Un écrivain, un discours, un Nobel
En 2023, l’écrivain norvégien Jon Fosse a donné un discours de remerciement bref à l’occasion de la remise de son prix Nobel de littérature. Peut-être parce que les livres de cet auteur sont souvent concis, essentiels, avec des phrases mesurées et peu de subordonnées. Son discours, intitulé "Le langage silencieux", a permis à Fosse de définir ce que le fait littéraire représente pour lui, en bouleversant les propos du philosophe français Jacques Derrida : "le plus important dans la vie ne peut pas être dit, seulement écrit".
La peur et la découverte d’un lieu secret
L’auteur du "Septet", considéré comme son œuvre majeure, a commencé son discours en se remémorant la première fois où il a dû lire à voix haute en classe, alors qu’il était au lycée. La peur l’a paralysé, et il est sorti en courant de la salle. Mais hier après-midi, à l’Académie suédoise, cette peur a été maîtrisée, grâce à une demande d’inclusion qu’il a formulée. "Dans un sens, c’était comme si la peur m’arrachait la langue et que je devais la récupérer, pour ainsi dire. Et si je devais le faire, je ne pourrais pas le faire dans les termes d’autres personnes, mais dans les miens." C’est à ce moment-là qu’il a découvert un endroit qui lui appartenait en propre, un lieu "secret" où il continue d’écrire.
Une carrière atypique
L’auteur a également évoqué son parcours, ses romans qui ont reçu de mauvaises critiques, sa reconversion, sans le chercher, comme auteur de théâtre – qui lui a valu une renommée internationale mais aussi un moyen de subsistance -, puis en tant que narrateur, de nouveau, ces 15 dernières années. Son aspiration religieuse – l’auteur a vécu une conversion au catholicisme qui a transformé sa vision du monde – était également présente dans son discours, car elle est indissociable de l’œuvre de Fosse. "J’ai dit une fois lors d’une interview que l’écriture était comme une sorte de prière. Et j’ai été gêné en le voyant imprimé. Mais plus tard, j’ai lu, en guise de consolation, que Franz Kafka avait dit la même chose." Pour conclure, Fosse a révélé que de nombreux lecteurs lui avaient écrit en lui disant que ses textes leur avaient sauvé la vie, et cela l’a fait réfléchir à la possibilité que l’écriture ait également sauvé la sienne.
Un honneur, une reconnaissance et une responsabilité
Recevoir un prix Nobel de littérature est un honneur ultime pour tout écrivain. Cela souligne la reconnaissance de ses écrits et de son engagement envers la littérature. Mais c’est aussi une lourde responsabilité. Comme l’a souligné Jon Fosse lui-même dans son discours, "recevoir un prix Nobel ne signifie pas seulement que vos propres livres ont été couronnés de succès, mais aussi que vous avez l’obligation de montrer l’exemple, de montrer que l’écriture est importante, même dans un monde dominé par l’image".
La solitude et l’écriture
Jon Fosse a également brièvement évoqué la solitude de l’écrivain, qui peut être un fardeau mais aussi une force. La capacité à créer un monde à soi, dans lequel personne ne peut interférer, est spécifique à l’écriture, et c’est selon lui ce qui en fait sa valeur. Il a également partagé ses réflexions sur l’écriture à l’ère numérique, dans laquelle les réseaux sociaux ont pris une place prépondérante. Pour lui, il est important de préserver le silence et la solitude nécessaires à l’écriture, même si cela peut sembler difficile dans un monde de plus en plus bruyant et connecté.
La littérature comme une prière silencieuse
En tant qu’écrivain, Jon Fosse se considère avant tout comme un témoin de son temps, un passeur d’émotions et de réflexions. Il a partagé sa conviction que "l’écriture est une sorte de prière silencieuse, qui n’a pas besoin d’être dite à voix haute pour être entendue". Selon lui, c’est grâce à cette dimension intime que la littérature peut toucher ses lecteurs au plus profond de leur être.
Conclusion
En moins de 1600 caractères, Jon Fosse a réussi à livrer un discours concis et touchant, à l’image de ses écrits. À la fois introspectif et engagé, l’auteur a partagé sa vision de la littérature et de l’écriture, avec humilité et émotion. Nous lui souhaitons une longue et fructueuse carrière, et espérons que le lancement de son discours sera le début de nombreuses inspirations pour les générations futures d’écrivains.
