Patrimoine en danger en Andalousie : la maison-palais Ximénez de Montilla à Puente Genil

Mujer joven toma notas mientras observa la fachada envejecida de un antiguo palacio en una calle soleada.

TL;DR

  • 🏛️ Un palais noble oublié de Puente Genil rejoint la Lista Roja du patrimoine
  • 🧭 Un itinéraire hors des sentiers battus pour explorer la province de Cordoue autrement
  • 💫 Comment les voyageurs peuvent soutenir, avec délicatesse, un patrimoine fragile mais vivant

Saviez-vous qu’à quelques rues des bars animés de Puente Genil se cache un palais oublié, désormais sur la Lista Roja du patrimoine ? Je vous emmène découvrir ce lieu fragile et ce qu’il raconte de l’Andalousie.

Sous la poussière, un palais qui raconte l’Andalousie

Sous le soleil de Puente Genil, on passe facilement à côté sans vraiment la voir. Une grande façade ocre, à trois étages, noire de pollution, deux blasons mangés par le temps, une immense balconada de fer forgé courant sur tout le premier étage. La première fois que je suis passée devant, je me suis surprise à ralentir : on sent que cette maison a quelque chose à dire.

Cette bâtisse, c’est la casa-palacio des Ximénez de Montilla, une demeure seigneuriale des XVIIᵉ–XVIIIᵉ siècles, appartenant à l’une des familles nobles les plus influentes de la région. Aujourd’hui, c’est une propriété privée sans usage, fermée et silencieuse. Son histoire reste partiellement mystérieuse – peu d’archives, peu de traces – mais son architecture parle pour elle : décorations végétales en brique moulurée, élégante symétrie, noblesse discrète des maisons de la Campiña cordouane.

Récemment, l’association Hispania Nostra a décidé d’inscrire cette maison-palais sur sa Lista Roja del Patrimonio, qui recense les biens culturels en péril en Espagne. La raison est claire : l’état de conservation est préoccupant. La façade est encrassée, fissurée, jamais restaurée. À l’intérieur, notamment dans le patio, des interventions « très peu orthodoxes » du siècle dernier exigent une action patrimoniale urgente.

En quelques lignes sur un site spécialisé, cette demeure est passée du statut de bâtiment ignoré à celui de symbole du patrimoine en danger en province de Cordoue. Et pour nous, voyageurs amoureux d’Andalousie, c’est une invitation à regarder autrement ce qui, trop souvent, n’est qu’un décor de carte postale.

« Le patrimoine en péril, ce n’est pas du passé figé, c’est notre paysage de demain. »

Une maison-palais oubliée au cœur de Puente Genil

La casa-palacio des Ximénez de Montilla n’est pas un monument à ticket d’entrée, ni une étoile dans les guides. Elle se tient là, dans une rue du centre de Puente Genil, au milieu des commerces et de la vie quotidienne. C’est justement ce contraste qui frappe : la banalité du passage, et la grandeur discrète de cette façade historique.

Selon Hispania Nostra, l’édifice remonte aux XVIIᵉ–XVIIIᵉ siècles et relève de l’architecture civile noble, ce patrimoine parfois moins spectaculaire que les églises baroques, mais essentiel pour comprendre la société andalouse de l’époque. Les deux blasons de pierre, encadrant l’entrée principale, rappellent le poids de la famille Ximénez de Montilla dans la région, entre Montilla et Puente Genil.

Ce que l’on voit aujourd’hui, c’est :

  • une façade à trois niveaux, aux proportions harmonieuses mais encrassée et fissurée ;
  • de riches motifs végétaux en brique moulurée, typiques de l’ornementation andalouse de l’époque moderne ;
  • une grande balconada continue en fer forgé au premier étage, qui devait autrefois être théâtre de processions, fêtes et passages officiels.

L’intérieur, lui, est plus difficile à imaginer : l’association signale un patio défiguré par des travaux du XXᵉ siècle, une distribution d’espaces altérée et des matériaux inadaptés. Pourtant, on devine encore la structure typique de ces maisons-palais : un vestibule, un patio central, des pièces ouvrant sur les galeries, peut-être un jardin au fond.

