samedi 21 septembre 2024
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Javier Gomá : Le pouvoir immense des réseaux sociaux, mais sans mode d’emploi

par María Fernanda González

Les réseaux sociaux : un pouvoir sans règles

Les réseaux sociaux sont devenus omniprésents dans nos vies, nous accordant un « énorme pouvoir » selon le philosophe Javier Gomá. Pourtant, ce pouvoir est accordé sans aucune instruction sur son utilisation, ce qui entraîne souvent des problèmes et des accidents. Dans une entrevue avec EFE, Gomá (né à Bilbao en 1965) exprime son optimisme quant à une future autorégulation de ce pouvoir nouvellement acquis.

Si l’on se remet dans la perspective d’il y a 100 ans, en 1924, que se serait-il passé si chaque Espagnol, même les plus analphabètes, avait reçu en cadeau une Lamborghini ? Il est probable qu’il y aurait eu une multiplication des accidents, mais avec le temps, les gens auraient appris les règles de sécurité routière. De même, les réseaux sociaux ont donné naissance à un pouvoir « précipité » qui ne nous a pas éduqués sur l’utilisation de celui-ci, mais il y aura sans doute une forme d’autorégulation qui émergera.

Un vulgaire triomphe

Gomá attribue aux réseaux sociaux la « conquête morale » d’attribuer un profil à chaque homme et femme, alors qu’auparavant ils étaient anonymes et sans individualité. Cependant, ces mêmes réseaux sont également une plateforme qui diffuse abondamment la vulgarité et l’arrogance. Le philosophe est profondément mécontent de ce phénomène de « sainte-beaterie » qui consiste à diviniser des éléments qui ne sont pas Dieu, tels qu’une chanteuse de pop, un iPad, une voiture, l’argent, le propre ego, et bien sûr, des personnes très populaires sur les réseaux sociaux. Il précise : « plus qu’une nouvelle religion, il s’agit d’une nouvelle idolâtrie, une déviation d’un sentiment légitime envers le divin, pour des choses vulgaires ».

Eviter les polémiques

Gomá évite les polémiques sur les réseaux sociaux car il distingue « ce qui est actuel de ce qui est réel ». Pour lui, l’actualité sera évanescente, alors que la réalité perdurera éternellement, tels que la condition humaine, le sens de la vie, l’amour, le vieillissement, l’art, etc. De plus, l’actualité est souvent gouvernée par le schéma ami/ennemi, et poussent les individus à se placer d’un côté ou de l’autre, de manière simpliste. Gomá refuse de s’engouffrer dans ces types de polémiques : « Ils ne veulent pas mon opinion, ils veulent connaître ma position, sur quelle barricade ou faction je me place ».

Le dernier ouvrage de Gomá, Universal concreto : Método, ontología, pragmática y poética de la ejemplaridad, n’est pas une simple synthèse de ses œuvres précédentes, mais plutôt un livre entièrement nouveau. Il admet cependant que l’on pourrait le qualifier de « prequel » car il considère que c’est peut-être le livre qu’il aurait dû écrire en premier et que c’est le seul qu’il aurait dû écrire.

Etre exemplaire

La thèse de son livre est que, de nos jours, « non seulement il est impossible de ne pas être exemplaire, mais il n’y a pas d’autre choix ». Gomá compare le concept d’ « exemplarité aristocratique », qui était pratique jusqu’au XXe siècle, où un petit groupe sélectif avait pour but d’être un modèle pour le reste de la société, avec la réalité moderne, qui est démocratique, où tout le monde devient modèle pour les autres et où il n’est plus possible de ne pas être imité. Il précise en outre que nous ne sommes pas libres de choisir si nous imitons ou pas, mais plutôt comment nous imitons.

Gomá remplace donc cette minorité sélective par le concept de « majorité sélective », où tout le monde est appelé à l’exemplarité et où cette exemplarité est éparse, sans ordre, souvent anonyme et sans renom.

L’âge d’or

L’auteur qualifie l’époque actuelle, celle de la démocratie libérale, comme « l’âge d’or de l’histoire de tous les peuples ». Il admet cependant que celle-ci est imparfaite mais reste mieux que toutes les autres époques. Il ajoute d’ailleurs « nous sommes les meilleurs », mais il ressent un mécontentement général, qu’il attribue à plusieurs raisons, telles que le fait que « la modernité engendre le mécontentement » et aussi que « le progrès moral intensifie ce mécontentement ».

Une autre cause est liée à la Guerre Froide, où « la cause du mécontentement était le bloc soviétique, les “méchants”. En 1989, le Mur tombe, la démocratie libérale devient la seule alternative, le mécontentement s’intériorise et créé une polarisation : un extrême accuse l’autre de tous les maux ».

Gomá discute également le concept de vulgarité, qui est le résultat de l’égalité sociale, et qui a émergé dans la deuxième moitié du XXe siècle. Pour lui, au XXIe siècle, c’est la « vulgarité triomphante » qui a triomphé et qui a chassé la haute culture. Il ajoute : « Désormais, la vulgarité est le discours officiel. Je désigne cette époque sous le nom de www.desordre.ca, mais comme un lieu de départ : la vulgarité est la première émanation provisoire de l’égalité, dans le parcours vers sa réalisation historique ultime, à savoir la majorité sélective ».

Ne pas être optimiste

Javier Gomá rejette l’étiquette d’ « optimiste », précisant qu’il est résistant à celle-ci. Si c’est en rapport avec le pronostic d’avenir, il ne l’est pas, car il justifie qu’il ne sait pas comment les choses évolueront, et en termes d’histoire individuelle, ayant une fin fatale, il n’est pas facile d’être optimiste. Cependant, de manière collective, il constate un progrès économique, matériel et moral, et si cela s’est produit durant les 5000 dernières années, il y a de bonnes raisons de penser que cela pourrait continuer. Il n’emploierait cependant pas le terme d’optimiste, mais plutôt celui de confiant.

Pour finir, dans le développement de son concept de « l’ingénuité apprise », il explique qu’elle ne vient plus de l’ignorance, mais plutôt de ceux qui en connaissent les contours et qui, malgré tout, aspirent au meilleur.

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