Concours National de Flamenco de Cordoue : une finale où les jeunes bousculent la tradition

Un jeune guitariste flamenco et un chanteur plus âgé sur scène, éclairés par une lumière chaude dans un théâtre andalou intimiste.

TL;DR

  • 💃 Une soirée au Gran Teatro où jeunes talents et maîtres flamencos partagent la scène
  • 🎹 Un piano et une nouvelle catégorie d’instrumentation qui bousculent les codes
  • 🕯️ Une expérience à vivre à Cordoue pour sentir l’avenir du flamenco de près

Et si le Concours National de Flamenco de Cordoue était le meilleur endroit pour sentir battre le cœur de l’Andalousie ? Dans la finale au Gran Teatro, le piano, les jeunes bailaores et les voix gitanes réinventent la tradition sous vos yeux.

Saviez-vous que, à Cordoue, un concours peut faire trembler les murs d’un théâtre autant qu’une grande feria ? Lors de la finale du Concours National de Arte Flamenco de Cordoue, le Gran Teatro devient le cœur battant de l’Andalousie : on y voit, en une soirée, la tradition la plus pure dialoguer avec les élans les plus contemporains.

Assise au balcon, carnet sur les genoux, j’ai senti cette année quelque chose de très particulier : comme si une génération passait doucement la main à une autre. Entre un pianiste cordouan qui ose la soleá 2.0, un jeune bailaor qui explose après un début hésitant, et une cantaora qui clôt la nuit avec une sérénité presque sacrée, on assiste à un véritable passage de relais.

Pour qui veut visiter Cordoue autrement, être là pendant le concours, c’est entrer dans l’intimité du flamenco : loin des clichés, au plus près des artistes, dans une Andalousie qui se réinvente sans renier ses racines.

Un concours qui raconte l’âme de Cordoue

Créé en 1956 et organisé tous les trois ans, le Concours National de Arte Flamenco de Cordoue est l’un des plus importants rendez-vous flamencos d’Espagne. On y décerne des prix dans trois grandes disciplines – baile, toque (guitare) et cante – et, depuis cette édition, une nouvelle catégorie d’instrumentation vient élargir le paysage. Selon l’Office du Tourisme de Cordoue, l’événement attire des artistes de tout le pays et d’au-delà, faisant de la ville un point de convergence du flamenco d’aujourd’hui.

Ce n’est pas un simple spectacle, mais un laboratoire vivant : les finalistes ont déjà passé plusieurs phases de sélection, et chaque détail compte. La mise en scène est sobre, presque nue : un fauteuil, une chaise, une lumière bien placée. Le reste, ce sont les corps, les mains, les voix.

« À Cordoue, le flamenco ne se consomme pas, il se partage » m’a confié un aficionado à l’entracte.

Pour la ville, ce concours est aussi une vitrine de son identité : on y retrouve cette Cordoue de croisement des cultures, entre héritage arabe, juif, chrétien et gitan, qui a fait de l’Andalousie un territoire de métissages artistiques.

Une soirée au Gran Teatro : quand le flamenco se réinvente

Le rideau s’ouvre sur le pianiste cordouan Alfonso Aroca. Rien qu’avec ce choix d’ouverture, le ton est donné : le flamenco de Cordoue n’a pas peur du piano. Il joue Soleá 2.0, extrait de son projet IMPULSO, puis une farruca de son album Orilla del mundo. À ses côtés, la percussion de Javier Rabadán et les palmas de Roberto Jaén et de Matías López "El Mati" tissent ce compás familier, mais sur un instrument longtemps jugé « étranger » au flamenco. Le résultat, c’est un climat hypnotique, où l’on reconnaît la soleá dans sa profondeur, tout en sentant un souffle contemporain.

Vient ensuite le baile avec le Barcelonais Ricardo Fernández Ribas, "El Tete". Sa première sortie "por alegrías" met quelques secondes à décoller – on sent presque le trac – mais dès le deuxième passage, le corps se libère. Les frappes de pieds se densifient, le buste se redresse, les bras tracent dans l’air des lignes de plus en plus affirmées. Il termine par un taranto et une soleá qui emportent le public : la jeunesse, ici, n’est pas une question d’âge mais de risque assumé.

Au fil de la soirée, on comprend que ce concours est moins un podium qu’un dialogue constant entre générations, styles et sensibilités.

De la soleá au piano : la nouvelle génération à l’œuvre

À la guitare, le Madrilène Ángel Flores apporte une autre couleur. Il commence par taranta (Odisea), continue par soleá (Memorias) et conclut son premier tour par malagueña et abandolao. Sa guitare est précise, presque narrative, et lorsqu’"El Mati" le rejoint au cante, le théâtre se resserre : chaque micro-silence devient une respiration partagée avec la salle.

Après l’entracte, Ángel repart "por alegrías", accompagné cette fois du bailaor gaditan Marco Flores, dont le style laisse une trace immédiatement reconnaissable : un mélange de finesse et de tension, une façon de marquer le sol comme si chaque golpe était une signature. Les jerezanos Manuel de la Nina et el Quini de Jerez complètent ce petit univers sonore très gaditan.

