Velintonia, refuge secret de poètes: plongée dans la maison d’Aleixandre

The palace in monaco is viewed from outside.

Curieux de découvrir le cœur caché de la poésie espagnole ? Suivez-moi à Velintonia, là où Lorca dansait et Aleixandre écrivait allongé !

Velintonia : La maison aux deux âmes, mémoire vivante de la poésie espagnole

C’est au cœur d’un quartier tranquille de Madrid que s’élève Velintonia, ce manoir discret et fatigué qui fut le théâtre intime de la grande poésie du XXe siècle. À l’invitation d’une amie passionnée des lettres, j’ai eu l’immense privilège d’arpenter ses couloirs il y a quelques années – bien avant sa renaissance annoncée pour 2027. Au fil des pas résonnaient mille échos : ceux de Vicente Aleixandre écrivant en pyjama dans son lit, mais aussi ceux des rires étouffés et des valses improvisées de Lorca, Neruda ou Miguel Hernández.

Un lieu doublement marqué par l’Histoire

On parle souvent « des » Velintonias : la maison originale construite pour la famille Aleixandre en 1927 par Lorenzo Gallego Llausás, puis celle remodelée après-guerre par son fils Fernando. Cette transformation n’est pas qu’architecturale : elle épouse les drames et résurrections du pays. L’exode lors des bombardements civils puis le retour sobre du poète avec sa sœur Conchita en 1940 donnent à la demeure une aura singulière. Deux époques qui cohabitent dans chaque recoin.

L’anecdote veut que la maison fût si grande qu’on installa une entrée indépendante à l’étage – un clin d’œil à ces histoires humaines foisonnantes (comme celle du couple Alcázar/Junquera/Conde), dignes elles aussi d’un roman.

Dans l’intimité créative : écrire allongé et veiller tard

Ce qui frappe dès qu’on entre dans l’ancien dortoir d’Aleixandre — aujourd’hui vidé mais bientôt restauré — c’est l’atmosphère suspendue, presque palpable. Imaginez-le chaque soir vers onze heures : il s’allongeait dans son lit, munissait sa fameuse petite pochette de cuir remplie de feuilles volantes et sa plume (jamais un crayon comme Lorca !) et écrivait jusqu’à deux ou trois heures du matin. Ces scènes nocturnes sont loin du mythe poussiéreux : elles évoquent cette discipline douce-amère qui marque les plus grands créateurs.

Ce détail — écrire couché — m’a particulièrement touchée ; il résonne étrangement avec certains artistes cordouans contemporains qui préfèrent le confort douillet à la table stricte…

La bibliothèque : un salon devenu mythe littéraire

L’actuelle bibliothèque était autrefois la cuisine ! Entre les murs où subsistent encore les traces des carreaux anciens sous le parquet se déroulaient les conversations brûlantes sur la création. Là trône bientôt une chaise longue retrouvée ; là revivra une partie du mobilier authentique dispersé après le décès d’Aleixandre.

Un coin attire toujours mon regard : l’emplacement où pendait jadis un portrait de Góngora offert par Pedro Salinas — preuve vivante des liens profonds unissant ces géants littéraires à travers générations et affinités.

Le cœur battant des rencontres poétiques : souvenirs inédits

Rares sont les lieux dont on peut dire sincèrement qu’ils abritaient "tout l’air de la poésie espagnole". Dans ce salon disparu – devenu cuisine aujourd’hui – Federico García Lorca fascinait tout le monde par ses tours inattendus. Il chantait au piano familial (hérité de Madame Elvira Merlo) ou mimait une cupletista avec une serviette nouée autour de la taille ! Concha Méndez se souvenait même qu’il fallait parfois s’asseoir par terre tant il y avait d’invités.

C’est là aussi que Lorca présenta pour la première fois ses Sonetos del amor oscuro et même les premiers fragments du mythique Poeta en Nueva York. On imagine les discussions effervescentes jusqu’au bout de la nuit… Et ce pincement au cœur en pensant à leur dernière séparation : Lorca partit pour Grenade sans savoir que Miguel Hernández serait présent ce jour-là — ils ne se reverraient jamais.

Une tradition d’accueil et d’amitié littéraire rare aujourd’hui

Miguel Hernández trouva chez Aleixandre non seulement un exemplaire offert du recueil La destrucción o el amor mais aussi un abri solide lors des rafales destructrices de la guerre. Anecdotes poignantes et vibrantes qui révèlent combien Velintonia fut un refuge chaleureux face aux tempêtes politiques…

Un jardin pour lire – Le souffle végétal de Velintonia

Le jardin est resté longtemps discret derrière ses hauts murs ; aujourd’hui encore son vieux cèdre du Liban planté par Aleixandre lui-même continue d’étirer sa ramure protectrice au-dessus du toit décrépit. Je me souviens avoir ressenti ce calme rare lorsqu’on respire "l’air" même mentionné par Dalí (« l’air que contiennent Les Ménines ») — ici, c’est véritablement le parfum vivant de toute une génération poétique.

La restauration prévue devrait préserver cette dimension sensorielle unique. L’idée même de recréer son “paysage sonore” apaisant contraste fortement avec notre époque agitée.

Ce que nous réserve l’avenir ?

  • Au rez-de-chaussée : musée littéraire immersif conservant les pièces originales retrouvées,
  • À l’étage : espaces dédiés à des ateliers ou résidences artistiques,
  • Et surtout : volonté claire (portée autant par héritiers que passionnés) de faire vivre l’esprit accueillant et indiscipliné cher aux membres historiques de la Génération de 27.
  • Pour suivre ce projet patrimonial majeur, surveillez les annonces officielles sur le site Communauté de Madrid ou via l’Association des Amis de Vicente Aleixandre.

Pourquoi visiter Velintonia ? Mon point de vue personnel…

En tant que Cordouane habituée à valoriser les trésors cachés autant que les monuments officiels, je vous assure que parcourir ces salles est bien plus qu’une visite culturelle ordinaire : c’est saisir au vol une bribe du génie collectif européen qui changea à jamais notre rapport à la littérature moderne.
Vous découvrirez non seulement comment on écrivait « dans son lit », mais aussi comment naissaient amitiés profondes et créations flamboyantes autour d’une simple tasse partagée ou au rythme entêtant d’un vieux piano…
Et si jamais vous souhaitez aller plus loin dans votre exploration poétique madrilène, pourquoi ne pas poursuivre jusqu’à la Résidence des étudiants où plane encore le souvenir vibrant des rencontres Garcia Lorca–Dalí–Buñuel ?

Questions fréquentes

### Peut-on déjà visiter Velintonia ?
Non, actuellement Velintonia reste fermée au public pour cause de travaux importants ; sa réouverture comme « Casa de la Poesía » est prévue pour 2027.

### Quels objets authentiques pourra-t-on voir sur place ?
Une grande partie du mobilier original sera restaurée : chaise longue, bibliothèque historique ainsi que certains éléments personnels retrouvés grâce au Centre Culturel Génération du 27 à Malaga.

### Quelles activités sont envisagées dans cette future Casa de la Poesía ?
Des visites guidées immersives seront proposées ainsi que des ateliers littéraires destinés aux scolaires et amoureux de poésie ; il est même question d’y organiser lectures publiques et résidences artistiques !

Photo by Free Nomad on Unsplash

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