Les anciens et les modernes au XVIIIe siècle

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La musique religieuse espagnole du XVIIIe siècle : entre tradition et modernité

En 1733, le cabildo catedral de Séville met en garde le maître de chapelle Pedro Rabassa : désormais, il doit éviter d’utiliser les mots « aria », « recitado » ou « minuete » dans ses compositions, jugés profanes pour l’époque. Cette anecdote témoigne des tensions qui ont émaillé la musique religieuse espagnole au premier tiers du XVIIIe siècle, confrontée à l’influence de la musique italienne issue de l’opéra. Cette polémique entre traditionalistes et modernes, alimentée notamment par le père Feijóo, est le fil conducteur du programme proposé par le Marta Mathéu Ensemble, mettant en lumière trois compositeurs catalans du milieu du XVIIIe siècle : Josep Duran (le moderne) d’un côté, et Jaume Casellas et Joan Rosell (les traditionalistes) de l’autre.

Un programme surprenant

L’originalité de ce programme vient du choix des œuvres de ces trois compositeurs. En effet, malgré des approches esthétiques différentes, toutes montrent une forte influence du style galant en vogue à l’époque. On peut y entendre des passages virtuoses, des vocalisations complexes et des mélodies riches en harmonies. On peut également noter la présence d’un continuo bien orchestré et d’un beau son de hautbois.

La voix de Marta Mathéu à l’épreuve

La soprano Marta Mathéu, accompagnée de Joan Espina et Joan Marsol aux violons, Jordi Armengol à la viole, Guillermo Turina au violoncelle, Daniel Ramírez au hautbois et Eva del Campo au clavecin, a dû composer avec l’acoustique de l’église de San Luis de los Franceses pour faire entendre sa voix claire et bien timbrée. Malgré des graves parfois faibles, elle a su compenser par des aigus bien projetés, notamment dans les passages virtuoses de vocalises et dans le motet de Diego Xarabal y Lavuage, qui a clôturé le concert.

Le défi de l’équilibre sonore

Les violons ont rencontré quelques difficultés à s’accorder avec le continuo, mais ont réussi à produire un son beau et bien articulé, mettant en valeur l’écriture délicate et innovante de Josep Duran et de Jaume Casellas. Le hautbois, quant à lui, a su apporter une touche de fraîcheur avec son timbre clair et précis. L’ensemble, malgré quelques imperfections, a su restituer avec justesse la diversité stylistique de ces trois compositeurs catalans.

Un concert captivant

Le choix du lieu, la qualité des interprètes et la sélection des œuvres ont permis au public de voyager entre tradition et modernité, à travers les compositions originales de ces musiciens méconnus. L’équilibre entre les voix et les instruments, bien que parfois précaire, a donné une dimension intime et touchante à ce concert. Un véritable régal pour les oreilles et l’âme, dans un cadre exceptionnel.

En somme, le Marta Mathéu Ensemble a su relever le défi de présenter un programme riche et bien équilibré, mettant en lumière des compositeurs méconnus de la musique religieuse espagnole du XVIIIe siècle. Une occasion unique de (re)découvrir ces œuvres, témoignages d’une époque où tradition et modernité ont coexisté dans un dialogue musical passionnant.