Ce qui est fascinant, c’est que cette maison n’est pas isolée : elle appartient à un tissu de demeures historiques qui donnent son caractère à Puente Genil et à d’autres villes comme Montilla, Fernán Núñez ou Belalcázar. En la regardant de près, on comprend mieux l’Andalousie des grandes familles terriennes, du vin de Montilla-Moriles, des échanges entre campagne et ville.

Qu’est-ce que la Lista Roja du patrimoine… et pourquoi c’est important ?

Pour comprendre ce qui arrive à cette maison-palais, il faut parler de la Lista Roja del Patrimonio. Portée par l’association citoyenne Hispania Nostra, elle recense, à l’échelle de toute l’Espagne, les biens culturels en danger sérieux de disparition, de ruine ou d’altération grave.

Être sur cette liste n’est pas une condamnation, c’est un signal d’alarme public. Cela attire l’attention des institutions, des médias, mais aussi des habitants et des voyageurs. Dans la province de Cordoue, la casa-palacio des Ximénez de Montilla rejoint désormais 15 autres sites déjà signalés, parmi lesquels :

  • l’église de San Agustín à Montilla ;
  • le pont califal sur le Guadiato à Villaviciosa ;
  • le couvent de San Francisco del Monte à Adamuz ;
  • la casa de las Camachas et le palais des ducs de Medinaceli à Montilla ;
  • la Torre de Arias Cabrera et les Alcubillas de Córdoba, près de la capitale provinciale.

Ces lieux composent une autre carte de l’Andalousie : celle du patrimoine vulnérable, souvent loin des circuits les plus touristiques. Certains connaissent une fin heureuse : le Puente Mocarra d’Espiel est ainsi sorti récemment de la Lista Roja, après une restauration menée par la Diputación de Córdoba.

Pour un voyageur, comprendre l’existence de cette liste, c’est changer de regard. Derrière les façades fermées, les coupoles fissurées ou les ponts à moitié abandonnés, il y a des histoires, des savoir-faire, des paysages culturels entiers à préserver.

Trois idées d’escapades pour approcher ce patrimoine fragile

Si vous séjournez à Cordoue et que vous avez envie d’explorer la province autrement, la casa-palacio de Puente Genil peut devenir le point de départ d’un petit itinéraire thématique. L’idée n’est pas de « consommer » ces lieux – beaucoup ne se visitent qu’en extérieur – mais de les approcher avec respect, tout en profitant des villages, des cafés et des paysages.

1. Puente Genil et Montilla : entre palais oubliés et vins généreux

Depuis Cordoue, un train de cercanías ou un trajet en voiture d’environ une heure vous mène à Puente Genil. Promenez-vous dans le centre, le long du fleuve Genil, jusqu’à la façade de la maison-palais des Ximénez de Montilla. Observez les détails, imaginez la vie qui animait autrefois le grand balcon de fer.

Puis filez vers Montilla, patrie des vins Montilla-Moriles. Là aussi, la Lista Roja signale plusieurs bâtiments en danger, comme le palais des ducs de Medinaceli ou la casa de las Camachas, liée aux légendes populaires. Même si ces édifices ne se visitent pas toujours, la simple balade dans les rues blanches, ponctuée d’une dégustation en bodega, donne une profondeur nouvelle à la découverte.

2. Vers le nord : ponts, couvents et sierra

Pour une autre journée, cap au nord de la province, vers Villaviciosa de Córdoba, Adamuz ou Belalcázar. On y trouve des sites listés comme le pont califal sur le Guadiato ou le couvent de San Francisco del Monte, dans un paysage plus sauvage de sierra et de forêts méditerranéennes.

C’est l’occasion d’alterner marche en nature et arrêts devant ces témoins de l’histoire andalouse, souvent liés aux anciennes routes, aux ordres religieux et aux frontières du califat.

3. Autour de Cordoue : patrimoines méconnus aux portes de la ville

Même sans aller loin, on peut approcher ce patrimoine fragile aux portes de Cordoue : la Torre de Arias Cabrera ou les Alcubillas, anciennes structures hydrauliques, et le palais de la Isabela à Alcolea. Peu connus, ils racontent pourtant l’extension de la ville, ses réseaux d’eau, ses domaines ruraux.

