Doñana, trésor de la marisma : secrets, mythes et renaissance écologique

scenery of mountain canyon

Envie de découvrir l’âme insoupçonnée de la marisma à Doñana ? Plonge dans ses secrets, entre traditions locales et enjeux écologiques méconnus !

Marais de Doñana : aux sources d’un monde oublié

Lorsque j’évoque le mot "marisma" à Cordoue ou lors de mes rencontres avec des voyageurs venus du nord, je perçois souvent un mélange de curiosité et d’étonnement. Ce n’est pas qu’un paysage humide ; c’est un univers à part entière où se tissent depuis des millénaires les récits des hommes et de la nature. Doñana en est l’incarnation la plus éclatante : une mosaïque mouvante qui offre tour à tour l’abondance et la rigueur. Mais ce que peu de guides racontent, ce sont les histoires secrètes qui relient ces terres d’eau salée et douce à l’âme andalouse.

Les origines mythiques et humaines de la marisma

En me promenant aux abords du parc – surtout au petit matin quand le brouillard danse sur les lagunes – je sens encore résonner les mythes antiques. Jadis, ici vivaient les Tartessiens dont les savoirs hydrauliques fascinaient jusqu’aux Romains. On raconte que chaque printemps renaissait une fête païenne autour du cycle de l’eau – ancêtre possible de la célèbre romería du Rocío aujourd’hui. Les habitants, pêcheurs ou éleveurs selon les saisons, vivaient alors en étroite osmose avec ce territoire capricieux qui pouvait tout donner… ou tout reprendre :

« La marisma te lo da y la marisma te lo quita »

Cette expression populaire résume toute la philosophie locale face à l’imprévisible — parfois cruelle — générosité des marais.

Métamorphoses silencieuses : comment Doñana a changé

J’ai rencontré Juan, octogénaire natif d’Almonte. Il m’a confié : « Ici, on ne reconnaît plus rien… » En soixante ans, le visage de la marisma a radicalement changé. Jadis reliée intimement au Guadalquivir par un dédale d’estuaires (les fameux esteros), Doñana s’est vue fragmentée par l’expansion agricole – riz au nord, eucalyptus à l’ouest – stoppée juste à temps grâce à son classement en Parc national dès 1969.

Mais ce choix protecteur s’est accompagné d’une rupture humaine :

  • Disparition progressive des villages dans le parc.
  • Éloignement forcé des familles "de servidumbre volontaire", vivant autrefois pour et par ces terres.
  • Perte d’un savoir-faire local adapté au rythme si particulier du marais.

Ce vide n’a pas été sans conséquence. De nouvelles espèces végétales ont colonisé des espaces inédits ; certains animaux emblématiques sont devenus plus rares hors saison humide. Pourtant, malgré cette transformation rapide et visible – accentuée par la sécheresse extrême des dernières années (les relevés hydrologiques de 2022/2023 confirment une baisse record) –, le cœur sauvage du parc pulse toujours sous la surface… pour qui sait regarder.

Rencontres intimes avec ceux qui vivent la marisma

Impossible d’oublier ma première nuit dans une ancienne cabane restaurée près d’El Rocío : réveillée au chant rauque des grues cendrées (venues du nord), j’ai partagé le petit-déjeuner avec Lola, héritière malgré elle d’une longue tradition familiale. Elle m’explique pourquoi ses parents refusaient jadis de quitter leur maison sous prétexte qu’ici « on ne manque jamais ni poisson ni remède ».

L’histoire des señoritos et des ouvriers agricoles – souvent évoquée avec pudeur dans les villages environnants – me rappelle combien ces sociétés étaient soudées par nécessité autant que par coutume. La promiscuité engendrait entraide mais aussi dépendance ; un équilibre fragile que beaucoup regrettent désormais après coup.

« On ne soigne pas pareil ce dont on vit que ce qu’on vient admirer… »

Cette phrase résume un paradoxe actuel : protéger oui, mais comment sans mémoire vivante ?

Un écosystème unique au monde… et fragile comme jamais

Les biologistes s’accordent : aucun autre site en Europe n’offre une telle diversité entre eau douce et salée (le fameux gradient halin). En période de crue printanière — phénomène que j’ai pu observer lors d’un repérage photo en mars 2024 — la vie explose littéralement : oiseaux migrateurs par dizaines de milliers (flamants roses, spatules blanches…), poissons bondissant dans les canaux temporaires.
Mais dès l’été venu surgit l’autre versant du miracle : terre craquelée sous le soleil brûlant où seuls survivent les plus adaptés (tortues cistudes ibériques ou lynx pardelle).
Ce cycle fait toute l’identité biologique ET culturelle du lieu !
D’ailleurs, Manu Trillo insiste dans son documentaire "La Marisma" sur cette alternance fondamentale — source autant de drames humains que de prospérité agricole ancestrale.

Pour approfondir le sujet scientifique autour des solutions fondées sur la nature appliquées à Doñana, je vous conseille cet article détaillé publié par le CSIC.

Vers une nouvelle cohabitation homme-nature : espoir ou utopie ?

La question qui me hante lorsque j’accompagne mes lecteurs dans une balade guidée ici est simple : peut-on vraiment retrouver cet équilibre passé ? Depuis quelques années (notamment depuis 2020), une tendance nette émerge : celle du retour partiel aux usages traditionnels accompagnés par l’innovation écologique.
Quelques exemples inspirants :

  • Réintroduction contrôlée du pâturage extensif pour limiter certaines invasions végétales.
  • Restauration de circuits hydrauliques oubliés grâce à la mémoire collective retrouvée auprès des anciens habitants.
  • Développement agroécologique local visant moins le rendement maximal que la résilience face au climat changeant.
    Le tout soutenu par un regain associatif fort : voir notamment l’action conjointe WWF/España pour sauver les derniers habitats critiques.
    Bien sûr il reste mille défis – urbanisation rampante hors zone centrale protégée ; surexploitation aquifères souterrains pour les cultures intensives… Pourtant chaque rencontre sur place me prouve que persister vaut la peine car "Doñana n’est pas qu’un musée vivant", c’est un laboratoire d’avenir où s’expérimente déjà le monde post-crise écologique tant redouté ailleurs !

Questions fréquentes

### Peut-on visiter Doñana en dehors des sentiers battus ?
Oui ! Plusieurs guides locaux proposent désormais des itinéraires axés sur le patrimoine humain ou sur les traditions vivantes — bien loin du simple safari animalier classique. Pensez néanmoins à réserver longtemps à l’avance car les places sont limitées pour préserver l’équilibre fragile du parc.

### Quelle est la meilleure saison pour observer oiseaux migrateurs et biodiversité locale ?
Le printemps (mars-mai) reste LA période phare : crues spectaculaires et afflux massif d’oiseaux venus d’Afrique ou d’Europe nordique. L’automne offre aussi sa magie avec le retour progressif vers le sud mais attention aux périodes très sèches où certains espaces deviennent inaccessibles.

### Y a-t-il encore des communautés vivant dans le parc aujourd’hui ?
Non officiellement : depuis les années 1990 toutes les installations permanentes humaines ont disparu suite aux politiques nationales. Cependant beaucoup d’anciens habitants gardent un lien très fort avec leurs anciens territoires via rites annuels comme El Rocío ou chasses traditionnelles encadrées.

Photo by Ashim D’Silva on Unsplash

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