personnages qui partagent ce nom – Tizón poursuit cette recherche courageuse et imprévisible qui le définit dans Plegaria para pirómanos, publié par Páginas de Espuma. – dans l’une des premières pages, la littérature est comparée à un "cachivache precioso pero de complicada ubicación" (un objet précieux mais de localisation compliquée). Pour Eloy Tizón, qu’est-ce que la littérature ? –Je la vois un peu comme ça, en fait. Je pense que la littérature est une expérience que beaucoup d’entre nous aimons profondément, nous ne pourrions pas concevoir notre vie sans elle, mais elle a du mal à s’intégrer dans notre réalité quotidienne, car il y a des obligations qui nous lient, nous devons gagner notre vie. Concilier ces besoins avec la passion pour l’écriture et la lecture, c’est comme garder dans sa maison une rame à laquelle nous ne savons pas donner une utilité… –Dans un autre récit, on lit que le monde "no está bien de los nervios" (ne va pas bien de ses nerfs). Et les personnages de ce livre sont désaxés, perplexes. Est-ce que la pandémie a affecté le processus créatif ? –J’écris depuis la perplexité, car je ne comprends pas le monde, je me sens désorienté, et je sais que je ne suis pas le seul. Mes personnages ont hérité de cette désorientation. Ils se posent des questions et n’ont pas de réponses, ils sont perdus. Cela se passe dans mon œuvre depuis un certain temps, mais il est vrai que les circonstances de la pandémie ont coloré le tout d’une texture un peu plus anxieuse. En relisant le livre, je me suis rendu compte qu’il y avait beaucoup de personnages coincés dans de petits espaces, qui attendent quelque chose, qui espèrent que la situation dans laquelle ils se trouvent prendra fin. Psychologiquement, c’est un endroit où nous avons été. Ce fut une époque de grande incertitude, et la littérature ne peut pas rester étrangère à cela, même si elle ne le reflète pas de manière littérale. Ici, l’inquiétude pour l’avenir s’est faufilée.

"La littérature n’est pas une application mobile qui vous indique comment aller quelque part. Au contraire : elle vous aide à vous perdre." –"Somos basura, de acuerdo, pero basura bellísima" (Nous sommes des ordures, d’accord, mais des ordures magnifiques). Est-ce que l’un de vos personnages souscrit à cette affirmation ? –Je suppose que oui. J’essaie de voir les choses avec lucidité, dans la mesure de mes possibilités. Et je me rends compte que, d’une part, il y a beaucoup de saletés, beaucoup d’ordures dans la vie, dans un sens littéral mais aussi métaphorique, et je sais qu’il y a aussi des éclairs de beauté que la vie elle-même nous offre. Nous naviguons entre cette dichotomie de moments durs, de moments terribles, et parfois un extase de beauté. Dans ce que j’écris, je veux être juste avec les deux, avec la rudesse de l’existence et avec la fête qu’est parfois la vie. –On souligne souvent dans votre œuvre l’élément poétique, la prose, mais pas l’humour, un trait marquant de ce livre. –On m’a dit que j’avais fait un livre très désolé, chose dont je n’étais pas tout à fait conscient, mais heureusement il y a des lecteurs qui soulignent le sens de l’humour, qui est pour moi indispensable dans la vie et que je voulais transmettre ici, car il donne de l’oxygène à l’obscurité et apporte un point de légèreté que j’apprécie. Je pense que je suis doué pour saisir ces situations absurdes dans lesquelles nous finissons tous pris et dont nous ne savons pas comment nous y sommes arrivés.

Couverte de ‘Plegaria para pirómanos’. / D.S. – "Dichosos los ojos" (Heureux les yeux), l’une des pièces, énumère tout ce que nous avons devant nos yeux, mais en fin de compte, ça revient à dire que peut-être nous ne voyons pas les choses telles qu’elles sont vraiment. –Oui, la voix narrative finit par parler de ce qu’elle observera le jour où elle commencera à voir vraiment. Le regard ne finit jamais, et il y aura toujours quelque chose d’étonnant, quelque chose qui brise nos schémas précédents. Transféré à la littérature, cela invite le lecteur à avoir une attitude sans préjugés, à se méfier du terrain qu’il foule. Pour moi, beaucoup de choses m’échappent dans mes récits, bien que je ne pense pas avoir écrit un livre hermétique, et j’ai appris à ne pas trop m’inquiéter de ce que je ne comprends pas, en tant qu’auteur, en tant que lecteur et en tant que spectateur. J’adore les films de David Lynch, par exemple. Dans ses films, il y a des images que vous ne déchiffrez pas, mais qui vous procurent un plaisir esthétique qui en vaut vraiment la peine. Je n’ai pas l’intention de me comparer à lui, car c’est un génie, mais je le prends comme exemple du fait que nous cherchons souvent à comprendre tout et dans cette quête de logique, nous fermons la porte à la merveille. C’est curieux, car la vie est pleine de mystères, et nous l’acceptons, mais dans l’art, nous nous mettons à l’aise alors que nous n’avons pas d’explication rationnelle. –Dans un autre récit, on dit qu’un auteur, à la différence d’un athlète, n’a personne à battre, il n’a pas vraiment d’objectif. –Il n’y a pas d’objectif au-delà des prix littéraires, qui sont une connotation sociale qui n’appartient pas strictement à la littérature. À quoi cela sert-il d’écrire ? La littérature opère à long terme, elle travaille sur les sensibilités individuelles, elle n’a pas une volonté pratique comme une application mobile qui nous dit comment aller quelque part dans la ville. Au rev

ers, toutefois : la littérature est une carte qui nous aide à nous perdre. Et c’est une bénédiction qu’il en soit ainsi, quelque chose qui sort du domaine de la productivite. Cela me rend triste que beaucoup de gens ne lisent pas de fiction parce qu’ils ne comprennent pas ce que cela leur apporte. On ne peut pas l’utiliser outils mécaniques du langage quotidien.

En couverture de ‘Plegaria para pirómanos’. /D.S.

Dans un autre récit, il est question d’un auteur, compar an athlete, ne veut pas à battre, et ne dispose pas vraiment d’un objectif. –Il n’y a pas de but au-delà des prix littéraires, qui est une notation sociale qui ne fait pas strictement partie de la littérature. Depuis son rôle d’écrivain, quel est l’utilité de l’écriture littérale ? La littérature n’est pas un mobile ne qui t’indique comment arriver à quelque part. Au contraire, elle te aide à trouver un lieu.

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