Ces escapades ont un point commun : elles invitent à sortir des images toutes faites (Mezquita, Alcázar, patios) pour découvrir une Andalousie plus intime, faite de détails abîmés, de portes closes, mais aussi de bars de quartier, de marchés et de conversations improvisées.

Voyager autrement : notre rôle face au patrimoine en péril

On pourrait se dire : « Si c’est fermé, dégradé, à quoi bon y aller ? ». Pourtant, la présence respectueuse des voyageurs peut contribuer, modestement, à la sauvegarde de ces lieux. Prendre le temps de regarder, de photographier sans voyeurisme, de consommer dans les commerces voisins, d’en parler, c’est déjà reconnaître une valeur.

Dans le cas de la maison-palais des Ximénez de Montilla, l’inscription sur la Lista Roja ouvre peut-être la voie à une future restauration et à une mise en valeur comme Bien d’Intérêt Culturel (BIC). Lorsque les institutions sentent qu’un lieu compte, qu’il suscite curiosité et attachement, les projets avancent plus facilement – l’exemple du Puente Mocarra restauré va dans ce sens.

Comme voyageuse et habitante de Cordoue, je repars toujours de ces villages avec la même impression : l’Andalousie se joue aussi dans ce qui menace de disparaître. Les grandes icônes – la Mezquita, l’Alcázar, les patios – sont magnifiques, bien sûr. Mais c’est dans ces façades fatiguées, ces ponts oubliés, ces couvents à moitié en ruine que se lit la fragilité d’une région qui a tant donné au monde.

Au fond, visiter Cordoue et sa province, c’est accepter cette dualité : la beauté éclatante des monuments restaurés, et la beauté plus silencieuse d’un patrimoine en attente de soin. La prochaine fois que vous passerez devant une grande porte fermée à Puente Genil, Montilla ou ailleurs, prenez une seconde pour lever les yeux : peut-être êtes-vous en face du prochain sauvetage patrimonial andalou.

Et vous, seriez-vous prêt à consacrer une journée de votre voyage pour découvrir cette autre Andalousie, plus fragile mais tout aussi émouvante ? Partagez vos idées et vos coups de cœur avec nous, ou sur Instagram avec #EscapadeaCordoue.

Questions fréquentes

Qu’est-ce que la Lista Roja du patrimoine en Espagne ?

La Lista Roja del Patrimonio est un inventaire élaboré par l’association Hispania Nostra, qui recense les biens culturels en danger en Espagne. On y trouve des châteaux, ponts, couvents, maisons-palais ou sites archéologiques. L’objectif est d’alerter la société et les institutions pour encourager leur restauration ou leur protection.

Peut-on visiter la casa-palacio des Ximénez de Montilla ?

Actuellement, la maison-palais est une propriété privée sans usage et ne propose pas de visite régulière pour le public. On peut cependant l’apercevoir de l’extérieur en se promenant dans le centre de Puente Genil. Il est important de rester respectueux : ne pas franchir les limites, ni déranger d’éventuels riverains.

Comment se rendre à Puente Genil depuis Cordoue ?

Depuis Cordoue, on peut rejoindre Puente Genil en voiture (environ une heure) par la route en direction de Séville, ou en train de cercanías/Media Distancia selon les horaires du moment. Une fois sur place, le centre historique se parcourt facilement à pied. Prévoyez du temps pour flâner le long du fleuve Genil et dans les rues commerçantes.

Que faire d’autre à Puente Genil et Montilla ?

À Puente Genil, profitez de l’ambiance locale : cafés, pâtisseries, promenade sur le pont et, selon la saison, traditions de la Semaine Sainte très réputée. À Montilla, complétez la découverte patrimoniale par la visite de bodegas Montilla-Moriles, de quelques églises baroques et, si vous en avez l’occasion, des patios privés ouverts lors des fêtes locales. C’est une belle façon de relier patrimoine, gastronomie et vie quotidienne andalouse.

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