Cordoue au-delà des cartes postales : quand les femmes des quartiers oubliés réinventent la ville

Mujer en un balcón sencillo, sosteniendo una cámara y mirando su barrio con calma al atardecer.

TL;DR

  • 🏙️ Cordoue se dévoile loin des cartes postales, dans ses quartiers populaires
  • 👩 Les femmes des périphéries portent la vie quotidienne et tissent le lien social
  • 🎬 Un documentaire et le C3A offrent une nouvelle façon de rencontrer la ville

Et si Cordoue ne se comprenait pas seulement depuis la Mezquita, mais aussi depuis ses quartiers oubliés ? À travers le regard de femmes anonymes, la ville révèle une autre vérité urbaine.

Saviez-vous que pour comprendre Cordoue, il faut parfois s’éloigner de la Mezquita et s’asseoir sur un banc de béton au pied d’une barre d’immeubles ?

Sous le soleil andalou, la ville se raconte aussi depuis ses marges, là où des femmes anonymes tiennent les quartiers oubliés à bout de bras. C’est ce que révèle le travail de l’architecte et réalisatrice Reyes Gallego, et c’est une clé précieuse pour qui veut visiter Cordoue autrement.

En sortant du centre historique, on découvre une Cordoue plus rugueuse, plus vraie, où l’urbanisme, le cinéma et la vie quotidienne s’entremêlent. C’est cette ville-là que j’ai envie de vous faire rencontrer.

« La ville n’existe vraiment que là où la vie quotidienne prend le dessus sur les plans. »

Quand le cinéma braque la lumière sur les quartiers oubliés

L’histoire commence à Cordoue, dans les années 2010, loin des patios fleuris de San Basilio. Sur les rues Torremolinos et San Martín de Porres, au nord de la ville, l’architecte Reyes Gallego participe au projet Ciudad Viva avec l’Agence de Logement et de Réhabilitation d’Andalousie (AVRA). Sur le papier, il s’agit de réhabiliter des immeubles fatigués. Sur le terrain, c’est une autre réalité qui apparaît.

Les habitants se méfient des techniciens, les jeunes rechignent, certains ont honte de dire à un employeur qu’ils viennent de « Torremolinos ». Ce décalage, Gallego va le mesurer le jour où elle décide un geste simple mais révolutionnaire pour son métier : passer la caméra aux habitants eux‑mêmes.

Elle fait appel à une petite société de production, et ce sont les jeunes du quartier qui filment, posent les questions, portent les trépieds. Sur YouTube circulent encore ces vidéos où l’on entend :

  • la fierté d’une mère parlant de « son » escalier repeint,
  • la colère d’un ado qui tait son code postal,
  • la tendresse d’une voisine pour son balcon envahi de plantes.

Ce jour‑là, l’urbanisme cesse d’être une affaire de plans et de diagnostics. Il devient un récit collectif, raconté par ceux qui montent et descendent ces escaliers vingt fois par jour. Gallego le confiera plus tard : elle a compris que « la vie du quartier, ce sont surtout les femmes qui la fabriquent ».

De Torremolinos à Séville : les femmes qui tiennent la ville debout

Quelques années plus tard, à Séville, la même architecte part documenter les usages des espaces publics dans des quartiers périphériques comme La Oliva ou Parque Alcosa. Elle sort chaque jour avec un appareil photo, pensant observer des bancs, des trottoirs, des places. Mais dans le viseur reviennent toujours les mêmes silhouettes : des femmes de la première génération d’habitants de ces ensembles.

Beaucoup ont travaillé en usine avant d’être renvoyées au foyer au moment du mariage. Quand elles reçoivent leur appartement neuf, ces tours leur semblent être un « palais ». Très vite, elles découvrent la réalité : barres homogènes, finitions médiocres, quartiers isolés, transports rares. Une version appauvrie du rêve moderne.

Et pourtant, ce sont elles qui inventent la vie de ces lieux : elles organisent les fêtes, accompagnent les enfants à l’école, réclament un bus, animent les associations, s’occupent des voisins âgés. Leur nom n’apparaît sur aucun plan d’urbanisme, mais sans elles, la ville se délite.

