Corée du Sud : quand le silence à la frontière rebat les cartes – Un geste inattendu sous la loupe d’une journaliste de Cordoue

a large building with a clock on the top of it

Pourquoi la Corée du Sud coupe-t-elle soudain ses haut-parleurs ? Plongée curieuse dans cette stratégie sonore, loin des idées reçues !

Frontière sonore : un bras de fer où la musique devient une arme

En tant que Cordouane et passionnée d’histoires de frontières, j’observe toujours avec fascination ces lieux où le silence ou le bruit deviennent un langage diplomatique. Sur la péninsule coréenne, là où chaque geste compte double, c’est l’arrêt soudain de la musique K-pop tonitruante qui vient bouleverser les codes établis en ce début 2025. Les haut-parleurs géants dressés sur la DMZ (zone démilitarisée) avaient fini par incarner une guerre d’usure auditive aussi épuisante pour les soldats qu’intenable pour les habitants des villages voisins.

Ce qui m’a frappée lors de mes propres voyages le long des frontières — du Maroc à Gibraltar en passant par Ceuta — c’est combien la gestion du son peut façonner la vie quotidienne et tisser des émotions collectives. En Corée du Sud, ces dernières années ont vu une escalade étonnante : d’un côté, Séoul diffusait sans répit des tubes pop et des infos en direction du Nord ; de l’autre, Pyongyang ripostait avec des bruits parasites et des messages idéologiques.

Imaginez-vous vivre dans un village où, nuit et jour, s’entremêlent refrains entraînants et grésillements hostiles… D’après des reportages récents (NYT 2024), nombre de familles sud-coréennes ont investi dans le double vitrage ou même quitté temporairement leur maison durant ces offensives sonores. Les tensions étaient palpables bien au-delà des barrières physiques.

Un basculement historique : pourquoi Séoul fait marche arrière ?

Le nouveau président sud-coréen Lee Jae-myung n’a pas tardé à imprimer sa marque après une alternance politique très attendue en 2024. Son mot d’ordre : restaurer une confiance minimale avec Pyongyang en privilégiant « la paix par étapes ». L’extinction volontaire des haut-parleurs est symbolique mais pleine de sous-entendus : elle signifie à la fois l’arrêt d’une guerre psychologique ouverte et l’espoir fragile d’un dialogue retrouvé.

En tant qu’Andalouse ayant vécu les transitions politiques espagnoles post-franquistes, je ne peux m’empêcher d’établir un parallèle entre ces gestes parfois discrets mais lourds de conséquences pour tout un peuple. À Cordoue aussi, chaque changement de climat politique s’exprime par mille nuances subtiles dans les espaces publics.

Selon Le Monde, cette décision répond aussi à une lassitude grandissante des habitants du Sud face aux risques accrus de représailles armées. Pour Lee Jae-myung, il s’agit surtout d’imposer un pragmatisme stratégique face aux menaces nord-coréennes et non plus d’alimenter indéfiniment une spirale sonore sans issue réelle.

Le dilemme démocratique : info libre ou sécurité collective ?

Cependant, derrière ce silence tout neuf subsistent bien des voix discordantes. Les ONG humanitaires et certains militants dénoncent un recul dangereux : couper la propagande reviendrait à priver les Nord-Coréens d’une fenêtre sur le monde extérieur. Un paradoxe qui n’est pas sans rappeler certains débats locaux andalous sur l’accès à l’information indépendante versus la préservation de la tranquillité sociale.

La liberté d’expression est brandie comme étendard par les partisans du maintien de ces campagnes sonores – alors même que nombre d’entre eux (souvent des transfuges nord-coréens installés au Sud) affirment que leur action reste avant tout un acte militant contre le régime dictatorial voisin.

Mais là encore, mon expérience me pousse à nuancer : au fil de mes rencontres avec ceux qui vivent au ras de ces frontières explosives — gardes civils espagnols sur le détroit ou familles coréennes divisées — je constate que les enjeux individuels diffèrent profondément selon qu’on habite un studio climatisé à Séoul ou une ferme exposée aux vents hurlants de la DMZ. L’État sud-coréen affirme désormais vouloir protéger ses citoyens avant tout risque accru (représailles ou incidents armés). La discussion reste donc ouverte…

Pour approfondir ce débat complexe sur les droits humains en Corée du Nord et le rôle (ambivalent) des actions symboliques venues du Sud : Human Rights Watch – Corée du Nord.

Une trêve fragile sous haute surveillance internationale

Alors que j’écris ces lignes depuis Cordoue baignée par le soleil printanier — loin certes du climat tendu coréen mais riche d’enseignements historiques — je mesure combien ce "silence" frontalier n’est qu’un arrêt sur image éphémère. Certes, Pyongyang a lui aussi coupé ses propres haut-parleurs dès le lendemain ; mais rien ne garantit que cette pause durera.

Kim Jong-un affiche aujourd’hui plus clairement que jamais sa volonté de traiter Séoul comme adversaire officiel plutôt que comme frère potentiel vers une réunification hypothétique. Depuis deux ans, toutes les communications terrestres intercoréennes sont gelées ; essais balistiques et menaces nucléaires rythment encore l’agenda international selon plusieurs analyses récentes (Reuters 2025).

Ce premier pas timide vers moins de bruit peut-il déboucher sur autre chose qu’un simple répit ? C’est tout l’enjeu pour Lee Jae-myung dont beaucoup jugent déjà la manœuvre trop conciliante voire risquée.

De mon côté – journaliste cordouane rompue aux jeux subtils entre ouverture et prudence hérités de notre propre histoire locale – j’y vois surtout un pari nécessaire : celui d’instaurer au moins une respiration temporaire afin que chacun puisse reprendre souffle… avant peut-être un prochain orage.

Quand le symbole rejoint la réalité : quels enseignements pour ailleurs ?

Cette séquence me rappelle combien nos sociétés contemporaines restent marquées par ces guerres non-dites où l’information se faufile entre sons diffusés et silences pesants. En Andalousie comme en Corée, gérer ce fil ténu entre dialogue et affrontement reste affaire d’équilibristes aguerris.

S’il y a bien une chose que j’ai apprise sur mes terres natales comme lors de mes pérégrinations internationales : rien n’est jamais figé ni définitif dès qu’il s’agit de relations humaines traversées par l’histoire commune… Un haut-parleur se rallume plus vite qu’on ne croit – ou se tait lorsque naît enfin l’opportunité inespérée du dialogue.

Questions fréquentes

Pourquoi la Corée du Sud utilisait-elle auparavant des haut-parleurs à la frontière ?

C’était principalement pour diffuser informations extérieures et K-pop vers le Nord afin d’influencer soldats et civils nord-coréens, mais aussi en réponse aux provocations sonores venues du Nord.

Ce geste signifie-t-il une véritable détente durable entre les deux Corées ?

Pour l’instant il s’agit surtout d’un symbole fort mais fragile ; si cela réduit momentanément les tensions locales, aucun accord politique majeur n’a été signé entre Séoul et Pyongyang.

Qu’en pensent les habitants vivant près de la DMZ ?

Beaucoup expriment leur soulagement après des mois marqués par un vacarme incessant ; ils espèrent avant tout retrouver calme et sécurité dans leur quotidien.

Photo by Free Nomad on Unsplash

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