Pour refermer la soirée, la cantaora et compositrice cordouane Sara Denez enchaîne quatre cantes. Elle s’accompagne d’abord à la guitare pour une malagueña de Chacón, puis laisse la place au guitariste José Tomás pour la farruca, la soleá et la serrana. Sa voix a ce grain légèrement voilé qui accroche l’oreille ; on sent à la fois la maîtrise et une humilité tranquille, presque domestique, comme si elle chantait pour un cercle d’amis.

Dans cette succession de tableaux, ce qui frappe, c’est la cohabitation du très classique et du très actuel – un piano, de jeunes bailaores fougueux, des cantaoras qui composent leurs propres chemins.

3 façons de vivre le Concours de Flamenco comme un·e local·e

  1. Réserver pour une soirée de finale au Gran Teatro
    Les finales, généralement en novembre, offrent deux à trois heures de spectacle intense. Prenez vos billets à l’avance sur les sites officiels et arrivez tôt pour profiter de l’ambiance du foyer, où se croisent artistes, critiques et familles.

  2. Explorer les bars flamencos après le spectacle
    Après la représentation, descendez vers le centre historique : autour de la Plaza de las Tendillas et dans les ruelles proches de la Judería, certains bars prolongent la nuit avec des cantes improvisés. Demandez aux habitués : à Cordoue, le bouche-à-oreille est la meilleure boussole.

  3. Relier concours, patios et monuments
    Profitez de la journée pour visiter la Mezquita-Cathédrale, flâner dans les patios fleuris de San Basilio ou vous promener le long du fleuve. Le soir, laissez le flamenco donner un autre relief à ce que vous avez vu : les rythmes entendus au Gran Teatro semblent soudain résonner dans les arcades et les ruelles.

En combinant concours, flânerie et découvertes culinaires – un salmorejo ou quelques flamenquines dans une taverne traditionnelle – vous vivrez Cordoue non pas comme un décor, mais comme une ville habitée par son art.

Pourquoi cette finale compte pour l’avenir du flamenco

Ce qui rend cette édition du concours particulièrement intéressante, c’est l’apparition de la nouvelle catégorie d’instrumentation. Voir un pianiste cordouan ouvrir la soirée avec une soleá 2.0 n’est pas un simple effet de mode : c’est le signe que le flamenco assume pleinement d’autres timbres, d’autres textures, tout en gardant son squelette rythmique.

De l’autre côté, la présence d’artistes confirmés – comme Marco Flores ou El Mati – aux côtés de talents plus jeunes crée un effet de mentorat discret, presque naturel. On sent que la scène n’est pas un champ de bataille, mais un espace de transmission. Pour un·e voyageur·se français·e, assister à cette finale, c’est toucher du doigt une réalité souvent oubliée : le flamenco n’est pas figé dans le temps, c’est un art en mouvement, nourri de dialogues, de tentatives, parfois de fragilités.

En sortant du Gran Teatro, la nuit était douce, avec ce léger parfum d’oranger qui flotte souvent sur Cordoue en automne. Je me suis dit que, décidément, la ville a ce talent rare : faire cohabiter le respect profond de la tradition et un appétit sincère de nouveauté.

Et vous, laisseriez-vous un concours de flamenco guider votre prochaine escapade à Cordoue ? Venez en parler, posez vos questions, et si vous assistez à la prochaine édition, partagez vos impressions avec #EscapadeaCordoue 📸

Questions fréquentes

Quand a lieu le Concours National de Flamenco à Cordoue ?

Le Concours National de Arte Flamenco se tient généralement tous les trois ans, à l’automne, avec plusieurs soirées de sélections puis les finales au Gran Teatro. Les dates exactes varient à chaque édition : le mieux est de vérifier le programme sur le site officiel du concours ou auprès de l’Office du Tourisme de Cordoue.

Comment acheter des billets pour la finale au Gran Teatro ?

Les billets sont mis en vente en ligne via la billetterie du Gran Teatro et parfois aux guichets physiques du théâtre, quelques semaines avant les spectacles. Pour les finales, il est conseillé de réserver dès l’ouverture des ventes, car les meilleures places partent vite. N’hésitez pas à choisir le balcon ou le premier étage, qui offrent souvent une excellente vue d’ensemble de la scène.

Faut-il bien connaître le flamenco pour apprécier le concours ?

Pas du tout. Bien sûr, si vous connaissez déjà les palos (soleá, alegrías, taranta…), vous vous amuserez à les reconnaître, mais ce n’est pas indispensable. L’intensité du chant, la force du baile et le dialogue avec la guitare parlent d’eux-mêmes, même pour un public néophyte. Beaucoup de voyageurs vivent là leur première vraie rencontre avec le flamenco.

Où loger pour profiter à la fois du concours et du centre historique ?

Pour être à distance de marche du Gran Teatro et de la Judería, privilégiez le centre autour de la Plaza de las Tendillas, de la calle Claudio Marcelo ou de la calle Capitulares. Vous serez ainsi à mi-chemin entre le théâtre, les principaux sites touristiques comme la Mezquita et de nombreux bars à tapas. C’est la base idéale pour des soirées flamenco et des matinées de visite en douceur.

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