Tu ne l’avais jamais remarqué: la BD espagnole des kiosques aux bibliothèques, vue depuis Cordoue

Jeune lectrice feuilletant des albums de BD dans une librairie chaleureuse aux étagères en bois.

TL;DR

  • 📚 La BD espagnole a quitté les kiosques pour entrer en force en bibliothèques
  • 🇫🇷 Le canon franco-belge a façonné nos lectures bien au-delà de la nostalgie
  • 📍 À Cordoue, je te donne mes spots et pistes pour commencer

BD espagnole: tu sais qu’elle a quitté les kiosques pour trôner en bibliothèques? Je t’explique comment ce changement s’est joué, ce qu’on doit au canon franco-belge, et où le vivre à Cordoue, sans snobisme, juste plaisir et repères concrets.

Est-ce que tu savais que, dans bien des villes d’Espagne, la BD est passée du rayon “distraction rapide” aux étagères les plus respectées des bibliothèques? À Cordoue, je l’ai vu de mes propres yeux: un après‑midi, “Arrugas” de Paco Roca trônait à côté des romans primés, et un bibliothécaire me glissait, sourire en coin: “Dewey 741.5, on ne plaisante plus.” Ce tournant n’est pas un caprice. Deux ouvrages récents le racontent avec précision et souffle: “Historia de los cómics en España” (ACyT Ediciones, 2025) et “El canon franco belga del cómic” (ACyT Ediciones, 2024). Ensemble, ils éclairent comment le “tebeo” est devenu un langage artistique à part entière, et pourquoi nos lectures à Cordoue s’en trouvent bouleversées.

BD espagnole: des kiosques aux bibliothèques, un vrai basculement

Du “tebeo” des journaux illustrés aux romans graphiques, l’Espagne a vécu une mue passionnante. Le volume “Historia de los cómics en España” déroule quatre temps forts: des origines (1857–1937), au franquisme (1939–1975), de la renaissance post‑75 jusqu’à la fin du siècle, puis l’ère 2000–2023, où la BD investit librairies, bibliothèques et universités. Ce n’est pas qu’une question de lieux: c’est un changement de statut. Dans les années 1960 déjà, Luis Gasca et Terenci Moix intégraient la BD au débat culturel; Umberto Eco l’analysait comme un langage populaire sophistiqué. Résultat? Le médium gagne en légitimité, attire la critique, et l’on parle enfin de “narration graphique” sans rougir.

À Cordoue, ce virage est tangible: clubs de lecture en médiathèque, expositions éphémères dans des centres culturels, et des librairies qui conseillent la BD comme elles recommandent un bon García Márquez. C’est pour cela que, quand quelqu’un me dit “la BD c’est pour les enfants”, je lui prête “Paracuellos” (Carlos Giménez) et “El arte de volar” (Altarriba & Kim) — conversation close.

Canon franco‑belge: ce qu’on lui doit, sans s’enfermer dedans

L’autre livre, signé Jordi Canyissà, raconte comment la bande dessinée belgo‑française a fixé un “canon”: un format, un tempo, une grammaire visuelle. Dans ce paysage, Hergé et Franquin brillent, entourés de Jijé, Morris, Goscinny, Charlier, Uderzo, Giraud‑Moebius, Greg, Gotlib, Bretécher, Bilal, Lauzier, Tardi… Ce n’est pas qu’une histoire de style: en France et Belgique, la BD pèse plus de 7% du chiffre d’affaires du livre (hors manga et comics US). Une économie, donc, qui a structuré des habitudes de lecture et des circuits éditoriaux.

Vu d’Andalousie, ce canon a servi de passerelle. Il a habitué des générations à lire par “albums”, à reconnaître une mise en page claire, à savourer l’ellipse. Ensuite, la BD espagnole s’en est émancipée, a métissé ses influences (manga, roman graphique indépendant, presse satirique) et trouvé sa propre respiration. Le plus intéressant? Le dialogue. Tu peux passer d’un “Spirou et Fantasio” à “Arrugas” sans perdre le fil: même alphabet, accents différents. Dans la section suivante, je te propose un itinéraire de lecture qui marche, testé avec mon petit club près de la Corredera.

Par où commencer? Ma feuille de route sans snobisme

Tu veux une porte d’entrée solide, ni élitiste ni tiède? Essaie ce trio progressif:

  • Pour sentir l’histoire sociale: Paracuellos (Carlos Giménez). Témoignage poignant, lisible, mémorable.
  • Pour l’intime universel: Arrugas (Paco Roca). Vieillesse, amitié, pudeur — c’est d’une justesse désarmante.
  • Pour la mémoire politique: El arte de volar (Antonio Altarriba & Kim). Puissant, ample, nécessaire.

Ensuite, élargis:

  • Curieux de formes? Feuillette des anthologies post‑75 pour comprendre la transition des revues au “comic book” adulte.
  • Envie d’un pont franco‑espagnol? Relis Tintin ou Spirou, puis compare la composition des planches avec Paco Roca: tu verras ce que “rythme” veut dire.

Astuce d’habitué: lis deux albums en parallèle, un espagnol et un franco‑belge, et note trois différences concrètes (découpage, couleurs, voix off). Cinq séances comme ça, et tu sens déjà la grammaire sous tes doigts.

Où le vivre à Cordoue: lieux, horaires et micro‑rituels utiles

À Cordoue, le meilleur terrain de jeu, c’est la médiathèque de quartier: section “Novela gráfica”, indexée en 741.5, souvent au calme en début d’après‑midi. Les libraires indépendants, eux, feront des miracles si tu arrives avec deux titres en tête; propose un budget et une humeur (“quelque chose d’émouvant, pas sombre”). Tu repartiras rarement déçu.

Mes petits rituels qui marchent:

  • Mercredi ou jeudi en fin de matinée: moins de monde, plus de temps pour feuilleter.
  • Un carnet à la main: j’y note une case marquante, un motif récurrent, une idée de couleur.
  • Après la lecture, un café dans une ruelle ombragée: le cerveau associe lieu et histoire, tu retiens mieux.

Enfin, garde en tête que la BD est un écosystème: auteurs et autrices vivent de ventes et de droits. Acheter un album local de temps en temps, c’est soutenir la création qui, demain, finira sur les étagères feutrées de nos bibliothèques.

Questions Fréquentes

Quelles BD espagnoles pour débuter sans se perdre?

Commence par “Arrugas” (Paco Roca), “Paracuellos” (Carlos Giménez) et “El arte de volar” (Altarriba & Kim). Trois styles, trois portes d’entrée. Lisibles sans prérequis, elles montrent l’amplitude du médium.

Quelle différence entre BD franco‑belge et tebeo espagnol?

La franco‑belge a fixé un format et une grammaire claire (l’album, le rythme régulier), avec une industrie puissante. L’espagnole s’est formée entre presse, revues et roman graphique, plus hétérogène et métissée. Les deux se lisent en miroir.

Où trouver de la BD à Cordoue sans galérer?

Médiathèques de quartier (section 741.5) pour découvrir, librairies indépendantes pour le conseil sur mesure. Va en milieu de matinée ou en début d’après‑midi: on te laissera feuilleter tranquillement.

Ces deux livres d’ACyT Ediciones sont-ils utiles pour un lecteur non spécialiste?

Oui. “Historia de los cómics en España” donne la carte et la boussole; “El canon franco belga del cómic” explique les codes et l’économie. Clairs, illustrés, ils se lisent comme des guides intelligents pour curieux avertis.

A lire aussi