Castro del Río vu depuis les oliviers : quand la liternature réinvente un pueblo blanc

Voyageuse lisant un livre dans une ruelle blanchie à la chaux d’un village andalou, au soleil doux de fin d’après-midi.

TL;DR

  • 📚 Un roman andalou qui change ta façon de voyager dans les pueblos blancs
  • 🌿 Une campagne cordobaise belle, fragile, marquée par la mémoire et la sécheresse
  • 🚶 Des pistes concrètes pour explorer Castro del Río en mode lent et respectueux

À Castro del Río, un roman andalou change la façon de regarder les ruelles blanchies à la chaux, la sécheresse et les histoires de famille. Et si la liternature guidait ta prochaine escapade rurale près de Cordoue ?

Un pueblo blanc qui ne veut pas être une carte postale

Avant même de poser un pied sur la place d’un village, un roman peut déjà changer ta façon de le regarder. C’est exactement ce que promet Pueblo blanco azul, la nouvelle œuvre d’Azahara Palomeque, ancrée dans Castro del Río, un de ces pueblos de la campagne cordobaise que l’on croit connaître rien qu’en voyant une photo de murs blancs et d’oliviers.

Ici, pas de village-musée figé. Le livre parle de mémoire familiale, de guerre, d’exode, de deuil impossible et surtout d’une terre qui se dessèche, avec en toile de fond la crise de l’eau en Andalousie. Et c’est là que Castro del Río surprend vraiment : derrière la beauté tranquille, il y a un territoire qui demande qu’on le écoute, pas qu’on le consomme.

Liternature : quand le paysage devient personnage

On entend de plus en plus parler de « liternature », ce croisement entre littérature et nature popularisé par l’écrivain Gabi Martínez. L’idée est simple et puissante : le paysage n’est plus un décor, c’est un personnage à part entière. On raconte les forêts, les rivières, les champs comme on raconte des êtres humains, avec leurs blessures, leurs colères, leurs élans de vie.

Dans Pueblo blanco azul, la campagne cordobaise et la sécheresse jouent ce rôle. La protagoniste, Elaia, revient au village de ses origines pour écrire un livre sur sa famille, mais se heurte autant aux silences des anciens qu’aux puits qui s’assèchent, aux disputes pour l’eau dans une Espagne rurale abîmée par la guerre et le dérèglement climatique.

Cette façon d’écrire change aussi notre manière de voyager. On ne vient plus seulement « voir un joli pueblo blanc » : on vient rencontrer un lieu avec sa mémoire longue, ses traumatismes, ses fragilités écologiques. La liternature n’est pas un label marketing, c’est une invitation à se déplacer autrement, avec plus de conscience.

Castro del Río, entre oliviers, mémoire et sécheresse

Castro del Río se trouve au sud-est de la ville de Cordoue, posé au-dessus de la vallée, entouré d’oliveraies à perte de vue. En arrivant, on voit d’abord les maisons serrées, blanchies à la chaux, le clocher qui dépasse, les ruelles en pente où l’ombre est une question de survie en été.

Mais la réalité de la campagne cordobaise ne se limite pas à cette esthétique de carte postale. Les étés s’allongent, la pluie se fait plus rare, les puits baissent. La crise de l’eau qui a frappé la comarca de Los Pedroches, laissant des dizaines de milliers de personnes sans eau potable pendant des mois, n’est pas un épisode isolé : elle est le symptôme d’un territoire en tension.

Selon l’Office de tourisme de Cordoue, la province compte des dizaines de villages qui vivent encore de l’agriculture et de l’élevage, avec une identité forte mais aussi une démographie fragile. Beaucoup de jeunes partent, les anciens restent, et les histoires se transmettent entre un café au bar du coin et une soirée d’été sur une chaise en plastique devant la porte.

C’est ce monde-là que le roman d’Azahara Palomeque vient éclairer. La guerre civile, la dictature, l’émigration vers l’Amérique latine ou l’Europe, les corps usés par les travaux agricoles… Tout ce passé continue de peser sur les ruelles paisibles où les visiteurs passent parfois sans imaginer ce qui s’y est joué.

Sur les pas de Pueblo blanco azul

Imaginer une escapade à Castro del Río avec ce roman en tête, c’est accepter de marcher un peu plus lentement. De lever les yeux au-delà des façades blanches, vers les cicatrices du paysage et les gestes du quotidien.

Je sais ce que ça fait d’arriver ici pour la première fois: on se sent à la fois invité et un peu intrus.

