Journalisme cordouan en 1936 : secrets d’une passion fauchée trop tôt

a river running through a city next to tall buildings

Découvre l’histoire oubliée du journalisme à Cordoue en 1936 : destins brisés, luttes idéologiques, et un parfum de liberté perdue…

La lumière cordouane sous l’ombre de 1936

Quand je me promène dans les rues silencieuses autour de la Plaza de las Tendillas ou que je m’assois sous les arches séculaires d’un café près de la Judería, j’ai souvent une pensée pour ces voix disparues qui animaient autrefois la vie intellectuelle de Cordoue. Le journalisme cordouan des années trente ? Un tourbillon où se mêlaient passion politique, fraternité professionnelle et tragédie humaine. Aujourd’hui, je vous emmène explorer une page méconnue mais essentielle de notre histoire locale : celle du journalisme cordouan en 1936.

Des rédactions à l’effervescence bouillonnante

Imaginez Cordoue au tournant des années vingt et trente : une ville éclairée par ses intellectuels, artistes et journalistes — tous animés par le souffle nouveau de la Seconde République. Les cafés bruissent d’idées ; les unes du Diario de Córdoba, La Voz, ou encore El Defensor alimentent discussions et débats jusque tard dans la nuit. Les rédacteurs partagent alors un lien quasi familial : la camaraderie est réelle.

Mais déjà gronde le tonnerre… À mesure que l’Espagne s’enfonce dans l’instabilité politique — dictature de Primo de Rivera puis proclamation de la République — le climat change insidieusement. Selon Francisco Expósito (dont j’ai pu écouter le discours émouvant à la Real Academia en ce début d’année), cette période voit poindre une polarisation sans précédent : des collègues deviennent adversaires acharnés.

« On est passés d’une presse rassemblée autour du progrès à une arène où chaque plume se fait épée », confiait récemment une descendante d’un journaliste exilé.

18 juillet 1936 : quand tout bascule

C’est là que survient l’été terrible de 1936. Le coup d’État militaire plonge Cordoue dans une atmosphère glaçante : listes noires, arrestations arbitraires et exils forcés deviennent le quotidien des rédactions locales. Beaucoup ne savent pas s’ils reverront leur famille.

Des noms ? Ils jalonnent nos archives et nos souvenirs : Antonio Ramos (ex-directeur du Diario CÓRDOBA), Manuel Chaves Nogales (directeur emblématique de La Voz), Fernando Vázquez Ocaña… Certains mourront en exil ; d’autres sombreront dans l’oubli officiel jusqu’à ce que des chercheurs comme Expósito leur redonnent enfin voix.

En vérité, le 18 juillet sonne le glas du journalisme libre à Cordoue – bientôt suivi par la loi franquiste sur la presse (1938) qui transforme toutes les rédactions en relais du pouvoir d’État. À partir de là, difficile d’imaginer combien il fallait d’audace pour continuer à informer…

Une bataille idéologique perdue d’avance ?

Beaucoup voient aujourd’hui cette période comme une fatalité historique. Pourtant, il faut rappeler qu’avant même 1936, la République avait déjà perdu du terrain sur le plan idéologique face aux nouveaux journaux conservateurs ou radicaux qui fleurissaient depuis 1931. Expósito décrit bien comment certains titres n’hésitaient pas à manipuler l’opinion pour défendre leurs intérêts — propageant parfois des peurs fantasmées (« des monstres là où il n’y avait que des moulins », comme il le formule si bien).

J’ai eu accès à quelques numéros originaux datant de juin-juillet 1936 : on y ressent encore cette tension extrême entre les lignes éditoriales. De grandes signatures osaient malgré tout signer tribunes et analyses courageuses — quitte à risquer leur vie ou leur carrière.

Héritages occultés et mémoire retrouvée

Ce qui me frappe lors de mes propres recherches dans les bibliothèques cordouanes ou au détour des couloirs feutrés de la Real Academia, c’est combien ces figures marquantes ont été occultées pendant des décennies. Manuel Chaves Nogales — un modèle pour moi tant par sa lucidité que sa dignité — fut longtemps ignoré jusqu’à ce qu’une nouvelle génération d’historiens remette en avant son combat pour un journalisme honnête au-dessus des partis pris mortifères (Lire son portrait chez Mediapart).

Aujourd’hui encore, comprendre ce qui s’est joué alors permet aussi d’ancrer nos propres valeurs face aux menaces contemporaines contre la liberté d’expression. Comme me le rappelait Rosa Luque (journaliste académicienne) lors d’une récente rencontre :

« Il ne suffit pas de pleurer nos morts ; il faut interroger ce qui conduit une société à sacrifier ses éclaireurs. »

Pourquoi cet héritage nous parle-t-il encore ?

Au fond, pourquoi revenir sur cette histoire douloureuse aujourd’hui ? Parce qu’elle éclaire notre rapport actuel à l’information locale et nationale.

  • Chaque fois qu’un média local lutte pour survivre face aux pressions politiques ou économiques,
  • Chaque fois qu’un(e) journaliste ose sortir du rang,
    on retrouve l’écho discret mais tenace des combats menés ici même il y a près d’un siècle.

Cordoue demeure fière de son passé culturel : il serait dommage d’oublier ceux qui ont forgé sa mémoire collective au prix fort.

Pour approfondir cette réflexion sur l’évolution médiatique en Espagne post-guerre civile et découvrir comment certains journaux ont survécu clandestinement jusqu’à la transition démocratique espagnole (voir ce dossier complet).

Mon conseil voyageur : voir Cordoue autrement grâce à ses voix disparues

Lorsqu’on visite Cordoue en touriste averti(e), impossible désormais pour moi — ni pour vous je l’espère ! —de longer l’Avenida Gran Capitán ou la Calle Gondomar sans songer aux discussions fiévreuses échangées dans ces cafés jadis fréquentés par Ramos ou Nogales… Pourquoi ne pas intégrer cet itinéraire "journalistique" à votre prochaine escapade ?

  • Arrêtez-vous devant les façades préservées où logeaient les anciennes imprimeries,
  • Demandez aux libraires locaux s’ils connaissent des anecdotes sur ces personnages fascinants,
  • Ouvrez grand vos oreilles lors des visites guidées qui évoquent rarement ce pan oublié…
    C’est toute une autre Cordoue qui se dessine ainsi sous vos yeux : vibrante, courageuse et éprise de liberté.

Questions fréquentes

Qui était Manuel Chaves Nogales ?

Directeur du journal La Voz à Cordoue puis célèbre chroniqueur républicain, il a fui l’Espagne après le coup d’État franquiste en 1936. Mort en exil oublié longtemps, il incarne aujourd’hui le courage éthique journalistique face aux totalitarismes.

Comment retrouver les traces physiques du journalisme cordouan historique ?

Plusieurs anciennes imprimeries existent toujours dans le centre-ville (notamment rue Conde Gondomar). Certaines bibliothèques municipales conservent aussi exemplaires originaux ou archives consultables sur rendez-vous.

Le journalisme local est-il encore menacé aujourd’hui ?

Oui ! Bien que différent des dangers mortels vécus en 1936, le secteur affronte précarité économique et pressions politiques croissantes. Préserver un tissu médiatique indépendant reste crucial pour toute démocratie locale vivante.

Photo by Free Nomad on Unsplash

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