De ce travail de terrain naîtra le documentaire Ellas en la ciudad, aujourd’hui visible sur Movistar+. Le film, projeté récemment à la Filmoteca de Andalucía à Cordoue, suit ces habitantes de la périphérie sévillane et montre une chose très simple : elles ont soutenu la ville, pendant que la ville leur tournait le dos.

Ce que j’ai ressenti en voyant le film lors de la Semana del Cine de Córdoba – Cinema25, dans la boîte noire du C3A, c’est que ces histoires pourraient se dérouler tout aussi bien à Torremolinos, à la Fuensanta ou dans certaines zones du Levante de Cordoue. Le décor change à peine, la fatigue dans les yeux est la même.

Campo de la Verdad, C3A : une autre porte d’entrée sur Cordoue

Pour un voyageur français, tout cela peut sembler très éloigné d’un week‑end à Cordoue. Et pourtant, il existe un lieu de visite qui fait le lien entre le centre historique et ces réalités : le Centro de Creación Contemporánea de Andalucía (C3A), au cœur du quartier de Campo de la Verdad, sur la rive sud du Guadalquivir.

Depuis le centre, il suffit de traverser le pont romain et de quitter la vue parfaite sur la Mezquita. De l’autre côté, le C3A se dresse comme un grand volume blanc et géométrique, posé au milieu d’un quartier de vie ouvrière, avec ses bars de trottoir, ses supérettes, ses terrains de jeu.

Le centre mène un projet nommé Campo de la Verdad pour tisser des liens avec le quartier : ateliers, projections, rencontres. La venue de Reyes Gallego pour parler d’Ellas en la ciudad s’inscrit dans cette volonté de rapprocher l’art contemporain de la vie quotidienne.

Pour vous, visiteur ou visiteuse :

  • c’est l’occasion de découvrir une Cordoue créative et sociale, loin des clichés,
  • de comprendre comment un équipement culturel tente de s’ancrer dans un quartier populaire,
  • et parfois d’assister à des projections comme celles de Cinema25, qui donnent la parole aux habitants.

Selon l’Office du Tourisme de Cordoue, la ville attire chaque année des centaines de milliers de visiteurs pour sa Mezquita et ses patios. Traverser le fleuve jusqu’à Campo de la Verdad, c’est accepter de voir ce que ces chiffres ne disent jamais : comment la ville est vécue au quotidien par ceux qui restent quand les touristes repartent.

Comment rencontrer cette autre Cordoue sans faire du « tourisme de misère »

On a tous connu cette sensation de « sortir du décor » en quittant un centre historique parfaitement restauré pour tomber sur des façades brutes, des murs tagués, des balcons où sèche le linge. À Cordoue aussi, cette frontière existe. La question, c’est : comment la franchir avec respect ?

Quelques pistes concrètes :

  1. Intégrer le C3A à votre itinéraire
    Prévoyez une traversée du pont romain, puis une visite des expositions. Prenez le temps de flâner dans les rues adjacentes, de boire un café dans un bar de quartier, d’observer le rythme de vie.

  2. Guetter les événements de cinéma et de quartier
    Si votre séjour coïncide avec la Semana del Cine de Córdoba (Cinema25) ou un cycle de projections, profitez‑en pour voir un film comme Ellas en la ciudad. Même s’il parle de Séville, il éclaire les réalités des périphéries andalouses.

  3. Choisir des visites guidées engagées
    Certaines associations locales proposent des balades sur l’urbanisme, la mémoire ouvrière, ou encore le street art dans des quartiers hors du centre. Renseignez‑vous auprès des offices de quartier ou d’initiatives culturelles : ces visites permettent de comprendre sans consommer la pauvreté comme un décor.

  4. Observer les gestes invisibles
    Dans n’importe quel barrio, regardez qui tient la place : souvent, ce sont des femmes. Celles qui ouvrent le local associatif, qui gèrent la petite bibliothèque, qui organisent le goûter des enfants. Sans elles, les quartiers s’effondreraient.

