12 Pourquoi tant de familles sud-coréennes misent tout sur les hagwon ? Plongée exclusive dans le quotidien et les dilemmes derrière ce système unique.Bienvenue à Séoul : une rue tapissée de néons éducatifs Lorsque je me suis retrouvée, un soir d’hiver, à déambuler dans le quartier animé de Daechi-dong à Séoul, j’ai eu cette impression vertigineuse d’entrer dans un autre monde. Ici, la compétition académique se lit partout : sur les immenses enseignes lumineuses des hagwon – ces fameuses académies privées coréennes – qui transforment le paysage urbain en une forêt d’ambitions scolaires. Un contraste saisissant avec nos propres souvenirs d’école en Andalousie, où la pression académique semblait si lointaine. Mais que cache vraiment cette obsession nationale pour la réussite éducative ? Et pourquoi la Corée du Sud bat-elle tous les records mondiaux… aussi bien en dépenses éducatives qu’en faible natalité ? Les hagwon : piliers (et symptômes) d’une société ultra-compétitive Les chiffres donnent le tournis. En 2023, près de 84 % des enfants sud-coréens fréquentaient une ou plusieurs hagwon. Ces établissements – plus de 73 000 recensés à travers le pays – sont devenus des piliers du système social local. Certains accueillent même des bambins dès l’âge de deux ans ! Ici, chaque heure compte : cours particuliers d’anglais dès la maternelle, mathématiques avancées en primaire, préparation intensive au suneung (le bac coréen) qui détermine l’accès aux universités les plus cotées. L’intensité n’épargne ni les classes populaires ni les quartiers huppés. "La plus grande part de notre budget familial va dans les cours privés", confiait récemment une mère rencontrée près de Gangnam. "Arrêter une activité, c’est craindre que mon fils soit laissé pour compte." Le prix à payer ? On estime qu’élever un enfant jusqu’à ses 18 ans coûte l’équivalent de 7,8 fois le PIB par habitant ! D’après une étude relayée par Chosun Ilbo, cela représente environ 250 000 € – devant même la Chine ou l’Allemagne. Vous pourriez être interessé par Top 3 des actualités de l’après-midi à Córdoba 14 novembre 2024 Octobre : Vêtements, chaussures et aliments font grimper les prix à Córdoba 14 novembre 2024 Pression sociale et anxiété collective : quand la réussite devient nécessité Derrière cette débauche de moyens se niche une angoisse très particulière. Ici, décrocher une place dans une université prestigieuse n’est pas seulement synonyme d’honneur familial ; c’est aussi (et surtout) le sésame pour accéder à un emploi stable et reconnu dans une économie hautement concurrentielle. Ceux qui y échouent redoutent marginalisation sociale et difficultés économiques. Cette logique s’auto-alimente : puisque tout le monde va en hagwon… impossible pour un parent responsable d’imaginer laisser son enfant prendre du retard. Même les ménages modestes consacrent souvent plus aux cours privés qu’au logement ou à la nourriture ! Ce phénomène a donné naissance au terme évocateur d’"edupoor" : des familles appauvries par leurs investissements éducatifs massifs, mais convaincues que c’est là leur seul espoir pour l’avenir. Hagwon et démographie : un cercle vicieux préoccupant Il y a quelque chose de paradoxal à constater que la Corée du Sud cumule aujourd’hui deux records mondiaux opposés : elle est non seulement le pays où élever un enfant coûte le plus cher… mais aussi celui où l’on fait le moins d’enfants (0,72 enfant par femme en 2024). Face à ce défi colossal – qualifié désormais d’"urgence nationale" – le gouvernement multiplie incitations et aides financières aux familles (jusqu’à 70 000 € promis sous forme de “super chèque bébé” !) sans parvenir pour l’instant à renverser la tendance. Le coût astronomique des études privées refroidit bien des couples tentés par la parentalité. Comment songer sereinement à avoir deux enfants si on ne peut assurer à chacun toutes ses chances ? Cette course effrénée creuse aussi les inégalités sociales et fragilise l’idéal méritocratique affiché par le pays. Une journée type : immersion dans l’agenda surchargé d’un élève coréen Pour saisir concrètement cette réalité, j’ai passé plusieurs heures avec Yerim Kim (prénom modifié), élève en fin de collège à Séoul. Après ses cours classiques terminés vers 16h30… sa vraie journée commence ! Direction son premier hagwon pour deux heures de maths avancées ; puis cap sur un second centre pour renforcer son anglais écrit ; enfin quelques séances hebdomadaires dédiées au piano ou au taekwondo selon la saison. Ses parents attendent parfois jusqu’à dix heures du soir devant les portes closes des écoles privées. Pour eux comme pour Yerim, ces sacrifices sont devenus presque banals – car autour d’eux tout le monde fait pareil ou davantage. "Impossible de préparer seule mes examens importants", explique-t-elle. "Les hagwon fournissent trop de ressources exclusives. Sans eux je me sentirais perdue face aux autres." L’État tente depuis peu d’élargir ses propres programmes périscolaires publics jusqu’à 20h afin de soulager familles et élèves… mais il faudra du temps avant que cela ne change réellement la donne sur le terrain. Regards croisés : entre admiration et inquiétude internationale De nombreux pays observent avec fascination ce modèle sud-coréen jugé exemplaire pour ses résultats scolaires fulgurants (les étudiants coréens dominent régulièrement les classements PISA). Mais rares sont ceux qui souhaiteraient copier intégralement ce système si exigeant… En France ou en Espagne par exemple, on débat beaucoup du rôle croissant donné au soutien privé (cours particuliers, plateformes numériques), mais sans jamais atteindre cet extrême collectif où toute enfance est placée sous pression constante. J’observe toutefois certains parallèles grandissants avec Cordoue chez certaines familles privilégiées prêtes à multiplier activités extra-scolaires dès la maternelle… Mais ici comme là-bas surgit tôt ou tard cette question cruciale : comment préserver équilibre psychologique et plaisir d’apprendre quand tout semble se jouer si tôt ? Pour approfondir ces comparaisons internationales autour des systèmes éducatifs compétitifs et leurs impacts sociaux vous pouvez consulter l’analyse détaillée publiée par Le Monde. Enjeux futurs : régulation ou révolution ? La Corée tente régulièrement de réguler ses hagwon (heures maximales imposées en soirée, contrôles accrus), mais avec peu de succès tant la demande reste structurelle. De nouvelles initiatives cherchent désormais à valoriser compétences artistiques ou sportives moins formatées… On voit émerger quelques expériences alternatives inspirantes comme les “free schools”, espaces pédagogiques innovants centrés sur l’épanouissement global plutôt que sur le seul résultat académique — mais ils restent encore marginaux face au mastodonte institutionnel que représentent les hagwons. À Séoul comme ailleurs dans le monde hyper-connecté actuel, la question reste ouverte : comment conjuguer excellence éducative et développement harmonieux chez nos jeunes générations ? Voilà un défi universel qui résonne bien au-delà des frontières coréennes ! Questions fréquentes : Les secrets des hagwon révélés ! Les enfants coréens ont-ils vraiment envie d’aller aux hagwon ? Beaucoup ressentent avant tout la pression familiale et sociale — certains y trouvent cependant motivation ou camaraderie grâce aux petits groupes soudés qui se forment dans ces centres privés. Peut-on réussir sans passer par une multitude de cours privés ? C’est difficile aujourd’hui dans les grandes villes sud-coréennes car l’écart se creuse vite entre élèves ayant accès aux meilleures ressources offertes par les hagwons et ceux qui tentent seuls leur chance. Y a-t-il des alternatives publiques efficaces aux hagwon ? Le gouvernement investit depuis peu dans des programmes périscolaires prolongés accessibles dès l’école primaire afin de réduire dépendance au privé… mais leur couverture reste limitée comparativement aux besoins réels. Ce modèle éducatif pourrait-il inspirer Cordoue ou la France ? Si certains aspects techniques peuvent nourrir réflexion pédagogique ici aussi (rigueur méthodologique…), personne ne souhaite importer telle quelle cette pression collective extrême — car elle pèse lourdement sur le bien-être familial comme sur celui des enfants. Photo by Kelly Sikkema on Unsplash Éducationfamille 0 FacebookTwitterPinterestThreadsBlueskyEmail María Fernanda González María est notre journaliste voyage basée à Cordoue. En tant que Cordouane et exploratrice du monde, elle possède un talent particulier pour connecter les voyageurs francophones à l'essence de sa ville. Sur Escapade à Cordoue, María partage ses découvertes, ses conseils d'experte locale et ses récits qui donnent vie au patrimoine et à la culture vibrante de Cordoue et de l'Andalousie. Elle explore aussi bien les ruelles historiques de la Judería que les métropoles lointaines, toujours en quête d'histoires qui relient les gens et les lieux. Ses contributions sont une invitation à voir Cordoue à travers les yeux d'une passionnée, offrant des clés pour un voyage enrichissant en Andalousie. entrée prédédente Meta et la chasse aux experts IA : Que cache la ruée vers 100 millions $ ? entrée suivante Centres de données sous-marins : la Chine réinvente l’énergie numérique ! 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