Córdoba et la presse sous la Seconde République : récits méconnus d’une liberté contrariée

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Savez-vous comment Córdoba a vécu la fièvre médiatique de la Seconde République espagnole ? Plongez dans ces récits oubliés, entre idéaux, censure et passions locales.

Le bouillonnement cordouan à l’aube de la Seconde République

Dès que l’on évoque la Seconde République espagnole (1931-1936), bien des regards se tournent vers Madrid ou Barcelone. Pourtant, en tant que Cordouane passionnée d’histoire locale, je peux vous assurer que Córdoba n’a pas été simple spectatrice de cette effervescence politique et médiatique. Dans les cafés enfumés de la Plaza de las Tendillas ou au détour des ruelles ombragées de San Andrés, on commentait avidement chaque une de journal — El Defensor de Córdoba, La Voz ou le plus satirique El Duende. L’euphorie républicaine promettait une ère nouvelle pour la presse : pluralité des voix, débats publics enfiévrés… Mais très vite, cette promesse s’est heurtée aux réalités turbulentes du moment.

À travers mes recherches et discussions avec des historiens locaux comme Juan Ortiz Villalba (université de Córdoba), il apparaît clairement que la presse cordouane a vécu un véritable ascenseur émotionnel : quelques mois d’élan démocratique suivis d’années de tensions croissantes où l’on ne savait jamais si le journal du matin paraîtrait le lendemain.

Entre aspirations démocratiques et tourments politiques

Les premiers mois après avril 1931 furent marqués à Córdoba par un jaillissement de titres nouveaux. On assistait à une floraison d’opinions — socialistes, républicains modérés, conservateurs catholiques — chacun tentant de gagner l’esprit public. Le quotidien local El Defensor défendait farouchement les idéaux progressistes tout en relatant les faits divers qui faisaient vibrer la ville : élections municipales houleuses dans les quartiers populaires, portraits engagés de figures féminines émergentes comme Concha Romero James.

Mais ce printemps journalistique fut bref. Dès fin 1932, alors que les conflits sociaux montaient (grèves dans les exploitations oléicoles alentour, manifestation des instituteurs pour l’école publique…), l’État central commença à exercer une pression grandissante sur les rédactions locales. Des lois restrictives permirent au gouvernement — qu’il soit dirigé par Azaña ou Lerroux — de suspendre arbitrairement titres et journalistes jugés trop "subversifs".

Il faut lire les travaux documentés de Justino Sinova pour saisir combien cette illusion initiale fut vite minée par un jeu politique brutal : autodafés improvisés sur la voie publique contre certains numéros sulfureux ou descentes nocturnes dans les imprimeries suspectées d’abriter "l’ennemi intérieur".

Les échos cordouans d’un combat national

À Córdoba plus qu’ailleurs peut-être, on ressentait le fossé entre aspirations citoyennes et contraintes imposées par Madrid. Plusieurs journaux locaux ont tenté courageusement de rester debout face à la tempête. Certains s’engageaient pour relayer les revendications rurales (l’injustice envers les petits paysans dans la vallée du Guadalquivir était un thème récurrent), d’autres servaient presque ouvertement d’organes partisans.

L’un des épisodes marquants relaté par des témoins (archives municipales consultables au Archivo Histórico Provincial) : lors d’une vague de suspension ordonnée en juillet 1934, des étudiants universitaires se sont mobilisés devant l’imprimerie Santamaría pour défendre leur droit à une presse libre… tout en chantant des coplas satiriques improvisées ! Cette ambiance électrique est unique à Córdoba : mélange d’esprit andalou frondeur et d’une vraie soif collective de débat public.

J’ai pu consulter quelques archives privées où apparaissent des lettres anonymes envoyées aux rédacteurs — témoignage émouvant du lien entre habitants et leurs quotidiens favoris. Elles exprimaient gratitude mais aussi peur que « tout s’arrête brusquement ».

Censure et autocensure : subtilités du quotidien journalistique local

La censure n’était pas toujours frontale ; elle prenait parfois des formes subtiles. Ainsi certains rédacteurs usaient d’allusions historiques ou faisaient parler le "langage fleuri" typique andalou pour contourner les interdits officiels tout en délivrant leur message critique sous couvert d’humour ou d’ironie. Les caricaturistes étaient particulièrement appréciés – leurs dessins parfois cryptiques étaient décodés avec complicité lors des tertulias du soir.

Mais il faut rappeler que ce climat incertain générait aussi son lot d’autocensure : rares étaient ceux qui osaient publier sans relire plusieurs fois leur papier avant bouclage ! D’autant que la crainte était fondée : arrestations temporaires puis fermetures définitives ont frappé plusieurs plumes réputées dont celle d’Isidoro López Rueda — aujourd’hui encore évoqué dans ma famille comme un symbole du courage intellectuel cordouan.

Héritages contemporains : pourquoi ces années comptent-elles toujours ?

Pourquoi reparler aujourd’hui à Córdoba (et partout en Espagne) du destin contrarié de sa presse pendant la Seconde République ? Parce que bien souvent nos débats actuels sur la liberté d’expression puisent racine dans ces cinq années fondatrices…

Chaque printemps lorsque je passe devant l’ancien siège d’El Defensor rue Gondomar — aujourd’hui transformé en boutique — j’imagine ce qu’ont ressenti mes aïeux journalistes : joie fébrile au lancement du numéro matinal mais aussi tension palpable face au risque permanent d’interdiction soudaine.

En discutant récemment avec Javier Ruiz Osuna (journaliste andalou reconnu), il rappelait combien cette période façonne encore notre rapport local à l’information. Selon lui « comprendre cet héritage aide à saisir pourquoi Córdoba reste attachée à ses médias indépendants – même modestes – et nourrit une tradition critique dont nous sommes fiers ».

Pour approfondir sur ces questions mémorielles et sociétales je recommande chaudement le site Centro Documental de la Memoria Histórica.

Questions fréquentes

Quels journaux cordouans ont marqué la Seconde République ?

Des titres comme El Defensor, La Voz ou El Duende furent incontournables. Chacun avait sa couleur politique et sa base fidèle parmi les lecteurs locaux.

Comment s’exprimait concrètement la censure ?

Elle pouvait être brutale (fermetures forcées) ou plus discrète via pressions économiques et autocensure éditoriale. Les caricatures humoristiques servaient souvent à contourner les tabous officiels.

Existe-t-il encore des traces visibles de cette époque à Córdoba ?

Oui ! Certains anciens sièges rédactionnels subsistent (parfois reconvertis), et nombre d’archives sont consultables aux Archives Provinciales ou lors d’expositions temporaires sur le patrimoine journalistique local.

Photo by Free Nomad on Unsplash

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