En tant que guide locale, j’ai souvent l’impression que Cordoue se révèle vraiment quand on prend le temps de discuter avec une voisine devant sa porte plutôt que de cocher une église de plus. Les quartiers populaires demandent de la délicatesse, mais ils offrent en échange un sentiment de réalité que l’on ne trouve pas ailleurs.

Une autre façon d’aimer Cordoue

Les premières photos que Reyes Gallego a prises à Torremolinos montraient des balcons avec du linge qui sèche, un caddie abandonné, des fenêtres entrouvertes. Rien d’extraordinaire, en apparence. Et pourtant, de ces images est née une nouvelle manière de regarder la ville : en plaçant la vie quotidienne au centre, en écoutant celles qu’on n’entend jamais.

Cordoue n’est pas Séville, mais les histoires de ces femmes résonnent ici comme ailleurs en Espagne. Elles posent une question très simple aux urbanistes… et aux voyageurs : qui a le droit d’habiter la ville pleinement, et à quel prix en temps, en fatigue, en transports ?

Au fond, Cordoue ne se vit pas seulement dans l’émerveillement devant la Mezquita ou la fraicheur des patios. Elle se vit aussi dans ces quartiers où des femmes, après des années d’usine, ont construit une communauté dans des immeubles standardisés. Si vous acceptez de sortir de la carte postale, c’est une autre forme de beauté qui vous attend, plus discrète mais tout aussi puissante.

Et vous, seriez‑vous prêt·e à consacrer une après‑midi de votre séjour à découvrir cette Cordoue des bords et des bords de fleuve ? Partagez vos envies et vos impressions en commentaires, ou sur Instagram avec le hashtag #EscapadeaCordoue : j’adorerais savoir quel visage de la ville vous a le plus touché.

Questions fréquentes

Est‑il sûr de visiter les quartiers périphériques de Cordoue ?

De nombreux quartiers populaires de Cordoue sont des zones résidentielles ordinaires, avec leurs commerces, leurs écoles, leurs parcs. Comme partout, il suffit d’appliquer le bon sens habituel : éviter les zones très isolées la nuit, rester discret avec les objets de valeur, respecter les habitants.

Si vous vous sentez plus à l’aise, privilégiez une visite en journée ou dans le cadre d’une activité culturelle ou guidée. L’idée n’est pas de « visiter un bidonville », mais de découvrir une autre facette de la ville.

Comment se rendre au C3A depuis le centre historique ?

Depuis la Mezquita, on rejoint facilement le C3A à pied en traversant le pont romain puis en suivant la rive sud vers l’est. Comptez une quinzaine de minutes de marche agréable le long du Guadalquivir.

Vous pouvez aussi venir en bus urbain ou en taxi depuis n’importe quel point du centre. Le trajet reste court et permet de comprendre la géographie réelle de Cordoue, entre centre monumental et quartiers de vie.

Y a‑t‑il des visites guidées sur l’urbanisme et les quartiers populaires à Cordoue ?

L’offre évolue régulièrement, mais on trouve de plus en plus de visites thématiques : promenades sur le street art, balades architecturales, parcours autour des anciens quartiers ouvriers. Le mieux est de vérifier les programmes des centres civiques, d’associations culturelles ou de guides indépendants.

N’hésitez pas à demander conseil à l’Office du Tourisme de Cordoue ou directement au C3A, qui relaient souvent des initiatives locales. Ces visites offrent un regard plus profond sur la ville que les circuits classiques.

Que voir près de Campo de la Verdad en plus du C3A ?

Autour du C3A, le quartier de Campo de la Verdad permet de flâner dans des rues plus calmes, de découvrir de petits bars familiaux et une vue différente sur le fleuve et la vieille ville. C’est un bon endroit pour observer la vie quotidienne cordouane loin des foules.

Vous pouvez combiner cette balade avec une traversée au coucher du soleil sur le pont romain : la silhouette de la Mezquita d’un côté, la rive sud de l’autre, offrent un contraste saisissant entre carte postale et réalité urbaine.

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