Il ne s’agit pas de chercher les « lieux du livre » comme on cocherait des cases, mais de laisser le texte colorer ce que l’on voit : un champ dominé par un grand olivier solitaire, une fontaine à moitié à sec, une maison fermée dont personne ne semble plus avoir la clé.

Trois gestes pour visiter avec délicatesse

  • S’asseoir un moment sur la place principale et simplement observer comment le village respire au fil de la journée
  • Entrer dans un bar de quartier, commander un café ou une caña, écouter l’accent local sans tout comprendre
  • Regarder les champs autour du pueblo comme un livre ouvert sur l’histoire du travail, des sécheresses, des récoltes bonnes ou mauvaises
  • Se rappeler que pour beaucoup d’habitants, ces rues sont liées à des deuils, à l’exil, pas seulement à des souvenirs d’été

Action concrète : réserve une nuit sur place plutôt qu’une simple excursion à la journée, pour sentir le village se transformer entre le matin, la sieste et la nuit.

L’eau, la douleur et l’avenir des campagnes andalouses

Pueblo blanco azul ne parle pas seulement du passé ; il met en scène un présent sous pression. L’eau y est presque un personnage secondaire, discret mais obsédant : coupures, rumeurs de restrictions, inquiétude pour les récoltes et pour le bétail.

La crise de Los Pedroches, quand des milliers d’habitants ont dû dépendre de camions-citernes et d’eau embouteillée, a servi de déclencheur. Ce n’est pas le même territoire que Castro del Río, mais la même province, la même sensation de vulnérabilité. Quand un roman s’empare de ces réalités, il devient aussi un outil de sensibilisation écologique.

« J’avais besoin de donner une justice littéraire à mes grands-parents », confiait la romancière dans un entretien à Cordópolis.

Cette phrase résume bien le lien entre mémoire intime et territoire. Rendre justice aux grands-parents, c’est aussi rendre justice aux paysages qui les ont nourris, épuisés parfois, mais qui restent leur ancrage. Pour un voyageur, comprendre cela change tout : le champ d’oliviers cesse d’être un simple fond d’écran pour Instagram, il redevient un espace de travail, de lutte, de transmission.

En même temps, la liternature n’est pas un discours triste. Il y a dans ce regard une forme d’espoir : tant qu’on raconte, que l’on nomme, que l’on écoute, il reste une possibilité de transformer nos manières d’habiter et de visiter ces lieux.

Voyager avec les mots, repartir autrement

Lire un roman lié à un territoire avant ou après l’avoir visité, ce n’est pas obligatoire, bien sûr. Mais cela peut ouvrir un type d’expérience qu’aucun « top 10 des plus beaux villages blancs » ne procurera jamais : la sensation d’entrer dans une relation, pas seulement dans un décor.

Castro del Río et la campagne cordobaise ne demandent pas à être idéalisés ; ils demandent à être compris. Les blessures historiques, les sécheresses, l’exode des jeunes ne doivent pas dissuader de venir, au contraire. Elles rappellent à quel point ces lieux sont vivants, complexes, dignes d’attention.

Il y a quelque chose de très doux dans cette idée : repartir d’un village avec non seulement des photos et un bon plat de salmorejo en mémoire, mais aussi des phrases, des voix, des silences. Quand la littérature et le voyage se rencontrent ainsi, on ne coche plus une destination sur une carte, on agrandit un peu sa façon de voir le monde.

Questions fréquentes

Comment aller à Castro del Río depuis Cordoue sans voiture ?

On peut rejoindre Castro del Río en bus interurbain depuis la gare routière de Cordoue, avec plusieurs services quotidiens selon la saison. Le trajet dure environ une heure. Vérifie simplement les horaires à l’avance, ils varient entre semaine et week-end.

Faut-il lire Pueblo blanco azul avant de visiter la campagne cordobaise ?

Ce n’est pas indispensable, mais lire le roman d’Azahara Palomeque avant ou après le voyage donne une profondeur supplémentaire aux paysages et aux villages. La campagne autour de Castro del Río y apparaît comme un vrai personnage. C’est une belle façon de prolonger l’escapade depuis chez toi.

Quelle saison choisir pour découvrir les pueblos blancs près de Cordoue ?

Le printemps et l’automne sont idéaux : températures douces, lumière magnifique, champs encore verts autour des villages comme Castro del Río ou Zuheros. En plein été, la chaleur peut être intense dans l’intérieur de l’Andalousie. Si tu viens alors, privilégie les matinées et la fin de journée.

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